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Le temps de la quincaillerie

par Yazid Alilat

L'Algérie n'exporte pas plus d'un milliard de dollars par an de produits hors hydrocarbures. En dépit de toutes les philosophies, tous les discours, parfois drôles, depuis maintenant 50 ans, le pays, hélas! n'exporte que du pétrole et ses produits dérivés. La raison en est que l'économie nationale ne produit pas bien ou pas assez pour exporter le surplus, ou des produits destinés au marché international.

La bonne santé financière d'un pays c'est, en gros, le résultat de la différence entre le montant de ses exportations et celui de ses importations. Plus cette différence (excédent) est importante, plus les caisses de l'Etat sont bien remplies. C'est le cas des grands pays industrialisés, comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France, etc., des pays qui produisent suffisamment pour exporter produits industriels et agricoles. L'Algérie, par contre, n'exporte que le produit de son sous-sol et n'arrive pas, depuis l'indépendance nationale et après plusieurs réformes industrielles et agricoles, à mettre sur le marché international le moindre produit hors hydrocarbures commercialisable.

Comment dès lors décrypter les objectifs de la conférence nationale sur le développement économique et social mise en place par un ministère de l'Industrie en perpétuel changement? Comment redresser l'industrie nationale vingt ans après sa destruction et plusieurs réformes à travers le plan de restructuration appliqué à la fin des années 1990 par Ahmed Ouyahia? Des centaines de grandes entreprises publiques, nationales et de wilaya, ont été aspirées alors par cette politique d'assainissement des entreprises publiques économiques (EPE). Pour quel résultat? Une complète désorganisation du secteur industriel national et une mise à la ferraille d'entreprises encore solvables, et des milliers de travailleurs promis à un dramatique chômage.

Aujourd'hui, juste après le passage de Rahmani à ce même ministère qui voulait lui aussi revoir l'ordre des choses dans le secteur industriel national, on en vient à réfléchir sur une autre réforme du secteur. Comme s'il s'agissait d'une loterie à l'échelle d'un pays, d'un jeu économique à l'éternel recommencement avec des acteurs différents mais avec la même équation: «comment relancer l'industrie nationale et augmenter les exportations hors hydrocarbures». Ce langage, on le retrouve malheureusement à chaque conférence sur le secteur de l'industrie. Comme une impossible litanie.

La conférence mise en place par le département de Bouchouareb a le même crédo que celles des années 1970, 1980, 1990, 2000 et 2010. En voici quelques extraits du communiqué de ce ministère annonçant la tenue de cette conférence sur le développement économique et social: le principal défi que doit relever dans les prochaines années (le secteur industriel) réside fondamentalement «dans la réduction de façon significative de notre forte dépendance envers les hydrocarbures par la relance de l'outil national de production» qui passe nécessairement par «l'encouragement de l'investissement productif et l'amélioration de l'environnement de l'entreprise». Ce communiqué donne la pleine mesure de l'irréalité de la situation du secteur industriel, du complet déphasage des responsables d'un secteur à la dérive depuis les années 1990 et la réalité actuelle de l'économie nationale, qui n'arrive plus à produire, en dehors du pétrole, pour payer ses achats à l'étranger.

La déroute actuelle du fleuron de l'industrie sidérurgique algérienne, vendu pour une bouchée de pain au géant mondial de l'acier, puis racheté par l'Etat, est symptomatique de l'état catastrophique dans lequel évolue l'industrie nationale publique. Et plus on injecte de l'argent dans ces EPE, plus les chiffres de leur déficit s'affolent. Que faire alors ?