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«ERREUR FATALE»

par K. Selim

L'Autorité palestinienne a repris langue hier avec les Israéliens à Amman. La Jordanie, qui veut reprendre le rôle de médiateur laissé «vacant» par la chute de Moubarak, est satisfaite. Israël aussi ! La rencontre préfigure la relance de l'interminable feuilleton de la négociation qui permet de changer la réalité sur le terrain à coup de dépossession de territoires et de purification ethnique et de le rendre non négociable.

Que fait l'Autorité palestinienne dans cette galère alors qu'on la croyait suffisamment édifiée sur l'absence de volonté israélienne et sur le rôle manœuvrier et hostile des Etats-Unis ? De nombreux Palestiniens, qui avaient décidé que Mahmoud Abbas avait peut-être sauvé son image dans l'histoire en osant contredire les Américains sur la candidature de la Palestine à l'ONU, sont à nouveau pris de doute. C'est que cette reprise des discussions se fait sans que l'exigence minimale d'un arrêt de la colonisation ait été acceptée par Israël. Au contraire, Israël a annoncé la construction de milliers de nouveaux logements en Cisjordanie et à Al-Qods ! Cette reprise des discussions intervient comme pour casser les efforts d'une réconciliation avec le Hamas.

Bien sûr, il faudra bien négocier un jour ou l'autre. Mais Mahmoud Abbas avait clairement établi que les négociations menées depuis les accords d'Oslo ont été vaines, une perte de temps pour les Palestiniens et une source dramatique de divisions et d'affrontements. Pourquoi accepter de reprendre une démarche alors que rien n'a changé du côté israélien et qu'aux Etats-Unis, c'est la surenchère sioniste absolue entre les différents candidats ? On a du mal à comprendre par quel type de raisonnement M. Abbas et M. Saeb Arekat, «négociateur en chef» théoriquement démissionnaire, ont invoqué pour aller à cette rencontre d'Amman. Faire plaisir à un «quartette» qui, c'est le moins qu'on puisse dire, ne bouge que quand les intérêts d'Israël semblent menacés ? Faire plaisir à un forban politique comme Tony Blair ?

Il y a quelque chose qui échappe à l'entendement de voir des dirigeants palestiniens se sentir obligés d'offrir des «cadeaux» politiques sans qu'ils puissent escompter le moindre gain. Est-ce la solitude de Mahmoud Abbas depuis la chute du parrain Moubarak qui le pousse à s'adosser au roi de Jordanie, qui mène sa propre politique sous supervision de Washington ? C'est en tout cas un recul politique inexplicable et une totale injustice. Son seul but évident n'est pas la relance d'une négociation promise à demeurer une autre éternité, mais d'entraver la réconciliation interpalestinienne qui est indésirable à Tel-Aviv, Washington et Amman.

C'est bien ce que de nombreux mouvements palestiniens ont compris et dénoncé. Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) parle, à juste titre, «d'erreur fatale». Mahmoud Abbas est en train d'effacer le soupçon d'estime qu'il a eu lors de son passage à l'ONU. Il redevient ce qu'il était : un dirigeant qui cherche surtout à satisfaire des exigences externes au lieu d'aller vers ce qui est le plus fondamental, le rétablissement de l'union nationale palestinienne.

Depuis plus d'un demi-siècle, les Palestiniens sont sans printemps, dans un interminable hiver de l'oppression. Ces fausses négociations imposées par les Etats-Unis en font partie. Que M. Abbas y revienne après avoir compris qu'elles sont vaines est affligeant ! Les Palestiniens sont dans la pire des conditions. Il leur reviendra encore de trouver le moyen de sortir de cet enfermement et cette errance qui leur sont imposés avec l'assentiment puéril de leurs propres dirigeants.