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Un pays en marche

par M. Saadoune

Il y a dans nos médias un alarmisme excessif au sujet du processus électoral tunisien qui est sur le point de clore une transition riche d'enseignement où le mot d'ordre du consensus, bien réel, n'a pas rimé avec immobilisme.

Le scrutin tunisien, tenu hier dans de bonnes conditions, était-il vraiment à «hauts risques» comme beaucoup, y compris dans ces colonnes, ont pu le dire ? Certes, il y a eu, à la veille du scrutin, cette manifestation du risque terroriste qui est venue rappeler que le processus n'est pas une simple promenade.

Les autorités tunisiennes avec le soutien de l'ensemble des forces politiques y compris des islamistes d'Ennahada sont sorties de l'angélisme et traitent avec vigueur un risque terroriste accru par la proximité du chaos libyen. Dans ce domaine aussi, le «consensus» fait son œuvre.

L'analyse de la situation en Tunisie ne doit pas omettre cet aspect sécuritaire inquiétant, les grosses difficultés économiques et aussi un certain désabusement de la population après de grandes espérances. Mais ce serait injuste de ne le faire que par ce biais.

Il y a eu en Tunisie un processus politique fait de compétition mais aussi de négociations et de concessions qui ne permettent pas de parler d'un scrutin à hauts risques. Ce remarquable processus politique a été difficile mais il a donné au «consensus» une signification positive et dynamique qui fait que le scrutin est organisé dans une perspective du «moins de risques possibles».

Quel que soit le résultat des urnes, le passage à une vie institutionnelle stable continuera à porter cette empreinte d'une démarche prudente où ceux qui sont au pouvoir doivent tenir compte des autres. Les islamistes d'Ennahda ont fait un parcours remarquable, ils ont, en quelque sorte, fait de l'expérience du FIS un «anti-modèle».

Tout faire pour ne pas effrayer les classes moyennes «occidentalisées» même si la représentation médiatique de cette dernière leur est farouchement hostile et a même souhaité un certain retour à l'Etat policier.

Les élections tunisiennes ne déboucheront pas sur le Daech. Ceux qui en Algérie continuent de lire les évènements à partir de ce qui est arrivé en Algérie, après le vote du 26 décembre 1991, ne le font pas par le bon bout. Continuer à le lire par un biais algérien, qu'il soit «éradicateur» ou «islamiste», n'est pas le bon chemin pour comprendre ce qui se passe en Tunisie.

La bonne analyse est que le processus tunisien s'est alimenté du cas algérien comme du «modèle» à ne pas suivre. Ils ont un modèle électoral qui évite l'amplification survenue en Algérie du vote islamiste. Ils ont un parti islamiste qui a compris qu'une position hégémonique créerait une situation de clivage qui mène à la confrontation. Ils ont fait les choses de manière différente, conscients qu'il faut un minimum d'entente pour un pays qui n'a pas de rente et qui a besoin de continuer à fonctionner. Et cela marche. Et rien ne dit que ça ne continuera pas de marcher.