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Sociale ou hydraulique, la fracturation inquiète

par Yazid Alilat

La contestation anti-gaz de schiste se répand comme une traînée de poudre dans le sud du pays. La «protesta», qui a débuté il y a aujourd'hui 11 jours dans la ville d'In Salah, est en train de prendre des contours inquiétants. Car la contestation gagne chaque jour un peu plus de terrain, de sympathisants et prend des proportions qui risquent de gagner d'autres territoires de revendications et sortir complètement de la simple opposition citoyenne aux gaz de schiste.

Hier samedi, des habitants de la ville de Metlili, dans la wilaya de Ghardaïa, sont sortis grossir les rangs des habitants des villes du sud du pays anti-gaz de schiste et, plus globalement, contre leur marginalisation et leur éviction du débat sur les énergies non conventionnelles. Les choses en sont arrivées aujourd'hui, après un déplacement jeudi du ministre de l'Energie, qui n'a pu convaincre les gens d'In Salah de la démarche adoptée par les pouvoirs publics pour aller franchement vers les gaz de schiste, à prendre des proportions alarmantes. Car de simples manifestations, ce mouvement peut embraser toutes les villes du sud du pays, déjà passablement écorchées par un partage inégal des richesses du sous-sol du Sahara.

Jeudi dernier, le ministre de l'Energie a été envoyé en «pompier» pour apaiser les esprits et convaincre la société civile du sud du pays de l'importance de ces projets gaziers pour l'économie du pays, atteinte de plein fouet par une baisse drastique des prix du brut. Peine perdue, le ministre n'a pas convaincu ou n'a su convaincre. Le fait est qu'un mouvement de protestation de grande envergure est en train de prendre doucement mais inexorablement racine dans les villes du sud de l'Algérie où règnent mal-vie, chômage, déperdition scolaire, inégalité des chances sociales, manque d'équipements socio-éducatifs, etc. Bref, les gens du Sud semblent prendre conscience que le gap est en train de se creuser davantage entre leurs régions et le Nord. Ce sentiment de désarroi devant les inégalités entre Nord et Sud est justement en train de s'exacerber davantage avec, cette fois-ci, l'alibi du gaz de schiste.

La sortie dans la rue de milliers de citoyens des grandes cités du sud du pays n'est pas fortuite ni innocente. Youcef Yousfi a constaté jeudi dernier à In Salah que ce mouvement de protestation contre les gaz de schiste est le fait de gens qui savent «où mettre le pied». Une situation qui peut vite aller vers un «bras de fer» dommageable pour la paix sociale dans la région. D'autant que le silence assourdissant des associations de protection de l'environnement du nord du pays et des partis politiques sur les événements actuels dans les villes du Sud en particulier, et sur la question des gaz de schiste en général, est incompréhensible. Une donnée qui pourrait dangereusement renforcer ce sentiment d'abandon que ressentent les populations du Sahara, ce qui pourrait les conduire à radicaliser leur mouvement de protestation. Avec un peu plus de communication et de tact, il est aisé de faire cependant l'économie d'un tel scénario.