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La mentalité de l'impasse
par K. Selim
« Je suis prisonnier de la Constitution
de 1989». Même quand on affiche une disonibilité à discuter et à participer à trouver
des solutions dans un pays où il y a des pouvoirs mais pas encore d'Etat au
sens moderne du terme, on est engagé par ce qu'on a fait. Par ses propres
valeurs. Mouloud Hamrouche est «prisonnier» de la Constitution de 1989 ? On en
doute. Mais alors, dans le sens le plus positif du terme : celui de
l'attachement à la construction d'un Etat moderne fondé sur l'exercice effectif
des libertés. C'est d'ailleurs cet attachement -ou «auto-emprisonnement» dans
des valeurs qui sont celles du mouvement national- qui rendait spécieuses les
critiques de ceux qui le présentent en attente dans «son salon» d'une «offre»
du système. La Constitution de 1989 incarnait bien une volonté de refonder
l'Etat sur des bases modernes avec les libertés comme fondement et une réelle
séparation des pouvoirs. C'est un attachement éthique : quand on défend les
libertés, on ne peut être partie prenante à des démarches qui visent à les
étouffer ou les restreindre. C'est aussi le fruit d'une analyse «réaliste» sur
la dangereuse vanité d'un système qui croit arrêter l'histoire en
«s'organisant» contre une société perçue non comme une force ou un potentiel
mais comme une menace. On n'est d'ailleurs pas sorti de cette perception où le
potentiel du pays, c'est-à-dire celui des Algériens dans leur diversité, est
neutralisé au lieu d'être valorisé. Un système qui a entrepris depuis les
années 90 de démanteler les réformes et de maintenir les Algériens orphelins
d'un Etat moderne qu'ils auraient pu avoir, mais qu'ils n'ont pas, n'a pas
d'offre politique à faire. Il peut offrir des «postes», il n'offre pas une
politique ou une perspective. Le «dialogue» sur la révision de la Constitution
ne constitue pas une offre politique. La seule disposition visée est de
revenir, presque en catimini, à la limitation des mandats. Cela ne fait pas un
débat politique et encore moins un projet de société. On peut aisément
comprendre que Mouloud Hamrouche ne soit pas intéressé par des discussions que
l'on sait hors sujet. Surtout dans un pays où la «seule grande réussite» du
système est d'avoir entravé systématiquement l'organisation de la société alors
qu'il a atteint lui-même un niveau avancé d'impotence. Le pays a besoin d'une
vraie introspection, d'une mise à plat et non d'artifices et de ruses. La
limitation des mandats n'est pas sans importance mais si elle avait du «sens»
en 2008, elle n'en n'aura pas désormais avant dix ou quinze ans. Elle n'est
pour l'heure ni un programme ni une urgence. Elle n'est pas une «réforme».
Qu'on le veuille ou non, la vraie référence reste la Constitution de 1989 car
elle était portée par une poussée de la société et une volonté de réforme. Les
vieilles ruses politiques sont dérisoires devant la conjonction entre l'impasse
du système et l'inexistence d'une alternative organisée dans la société. Et il
est clair qu'un effondrement -qui n'a rien d'hypothétique- du système fait
peser une grave menace sur l'Algérie. Le cadre de la discussion fixé par le
pouvoir ne peut donner qu'un débat à vide. Comment en sortir ? Les gens du
régime doivent se libérer de la peur d'une société qui a plus que jamais besoin
d'un Etat solide, moderne et démocratique. Comment organiser la transition du
non-Etat vers le début d'une vraie construction est le seul thème à la hauteur
des enjeux. Ce n'est pas une affaire de texte, mais d'une volonté politique et
d'une prise de conscience des périls. Hamrouche n'est pas prisonnier de la
Constitution de 1989. C'est ceux qui ont mené la contre-réforme depuis plus de
deux décennies qui le sont. Ils ont réussi à casser un élan mais ont installé
le pays dans l'impasse. Et ils le sont, eux aussi, mentalement.
Même
quand ils constatent que cela ne «marche pas» ils ne savent même plus comment
réformer. Car, dans l'entreprise de démantèlement des réformes, ils ont aussi
cassé les outils qui permettent de les penser et de les mettre en œuvre. Raison
de plus pour ne pas ruser et se tromper de débat. Il n'y a pas de solution
miracle. Mais il y a des constats, sans fard, à faire et un consensus à mettre
en place pour retrouver un nouvel élan.
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