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LA «VICTOIRE» ET L'AVEUGLEMENT

par M. Saadoune

La victoire des partis du pouvoir va-t-elle conduire à un renforcement de l'aveuglement du régime ? Les résultats cumulés du FLN et du RND peuvent en effet le conduire à la conclusion absurde que les Algériens ne veulent pas le changement et qu'ils sont satisfaits de la situation présente. Ce serait totalement aberrant quand, selon les chiffres officiels, la part des abstentionnistes représente l'immense majorité des électeurs. Auxquels on peut ajouter le nombre important de votes blancs. Même si l'on ne peut attribuer ces abstentionnistes à un parti ou à un courant, ils expriment, au moins, un manque de confiance, pour ne pas dire de défiance, à l'égard du système politique en place.

Un «vote refuge » exprimé par un taux de participation faible et après plus de deux décennies de verrouillage politique n'est pas un gage de stabilité. Il y a une très forte probabilité que le pouvoir se contente, malgré les contestations qui s'expriment au sujet du taux de participation réel et sur la part du FLN, des satisfecit qui lui sont adressés de l'extérieur. C'est une vieille habitude : l'avis extérieur, souvent purement diplomatique, prime sur celui des Algériens. Il permet d'ignorer et de refuser d'entendre qu'une grande partie d'entre eux a considéré que le jeu imposé par le système n'en vaut pas la peine.

Certes, en démocratie, ce sont les votants qui décident. Sauf que nous ne sommes pas dans une démocratie où les libertés sont consacrées. Et puisqu'on aime l'avis extérieur, autant rappeler le rapport très récent du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de réunion pacifique et d'association, qui fait dans ce domaine un constat plutôt sinistre. Et très largement corroboré par les militants syndicaux et les défenseurs des droits de l'homme.

Considérer que les Algériens ne veulent pas le changement est la pire des lectures. Malheureusement, elle est la plus probable. Cela fait partie des us et coutumes du système d'ignorer ce qui ne l'arrange pas et de ne retenir que ce qu'il veut. Et pourtant, une telle autosatisfaction occulte le fait que cette abstention s'accompagne d'un fort sentiment de marginalisation et comporte un fort potentiel de violence. Le régime a lourdement insisté sur le risque d'ingérence étrangère pour mobiliser en faveur du vote. Le patriotisme des Algériens n'étant pas en doute, le résultat est loin d'être probant au vu de l'ampleur de l'abstention. Et le fait que la participation a formellement dépassé le cap de 37% de 2007 n'y change pas grand-chose. Le statu quo reste une mauvaise option. La pire !

La seule stabilisation qui compte est celle d'une intégration libre des citoyens dans un système respectueux des libertés, du droit d'association et d'expression. Et surtout dans un système où le pouvoir rend des comptes à une représentation nationale disposant des moyens de le contrôler et de vérifier l'usage qu'il fait des ressources. On en est loin. Le Parlement algérien a été réduit au rôle d'institution alibi dans le cadre de la contre-réforme qui s'est évertuée avec constance à effacer tous les progrès, même théoriques, contenus dans la Constitution de février 1989.

Officiellement, il y a un projet de révision de la Constitution. Ce sera l'occasion de vérifier si l'on va vers l'ouverture ou vers une accentuation de la contre-réforme.