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Le G7 et le «silence de Dieu»

par K. Selim

Dans le climat d'incertitude politique aggravée créé par le quatrième man-dat du président-candidat, les préoc-cupations s'expriment et des acronymes nouveaux, des abréviations originales et des sigles inédits apparaissent au détour d'analyses et de commentaires d'acteurs de tous horizons. Sans l'avoir vraisemblablement souhaité, Mouloud Hamrouche, en interpellant publiquement Bouteflika et les généraux Gaïd Salah et Toufik, a donné naissance, dans les réseaux, à l'acronyme «BGT». Une marque déposée formée à partir des premières lettres des noms de ceux qui incarnent la cime d'un système en pleine impasse et dont les représentants sont peu loquaces sinon totalement silencieux comme le général Toufik. Le «silence de Dieu» note avec humour un confrère en faisant un clin d'œil à la fameuse adresse de Hocine Malti qui parle d'ailleurs d'une «glaciation à la Brejnev» en Algérie.

Le général à la retraite Hocine Benhadid dans un texte préconisant une Constituante vient de mettre sur le marché de la politique le «groupe des 07» qui serait en train de remiser dans la catégorie «archives conceptuelles » la fameuse et notion de «décideurs» lancée au début des années 90 par feu Mohamed Boudiaf. Le marché aux spéculations s'est enflammé autour de l'identité de ce fameux «G7» qui serait assis sur l'opulente économie rentière et serait tenté de mettre au pas «l'institution militaire et 40 millions d'Algériens». Benhadid esquisse la sociologie politique plutôt quantitative d'une «bourgeoisie parasitaire» estimée à 500.000 personnes et brassant environ 20 milliards de dollars. Et si de manière empirique les Algériens savent que cela recouvre une réalité souvent honteuse, cela n'éclaire en rien sur les composantes de ce «G7» local qui est, comme son nom l'indique, un groupe plutôt restreint. Seraient-ce les hommes qui mènent la campagne par procuration pour Bouteflika ? S'agirait-il des hommes d'affaires qui ont ostensiblement ouvert leurs portefeuilles pour la campagne ? Voilà donc un mystère de plus à décrypter. Il appartiendra probablement au général qui a choisi d'alimenter le salutaire débat en cours d'aller plus loin dans l'information de l'opinion.

Mais ce qu'il faut retenir avant tout est cette remarquable convergence des appels à l'organisation d'une transition et à la recherche d'un consensus pour changer de régime et de cap. Au-delà des formulations et de la tonalité dans laquelle elle s'exprime, la transition est devenue le leitmotiv avant l'élection présidentielle. Et elle le sera après le 17 avril sachant qu'ils sont très peu à croire qu'une surprise puisse surgir d'une élection semblable à celles qui l'ont précédée. Le discours de ceux qui mènent campagne pour Bouteflika martèle avec insistance le rejet de toute discussion autour de l'organisation et des modalités de quelque transition que ce soit. C'est dit sur tous les registres avec beaucoup d'assurance voire d'arrogance. Et surtout avec un discours lénifiant sur les institutions dans un pays où leur caractère factice ne se cache plus.

Ce refus d'entendre les appels à l'ouverture d'un vrai débat sur les moyens de rétablir le consensus national et de mener les changements nécessaires pour construire de l'intégration et rétablir l'espace-nation comme lieu d'exercice des libertés est inquiétant. Il place déjà l'après 17 avril dans une perspective conflictuelle d'autant plus dangereuse que le système en place s'est érodé au fil des ans pour devenir impotent. Si aujourd'hui on parle du poids grandissant des barons de l'informel, c'est bien en écho de l'effritement encore plus grand du pouvoir formel et son incapacité à reprendre la main. Entre ce mystérieux G7 qui est mis sur le marché et le «silence de Dieu» qui ne semble plus émettre par ses voies traditionnelles et les appétits visibles d'un néo-makhzen à l'algérienne, les incertitudes sont lourdes.