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LE DOUBLE DISCOURS MALIEN

par Kader Hannachi

Si l'intervention militaire au nord du Mali a pour objectif la lutte contre le terrorisme, cela est important et l'Algérie a l'intention de persévérer par tous les moyens dans cette lutte». Celui qui parle ainsi et dont les propos ont été rapportés jeudi et vendredi derniers par un envoyé spécial de l'agence APS est M. Mourad Medelci, chef de la diplomatie algérienne. Ce n'est pas la première fois que ce ministre comme l'ensemble des diplomates de notre pays engagés dans la résolution de la crise malienne s'exprime publiquement pour réaffirmer la position algérienne de soutenir Bamako à réintégrer en toute souveraineté ses territoires du Nord et à mettre hors d'état de nuire les groupes terroristes qui s'y trouvent.

La nouveauté, cependant, est dans le «si» et le conditionnel qu'utilise cette fois M. Medelci pour rappeler dans sa déclaration les fondamentaux de la politique étrangère de l'Algérie à l'égard de ce qui se passe chez son malheureux voisin le Mali. Si on lit bien la dépêche de l'APS, le message du ministre algérien exprime une nuance lourde de sens. Il tend à faire penser que les autorités maliennes de transition, face à la pression qu'elles subissent de toutes parts, n'ont pas encore un discours clair. Ni sur leurs intentions relatives à la configuration de l'intervention militaire annoncée dans leurs territoires du Nord ni sur leur réel engagement à discuter avec les parties touarègues non impliquées dans le terrorisme et susceptibles de s'asseoir à la table des négociations.

Ce soupçon, disons-le, de double discours, ce n'est pas seulement l'Algérie qui l'évoque ou le suggère. Hier, alors que Bamako accueillait une réunion internationale du «Groupe de contact et de suivi sur le Mali» pour définir une stratégie de reconquête du Nord, nombreux sont les diplomates africains et internationaux présents sur place qui ont émis la même crainte de voir les autorités maliennes entretenir le flou sur leur volonté de mener des pourparlers avec les groupes touaregs crédités porteurs de propositions politiques. «Nous sommes là pour dire aux autorités de transition que cela suffit, qu'il faut aller de l'avant maintenant», a confié à l'agence Reuters un participant à cette réunion. Un autre diplomate européen a indiqué pour sa part que «sept mois après le coup d'Etat, il n'y a pas eu de grandes avancées», qu'il a fallu «six réunions des chefs d'Etat de la Cédéao, Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest, des dizaines de rencontres au niveau des chefs d'état-major de la sous-région pour que les autorités maliennes acceptent finalement d'aller à l'ONU?».

A Bamako, il semble bien qu'il n'y a pas unanimité sur la nécessité d'une intervention militaire africaine sans éléments opérationnels non africains. Des groupes politiques influents dans la capitale malienne ne voient pas d'un mauvais œil une présence au sol d'éléments français et occidentaux et tentent de peser sur la balance au point d'irriter l'Union africaine et l'Algérie qui n'entend pas accepter que des puissances étrangères au continent mènent des opérations de guerre à ses frontières. D'autres ne semblent pas disposés non plus à parler avec les groupes touaregs indépendantistes. Parmi eux, le MNLA et même le groupe Ansar Dine d'Iyad Ag Ghali qu'Alger croit capables de se démarquer de ses revendications séparatistes pour le premier et des groupes terroristes d'Al-Qaïda au Maghreb pour le deuxième. C'est ce que laisse entendre une interview importante mais passée inaperçue du ministre algérien chargé des Affaires africaines et maghrébines, Abdelkader Messahel, sur les ondes de RFI. Le diplomate algérien, qui connaît bien le dossier, déclare que «l'occasion est venue» pour des «négociations avec les groupes qui se démarquent du terrorisme et du crime organisé», dans le cadre de la prise en charge de certaines revendications légitimes des populations du Nord.

LES AUTORITES MALIENNES DE TRANSITION L'ENTENDENT-ELLES DE CETTE OREILLE ? PLUS D'UNE SEMAINE APRES L'ADOPTION D'UNE RESOLUTION PAR LE CONSEIL DE SECURITE, QUI DONNE 45 JOURS AUX PAYS D'AFRIQUE DE L'OUEST POUR PRECISER LES PLANS MILITAIRES EN CAS D'OPERATION, ON NE LE SAIT PAS VRAIMENT. ON COMPREND MIEUX ALORS LES MOTS DE M. MEDELCI ET L'IMPORTANCE DE LA REUNION DU «GROUPE DE CONTACT» HIER A BAMAKO DE PRESSER LE POUVOIR INTERIMAIRE A SUIVRE LA FEUILLE DE ROUTE AFRICAINE.