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L'année Sabrina

par K. Selim

Des jeunes persifleurs ont décrété que Hassi Baril était «l'homme de l'année» en Algérie pour le plongeon qu'il a fait au-dessous des 60 dollars au point de pousser ceux qui gouvernent le pays à sortir, légèrement, du ronron-va-bien et à se poser des questions. Les «prouesses» du baril n'étant pas du tout algériennes - elles sont saoudiennes ou américaines -, on n'est pas obligé de donner raison aux persifleurs. Ni d'ailleurs à ceux qui nous disent que la chute des prix du baril est une «bonne chose» pour l'Algérie. Hassi Baril compte beaucoup dans la vie du pays et la baisse des prix du pétrole est indubitablement une mauvaise nouvelle. Exit donc Hassi Baril.

Le football avec la prouesse des Verts au Brésil aurait pu faire l'évènement de l'année 2014. Mais la grande joie qu'il a procurée à de nombreux Algériens a été définitivement assombrie par la mort, sur le stade du 1er Novembre de Tizi-Ouzou, du joueur camerounais Albert Ebossé. La honte absolue ! Exit donc ce football où les frustrations et les névroses viennent se déverser sur fond d'irresponsabilité éthique des dirigeants.

La politique alors ? Il y a eu une élection présidentielle en 2014 et elle n'a fait que reconduire un statuquo un peu plus paralysant. Ali Benflis aura été, à son corps défendant peut-être, le « grand électeur » de Bouteflika. Une curieuse amnésie lui a fait balayer du revers de la main ceux qui l'avertissaient que la réédition de 2004 était en route. Exit donc la politique. Et ce ne sont pas les tentatives de censures morales contre les chercheurs et les artistes qui nous donneraient quelques raisons de croire qu'il y a un mieux dans ce domaine.

Peut-être faut-il attendre et espérer dans ceux qui œuvrent à semer l'idée simple qu'il existe des solutions algériennes à mettre en œuvre entre Algériens. Il existe bien une impasse politique créée par le régime politique et qui finit - souvenons-nous de la Libye, de la Syrie et de l'Irak - par faire pénétrer dans les esprits que la «solution» peut ou doit venir de l'extérieur. Un courant monte en cette fin 2014 pour refuser que l'impasse du régime devienne un piège pour le pays, une menace pour la souveraineté et une annihilation de l'aptitude des Algériens à penser leurs solutions. Il faudra faire l'effort de refuser que le cul-de-sac du régime ne s'implante pas totalement dans les têtes et que les réflexions sur la sortie de crise s'expriment ouvertement.

La politique fera peut-être, si ces grains qui sont semés se mettent à germer, l'évènement en 2015. Mais n'allez pas croire qu'il ne s'est rien passé de bien en 2014. Une équipe de 6 Algériens s'est classée à la 8ème place du 24e Championnat mondial de la mémoire. Une bonne performance dans des épreuves où ils devaient mémoriser des dates, des images, des visages? Cette équipe a fait mieux que le Japon et l'Inde. Et c'est rafraîchissant.

L'évènement 2014, le plus agréable et le plus réjouissant, c'est la jeune et belle Sabrina Latreche, 21 ans, qui nous l'a offert en devenant championne arabe de jeu d'échecs en individuel. Ni Bouteflika, ni Benflis, ni les fichus footeux et leurs fans violents, ni Hassi Baril et ses plongeons qui angoissent. Sabrina Latreche est notre oiseau national rare, celle qui a rendu 2014 moins terne.