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LE PIEGE DE L'ENLISEMENT

par M. Saadoune

La longueur quasi continentale de la frontière entre l'Algérie et le Mali est suffisante pour nous imposer une démarche prudente et de ne pas faire n'importe quoi. On a déjà constaté qu'on flattait démesurément l'armée algérienne et la connaissance «inestimable» des services algériens sur ce qui se passe au Sahel. Sans être dans le secret des sources fermées, cette connaissance «inestimable» d'une région, «grise» depuis les indépendances du fait d'un défaut d'Etat intégrateur, commande de ne pas trop écouter les flatteurs. Ils sont trop loin du théâtre des opérations, selon la formule militaire, pour être touchés directement.

Il y aurait trente mille soldats algériens qui surveillent la frontière avec le Mali. C'est déjà énorme comme tâche et l'armée algérienne n'a pas à aller se fourvoyer dans une entreprise guerrière au nord du Mali même si elle a l'aval de l'Onu. On ne peut pas s'opposer à une décision du Conseil de sécurité avalisant une intervention militaire, rien ne contraint l'Algérie d'y participer. A moins de succomber à ce qu'un ancien ministre et diplomate algérien a nommé une «sensibilité pathologique aux flatteries des puissants», l'intérêt de l'Algérie est de défendre une solution sérieuse et durable au nord du Mali. Exiger, comme le fait la France, d'un mouvement islamiste comme Ançar Eddine de renoncer à la charia, peut paraître «beau» mais c'est tout simplement choisir de rendre impossible une solution politique. Par contre, exiger de lui qu'il prenne ses distances avec les organisations terroristes comme Aqmi et le Mujao est totalement fondé.

La question de la charia est trop complexe et elle sera de toute façon un des éléments en discussion dans un processus de négociation à mener entre un gouvernement malien légitime et les mouvements de rébellion targuie. Cette question ne peut constituer un préalable sauf si l'on veut la mettre en avant pour entraver la démarche politique et présenter l'option militaire comme la «seule issue». Que l'on cherche à traiter avec tous les mouvements targuis qu'ils soient islamistes ou laïcs n'est pas une hérésie, à plus forte raison quand les Occidentaux s'accommodent, quand ils ne les soutiennent pas, de l'arrivée des islamistes au pouvoir dans des pays arabes. C'est, paraît-il, du «pragmatisme». Mais pourquoi ce pragmatisme ne vaudrait-il pas pour le nord du Mali s'agissant de Touareg islamistes qui sont bien chez eux, là-bas, et qu'il convient d'intégrer dans un processus politique ? Qu'ils prennent leurs distances à l'égard du terrorisme et des organisations terroristes est une condition suffisante pour qu'ils soient légitimement associés à la solution politique.

L'ACTION MILITAIRE AU NORD DU MALI EST RISQUEE, ELLE SERA CONTRE-PRODUCTIVE. CE N'EST PAS UN HASARD QUE LES MINISTRES DE L'AFRIQUE DE L'OUEST, QUI ONT SUIVI LE CAP FIXE PAR PARIS, DEMANDENT PLUS DE TROUPES ET CHERCHENT A IMPLIQUER PLUS DE PAYS. CE QUI N'EST PAS UN GAGE D'EFFICACITE. TOUS LES MILITAIRES LE DISENT : REPRENDRE LES VILLES AU NORD DU MALI NE CONSTITUE PAS UNE GRANDE DIFFICULTE. TENIR CES VILLES ET RETABLIR LA SECURITE AU NORD DU MALI EST UNE ENTREPRISE AUTREMENT PLUS DIFFICILE. SANS INCLURE LES TOUAREG DANS UN PROCESSUS POLITIQUE STABILISATEUR, CELA SIGNIFIERA QU'IL FAUT MAINTENIR PENDANT TRES LONGTEMPS SUR PLACE UN NOMBRE IMPORTANT DE TROUPES. IL Y A UN MOT POUR CELA : L'ENLISEMENT. L'ALGERIE NE DOIT PAS S'ENGAGER DANS UNE AFFAIRE QU'ELLE SAIT PERDUE D'AVANCE. SURTOUT QU'ON SEMBLE, D'UNE MANIERE OU D'UNE AUTRE, PAR LA FLATTERIE AUTANT QUE PAR LES PRESSIONS, VOULOIR LUI EN FAIRE SUPPORTER LES COUTS. C'EST TOUT SIMPLEMENT UN PIEGE.