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UN DEBUT, DES ATTENTES

par M. Saadoune

Ceux qui attendaient, absolument à tort, des étincelles miraculeuses de la visite du ministre marocain des Affaires étrangères à Alger tirent la conclusion logique d'un postulat erroné : le résultat est «maigre». Ils expriment ainsi une impatience à conclure qui est en totale contradiction avec l'immobilisme, pour ne pas dire la glaciation, qui existe dans les relations entre les deux pays depuis 1994. Les processus d'ouverture très contrôlés qui se mettent en place au Maroc et en Algérie ne permettent pas une accélération à grande vitesse que seules des sociétés civiles libérées sont en mesure d'impulser.

Il faut donc admettre que la nature même des deux systèmes politiques et leur démarche d'ouverture homéopathique maintiennent le devenir des relations entre les deux pays dans un monopole des acteurs étatiques. Les sociétés civiles, militants syndicaux, politiques et aussi opérateurs économiques sont encore trop bridés pour jouer un rôle d'impulsion. Ils peuvent néanmoins ? et certains le font ? mettre l'accent sur le fait qu'il est totalement anormal que l'on ne puisse pas avoir des relations ordinaires à défaut d'être exceptionnelles. Ils peuvent aussi mettre en exergue le fait que les professions de foi maghrébines qui ont pris un tour inflationniste ces derniers temps n'ont de sens que si elles se traduisent par des actes. Et dans le cas de l'Algérie et du Maroc, s'il est impossible d'imaginer une vision partagée sur la question du Sahara Occidental, il est tout à fait logique de penser que la réouverture des frontières est dans l'ordre des choses ; et qu'il ne faut surtout pas la lier avec la question du Sahara.

L'assertion de la part de certains responsables algériens que la « frontière s'ouvrira bien un jour» est, en toute logique, totalement superflue ; ou alors il faut la prendre juste pour ce qu'elle est : une répartie routinière à une question régulière sur un sujet qui n'a pas été encore tranché. C'est toujours mieux qu'un «niet» catégorique qui paraît irréaliste. Il n'est pas faux de souligner que l'affermissement des liens économiques est important et que les «réunions sectorielles» peuvent encourager une intégration qui favorisera à son tour une amélioration des relations politiques. C'est ce qui est en œuvre ces derniers mois et il ne faut pas sous-estimer leurs importances. Il est toujours bon d'avancer là où cela est possible et d'éviter que les divergences sur d'autres sujets n'entravent le mouvement. Trop de temps a d'ailleurs été perdu à focaliser sur les divergences au lieu de cultiver les domaines d'entente. Mais ce réalisme, après plus d'une décennie d'immobilisme, a ses limites. Il faut aller au-delà et impulser un rythme plus rapide. Et cette accélération ne peut venir en l'état actuel des choses que d'une volonté politique.

On a envie de croire que les deux parties algérienne et marocaine ont effectivement décidé que la question du Sahara Occidental gérée au niveau de l'Onu ne doit plus être un obstacle pour avancer ; et que c'est cela la «bonne» raison qui fait que le sujet n'a pas été, officiellement du moins, évoqué lors des entretiens algéro-marocains. Et il faut positiver le fait que les deux parties aient décidé d'organiser une réunion biannuelle des ministres des Affaires étrangères afin d'évaluer leurs relations bilatérales. Il reste néanmoins à faire preuve de plus de volontarisme politique pour rattraper le temps perdu pour le Maghreb. C'est, clairement, ce que les autres partenaires de l'UMA attendent du couple Algérie-Maroc.