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Champions du monde des textes

par Moncef Wafi

S'il suffisait de constitutionnaliser la lutte contre la corruption, l'Algérie serait la championne du monde dans sa catégorie. Hélas, les textes aussi nombreux et solennels soient-ils ne restent qu'une littérature fastidieuse en l'absence de volonté politique de mettre un frein à ce fléau qui gangrène les soubassements mêmes de l'existence économique du pays. En nommant les sept membres de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC) et en rappelant ses missions consacrées par la Constitution de février 2016, l'Algérie ne fait qu'entériner ce qu'on sait déjà d'elle. Cet organe vient s'ajouter à la batterie de mécanismes mise en place par l'Etat pour lutter contre la corruption. Mais sans plus, prédisent déjà les observateurs.

Pourtant, et loin des discours lénifiants et des formules revisitées, le classement de l'Algérie dans la liste des pays luttant contre la corruption renseigne sur la profondeur abyssale du fossé qui sépare les textes de l'action. La dernière étude en date de Transparency International (TI) sur la corruption dans le monde confirme une fois de plus que la lutte contre la corruption dans notre pays est plus près d'un slogan creux qu'on ressort des tiroirs à de rares occasions solennelles que d'une réelle volonté politique d'aller au bout des dossiers judiciaires et de ne pas interférer dans le travail de la justice. Il n'est un secret pour personne qu'une justice dépendante de l'exécutif limite fortement son indépendance dans les dossiers de corruption où des apparatchiks sont souvent cités sans être inquiétés. Les procès de Sonatrach et de l'autoroute Est-Ouest sont souvent cités en exemple de ce qu'il faut éviter de faire.

On se rappelle que dans le sillage du rapport annuel pour 2012 de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), son président Farouk Ksentini et devant l'ampleur prise par le phénomène avait proposé de punir «sévèrement» les crimes liés à la corruption et leurs auteurs de ne bénéficier d'«aucune circonstance atténuante». Le rapport de la Cncppdh estimait que la corruption «se banalise et, l'impunité aidant, risque d'entraver toute démarche destinée à atteindre les objectifs socioéconomiques». La Cncppdh interpellait alors «les hautes autorités nationales» pour éradiquer ce fléau en permettant notamment «au pouvoir judiciaire d'exercer pleinement, sereinement et de manière indépendante l'ensemble de ses prérogatives légales». Des années plus tard, on en est au même point. Pire, le sentiment d'une régression se fait de plus en plus désagréable.