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SPLEEN EN FOOT.DZ

par M. Saadoune

 Dans la fournaise de Ouagadougou, l'équipe nationale a été battue par le Mali sur le score de deux buts à un. Cette défaite vient interrompre la série de victoires depuis l'arrivée du sélectionneur bosniaque Halilhodzic à la tête de la sélection algérienne. La déception se lisait, hier matin, sur les visages de très nombreux supporters des «Verts», pour eux cette défaite a un goût particulièrement amer.

Tout autant que l'arithmétique impitoyable qui a sanctionné le match, c'est la forme qui a décontenancé. Beaucoup se sont étonnés de l'absence quasi totale de fond de jeu. Au cours de quatre-vingt-dix minutes, «on n'a jamais vu trois passes consécutives», note un commentateur perplexe. La faible prestation du onze algérien est davantage soulignée en ces temps de Championnat d'Europe des nations où les phases de jeu de bon niveau des premiers matchs séduisent les téléspectateurs. Pour certains, le football reflète bien la situation paradoxale de la société. Les joueurs maliens dont le pays traverse une période critique se sont engagés et ont produit un spectacle de qualité malgré d'évidentes lacunes défensives et un gardien de but plutôt incertain dans ses interventions.

Les Algériens, qui disposent de moyens autrement plus importants, ont sans doute subi les effets d'une chaleur étouffante mais, pour de nombreux aficionados, ils n'ont pas démontré grand-chose, que ce soit au plan individuel ou collectif. C'est bien cette frustration qui ressort des observations d'un public qui s'étonne du fait que plutôt que faire courir le ballon, les joueurs algériens ont préféré s'épuiser à courir eux-mêmes. L'entraîneur quant à lui semble, à cette heure, encore épargné par les critiques. Son «coaching» - c'est-à-dire sa capacité à effectuer des changements judicieux en cours de jeu - est à peine remis en cause. C'est bien l'incapacité à faire du jeu ensemble et l'absence perceptible de volonté de vaincre qui dominent dans l'appréciation populaire. Chacun cherchant à tout faire par lui-même, notamment au milieu du terrain et en attaque, sans manifester de conviction particulière. Serait-ce ainsi que les supporters voient leur propre société? Comme un regroupement d'individualités hors d'état de construire un projet commun ? Comme une équipe sans culture de la solidarité?

La chaleur, qui affectait également les Maliens, n'explique pas à elle seule cette contre-performance. Les footballeurs algériens ne sont certes pas plus mauvais que d'autres, beaucoup sont titulaires dans des clubs professionnels européens. Pourquoi ont-ils eu tant de difficultés à poser le ballon et à éviter de commettre tant de fautes techniques élémentaires? Le ballon qui fusait trop souvent dans les airs, les passes imprécises et la relance presque toujours fautive ont démontré une qualité de maîtrise tout à fait insuffisante. A moins qu'il ne faille, délaissant les aspects physiques et techniques, se résoudre à plonger dans les abîmes de la psychologie pour tenter de comprendre la cascade d'erreurs et d'approximations.

Les réflexions désabusées ne masquent pas le fair-play de la majorité: la victoire du Mali est méritée. Et puis, tout comme les peuples qui apprennent de leurs erreurs, l'équipe nationale devrait tirer les leçons de ses échecs. La seule variable décisive en la matière est le temps, tout comme la nation qui tarde à révéler ses potentiels, l'amalgame disparate de Ouagadougou pourrait se muer en collectif en devenir. Il faudrait le faire vite, pour ne pas louper d'autres rendez-vous autrement plus importants.