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DEUX PAS EN ARRIERE

par M. Saadoune

C'est du grand classique. Alger n'est pas pressé d'ouvrir ses frontières et prend son temps. L'urgence existe peut-être chez les habitants de zones frontalières et chez certains militants du Maghreb, mais elle n'est pas un souci majeur des Algériens. L'habitude d'une frontière fermée a été prise et ces derniers temps, avec la pénurie de carburants provoquée par les «hallaba», la «cause» n'est pas très populaire.

Côté marocain, la situation est différente. Dans un contexte de grandes difficultés économiques, la réouverture des frontières serait une vraie bouffée d'oxygène. Et le manque d'empressement d'Alger suscite de l'agacement, voire de la colère. Cela s'est exprimé, jeudi, dans un communiqué marocain critiquant des déclarations officielles algériennes au sujet de «conditions» émises pour une réouverture des frontières. Rabat a choisi cependant de faire une lecture un peu spécieuse d'une déclaration d'Amar Belani pour lancer la polémique. Le porte-parole avait indiqué que la réouverture de la frontière était tributaire de «l'arrêt de la campagne de dénigrement contre l'Algérie», d'une «coopération sincère, efficiente et productive» sur le trafic de drogue et d'un «respect» de la position du gouvernement algérien sur le Sahara Occidental.

Le Maroc a estimé que ces «conditionnalités unilatérales» n'étaient pas en soi acceptables. Il a jugé «plus grave» la demande de «respect» de la position du gouvernement algérien sur le Sahara Occidental. Selon cette lecture un peu particulière faite par Rabat, «l'Algérie place la question du Sahara au cœur de la relation bilatérale» et «rompt unilatéralement un accord, convenu au plus haut niveau et réitéré à maintes reprises, de découpler la gestion du dossier du Sahara marocain de l'évolution des relations bilatérales». On peut «positiver» cette sortie en constatant que le Maroc a définitivement fait sienne l'idée d'un «découplage» entre le dossier du Sahara Occidental et les relations bilatérales. Cette approche pragmatique de bon sens a été pendant très longtemps rejetée par Rabat au nom de «l'intérêt supérieur» du pays. Mais sur le fond, Rabat sait que demander le «respect» de la position de l'Algérie ne signifie pas qu'on demande au Maroc de la partager.

LES POSITIONS DE CHACUN SUR LE DOSSIER SONT CONNUES ET ELLES SONT TELLEMENT ELOIGNEES QU'IL EST EXCLU QUE L'UN OU L'AUTRE CHANGE DE POINT DE VUE. DEMANDER LE «RESPECT» DANS CES CONDITIONS NE SIGNIFIE PAS METTRE LA QUESTION AU «CENTRE» DE LA RELATION. CELA SE RAPPROCHE PLUS DE LA NECESSITE DE CESSER DE MENER DES CAMPAGNES MEDIATIQUES AUSSI INUTILES QUE CONTRE-PRODUCTIVES. ON PEUT REGRETTER BIEN ENTENDU LES LENTEURS DE LA REOUVERTURE DES FRONTIERES ET LE FAIT QUE LES RELATIONS ALGERO-MAROCAINES ONT TENDANCE A FAIRE DANS LE «UN PAS EN AVANT» SUIVI DE «DEUX PAS EN ARRIERE». LE PROBLEME POSE PAR LE TRAFIC DE DROGUE EN PROVENANCE N'EST CEPENDANT PAS UNE INVENTION. MOURAD MEDELCI A PEUT-ETRE ETE UN PEU LOIN EN ESTIMANT QUE L'ALGERIE ETAIT «PRESQUE VISEE». CELA SUGGERE L'EXISTENCE D'UNE «INTENTION» DU COTE MAROCAIN QUI RESTE A ETAYER. MAIS LE PROBLEME EXISTE ET PESE DEJA ALORS QUE LES FRONTIERES SONT FERMEES. IL SERAIT PLUS CONSTRUCTIF D'EN DISCUTER FRANCHEMENT ET DE TROUVER LES MOYENS DE LE COMBATTRE EN COMMUN PLUTOT QUE D'EN FAIRE UN MOTIF DE POLEMIQUE.