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Une Tripartite sans enjeu

par Mahdi Boukhalfa

Pour une fois depuis longtemps, la réunion de la tripartite, ce lundi à Annaba, n'aura pas le poids et l'importance des précédentes. Mieux, sans agenda précis, évacuées les questions sociales comme la revalorisation des salaires ou les revendications syndicales, la 20ème tripartite ne sera qu'une «simple» rencontre entre le gouvernement et ses partenaires sociaux et économiques. Ni le patronat ni l'UGTA, de plus en plus contestée par les syndicats autonomes qui revendiquent leur présence comme membres de la tripartite, encore moins le gouvernement, n'ont un dossier précis à soumettre à l'ordre du jour de cette rencontre. Car cette fois-ci, le gouvernement va en fait tenter d'expliquer, une fois encore, sa stratégie pour sortir de la dépendance des exportations d'hydrocarbures, et à charge pour ses partenaires de s'intégrer dans la démarche de sortie de crise préconisée par l'exécutif. Il est loin le temps des plans de relance de la croissance et des négociations compliquées et enflammées sur les revalorisations salariales, la hausse du SNMG. Non, la crise est là, et le gouvernement va juste faire dans le décorum en maintenant l'agenda de ses réunions périodiques avec ses partenaires sociaux et économiques. Rien de plus. Personne n'attend quelque chose de concret de cette tripartite, qui va se tenir dans la ville symbole de l'ex-fleuron de la métallurgie algérienne.

En fait, ce sera une tripartite sans enjeux, sans ordre du jour précis, et il n'y aura pas de discussions ni sur les salaires ni sur la retraite, des dossiers clos lors de la dernière tripartite, mais fortement contestés par les syndicats autonomes. Alors, que vaudra cette tripartite à laquelle n'ont pas été conviés les syndicats autonomes, sinon a-t-elle d'ailleurs une raison d'exister quand la question de la croissance économique n'est plus à l'ordre du jour, ainsi que les problèmes sociaux des travailleurs ? Et puis, les résultats sont connus d'avance. En 2009, Réda Hamiani avait décliné l'invitation en estimant que «nous savons pertinemment, que ce soit pour les volets économiques ou ceux afférents aux questions sociales, tout est arrêté bien avant sa tenue».

Alors, aujourd'hui que sont évacuées les questions sociales, dont la hausse du SNMG, à quoi peut servir la tripartite ? Car si l'UGTA n'a plus d'agenda, et que le patronat veut plus de concessions du gouvernement pour améliorer le climat des affaires et «tordre le cou» à la bureaucratie qui freine les investissements et décourage les investisseurs, il serait peut-être dorénavant plus judicieux de parler de bipartite, les questions économiques devant être discutées entre le patronat et le gouvernement. Ce qui serait, à considérer l'état actuel de l'économie nationale, plus juste et judicieux, les deux partenaires étant dès lors plus libres, maintenant qu'ils ne sont plus lestés des questions salariales et de protection des travailleurs, de «tirer des plans sur la comète». Les rencontres-bilans sur l'économie nationale et le climat des affaires concernent aujourd'hui plus que jamais les forces de l'argent et du capital, et les institutions nationales. Et, comme toujours, le gouvernement sera dans son rôle pour rassurer les travailleurs et le front social sur la préservation du pouvoir d'achat et les acquis sociaux, et sur les capacités de l'économie nationale à sortir de cette mauvaise passe. C'est tout.