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La loi du pillage

par Moncef Wafi

Des pilleurs de sable ont bloqué, mercredi dernier, la RN 24 reliant Dellys et Boumerdès pour exiger la restitution du camion de l'un des leurs, saisi par la Gendarmerie nationale lors d'une descente dans la plage de Zemmouri. Le scénario est tout juste hallucinant où la mafia du sable, forte du silence complice des autorités locales, est allée jusqu'à perturber la sécurité publique en prenant possession du macadam.

Véritable menace écologique sur le littoral, le pillage de sable est apparemment très bien protégé et se pratique à grande échelle devant le regard passif de ceux qui sont censés le protéger. Les pilleurs de sable ne se cachent même plus, certains de l'appui des collectivités locales qui ne déposent même pas plainte contre eux. Ce qui s'est passé ce mercredi sur la RN 24 est la conséquence de la déliquescence des représentations de l'Etat sur le terrain, à commencer par les mairies, premières garantes des richesses communales. S'attaquer illégalement au sable d'une plage ou d'une rivière revient à détruire l'environnement et à priver la région d'un atout touristique d'autant plus que c'est pratiquement du vol à ciel ouvert. Au-delà des risques sur l'écosystème, l'extraction de sable des plages porte un préjudice à l'économie nationale et concurrence, déloyalement, les carrières de sable qui fonctionnent en toute légalité et paient leurs impôts.

Véritable business qui a servi de tremplin financier à des fortunes insoupçonnées, le pillage de sable fait partie de cette économie informelle encouragée par la permissivité de l'Etat et sa frilosité devant les parapluies des intérêts en jeu. Pourtant, et à des degrés différents, piller le sable équivaut à coloniser l'espace public en s'accaparant un bout de trottoir qu'on barricade empêchant les gens de stationner. C'est s'armer d'un gourdin et s'improviser en parcmètre mobile et défricher une forêt pour y construire un palace. C'est prendre possession d'une parcelle du pays comme l'ont fait ceux d'en haut en toute impunité. C'est un mimétisme du délit de prendre par la force face à la vacance de la loi.

C'est cela piller du sable dans un pays où des responsables ne peuvent pas toujours sévir car ils ne sont pas exempts de tout reproche. On ne peut décemment pas faire la leçon la bouche pleine comme dirait la logique. La première étape est de nettoyer nos plages de tous ces parasites à camions, remonter les filières et interpeller les responsables de ces vols. C'est enquêter sur la complicité des autorités et surtout donner l'exemple. Et le bon !