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Une année blanche, noire pour tous

par Moncef Wafi

Après avoir suggéré que l'année sera blanche pour les étudiants des facultés de chirurgie dentaire et de pharmacie, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est revenu à de meilleurs sentiments, en appelant les étudiants grévistes au dialogue. Cette grève, qui entame son quatrième mois, s'est peu à peu installée dans le décor universitaire, passant à une phase de durcissement avec la décision de faire grève de la faim, ultime arme dissuasive des étudiants.

Pourtant, la tutelle soutient mordicus que toutes leurs revendications «objectives» ont été prises en charge. Mais entre prise en charge et satisfaction, le fossé est grand et se mesure à l'aune de la menace d'une année blanche qui serait une première dans les annales de l'enseignement supérieur. Une éventualité rappelée par la tutelle mais laissée à la charge des commissions pédagogiques et scientifiques, histoire de s'en laver les mains et avoir la conscience tranquille. Mais tout le monde sait que cette option est difficilement envisageable, voire à inscrire dans la case de l'impossible, tant les répercussions seront désastreuses sur l'université algérienne. Déjà que les amphis sont embouteillés, les étudiants appelant même à réguler le flux avec la proposition de diminuer le nombre de places pédagogiques, on voit mal le MESRS s'accommoder d'une année blanche «casse-tête» qui risque de faire plus de mal que de régler le conflit. Enfin, tout porte à croire que des efforts de compréhension et des concessions seront au programme des prochaines négociations auxquelles la tutelle a invité les grévistes. D'autant plus que les revendications actuelles, comme le fameux point relatif au passage du 13ème au 16ème échelon dans la grille des salaires de la fonction publique, avaient déjà reçu, en 2011, des assurances officielles à leur entérinement. De leur côté, les étudiants grévistes font jouer la solidarité et l'union des forces, étalant sur la place publique leur volonté d'aller au bout du combat, même si en cours de route ils perdent des camarades grévistes de la faim évacués aux urgences médicales, et se disent déterminés et prêts à tout.

Le gouvernement serait vraiment plus inspiré à trouver une solution définitive à ce conflit récurrent, ne pouvant se permettre le luxe d'ouvrir une porte qui risque de ne pas se fermer de sitôt. Cette situation a aussi mis en lumière cette volonté de mettre au pas l'université, offerte un temps sur un plateau d'or aux mouvements estudiantins estampillés islamistes pour casser les organisations de gauche. L'Etat, en nommant les doyens au lieu d'être élus par leurs pairs, a aussi contribué à cette bureaucratisation et mise sous tutelle de l'université.