Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

«Shab chkara», marque déposée

par Moncef Wafi

A un peu plus de trois mois des législatives, le monde politique s'active entre alliances de circonstance, promesses administratives, dénonciation de fraude électorale et l'épineux dossier des «shab chkara», le parti politique le plus puissant en Algérie. Un concept pas aussi nouveau que cela dans le vocabulaire algérien puisque l'intrusion de l'argent dans la politique a réellement commencé à peser dans l'orientation politique dès les années Chadli.

Si à cette époque où l'Algérie socialiste avait encore un sens, le terme de «shab chkara» n'avait pas pris tout le sens péjoratif qu'on lui connaît aujourd'hui, il n'en demeurait pas moins que le pays assistait à l'émergence d'une classe de privilégiés remplaçant les monopoles d'Etat par des monopoles de proximité avec les arcanes du pouvoir. Les familles des dignitaires du régime ont amassé des fortunes colossales par le truchement d'une économie de bazar savamment mise en place au détriment d'une économie nationale qu'on a fini par déstructurer, démantelant des pans complets d'une industrie bâtie à coups de milliards pour récupérer les assiettes foncières au dinar symbolique et privilégier l'importation de tout et de rien.

C'est aussi l'Algérie des années 80, Etat hybride, par définition, entre capitalisme sauvage de complaisance et socialisme obligé d'assistanat qui a permis l'émergence d'une faune d'affairistes adoubés par le Clan. La connivence entre argent d'origine douteuse et politique n'était plus un secret mais finit par se faire plus discrète pendant les années noires. Cependant les affairistes, toujours sous le parapluie de parrains bien placés, ont continué à faire florès pillant entreprises et mettant main basse sur le foncier agricole et industriel. L'argent prospérait à l'ombre de la guerre antiterroriste et d'autres familles émergeaient sur la liste très fermée des milliardaires. Les dernières années seront celles de l'argent, détabouisé et coulant à flots grâce à l'embellie de la mercuriale des hydrocarbures. Où se confondent souvent scandales de corruption et gros sous.

Louisa Hanoune du Parti des travailleurs dénoncera, quant à elle, la mainmise de ce qu'elle appelle l'oligarchie sur le destin du pays. Une attaque en règle de la pasionaria du PT depuis l'avènement de la loi de finances 2016 avec pour point de mire le patronat. Cette expression crue, celle du terroir, consacre pleinement l'intrusion de ces affairistes dans le monde politique. Une formule rendue populaire par les politiciens eux-mêmes qui n'ont eu de cesse de dénoncer ces pratiques douteuses. Et en Algérie, tout s'achète même, surtout, un mandat de député ou de sénateur, celui d'élu local pour les moins nantis. Ouyahia, Moussa Touati, Belkhadem alors aux manettes de l'ex-parti unique évoqueront aussi cet aspect tu de l'exercice politique. Aujourd'hui, on dit que Ould Abbès veut s'attaquer à «shab chkara», bon courage alors !