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GUERRE DE BASSE INTENSITE

par K. Selim

La guerre des monnaies aura-t-elle lieu ? L'assemblée générale du FMI, qui vient de s'achever à Washington, n'a abouti à aucune décision commune sur la régulation des activités financières internationales et les graves déséquilibres d'une économie mondiale qui donne d'inquiétants signes de ralentissement.

 Les préoccupations de l'écrasante majorité des 187 Etats membres du Fonds monétaire ont été placées en seconde ligne, derrière celles des pays riches, inquiets de la généralisation des manipulations de taux de change par les économies les plus dynamiques. La stratégie chinoise de taux de change compétitif est l'objet de critiques de plus en plus virulentes de la part des Etats-Unis et de leurs alliés.

 D'autant que l'exemple chinois semble faire des émules, notamment en Asie, faisant craindre à de nombreux économistes une «guerre des monnaies». La faible croissance mondiale et les tendances protectionnistes observées à travers le monde ne semblent laisser aux pays exportateurs que le recours à la manipulation et à la baisse de leurs monnaies pour soutenir leurs entreprises et décourager les importations. D'où les bruyantes récriminations des Américains et de leurs alliés européens sur la faiblesse du yuan et les agissements de Pékin ? mais aussi de Tokyo - sur les marchés de devises. Pour freiner la hausse de sa monnaie, la Banque de Chine rachète massivement des devises sur les marchés internationaux.

 Face à cette situation, le Comité monétaire et financier international (CMFI), l'instance chargée d'élaborer les orientations stratégiques pour le compte des pays membres du FMI, s'est borné à demander à l'institution d'«approfondir son travail» sur un thème controversé. Le CMFI établit un constat clair sur les tensions et les vulnérabilités «du fait de l'élargissement des déséquilibres mondiaux, de la volatilité persistante des flux de capitaux, des fluctuations des taux de change et des questions relatives à l'offre et l'accumulation de réserves».

 Mais au plan concret, seul un renforcement à venir de la procédure de surveillance des monnaies est entériné par le FMI. Ainsi, la solidarité internationale face aux dysfonctionnements économiques globaux, proclamée au plus fort de la crise des années 2008-2009, est effacée au profit du retour à la primauté des intérêts nationaux. Les grands acteurs, oublieux de leurs responsabilités, trouvent dans l'épouvantail de la guerre monétaire une échappatoire commode. Le ralentissement de la croissance est un signe extrêmement inquiétant qui plonge les dirigeants des principales économies et ceux du FMI dans un désarroi palpable. Le discours oscille entre la priorité à la résorption des déficits et la nécessité de la relance qui permet d'esquiver la question cruciale d'un minimum de réglementation globale des marchés des capitaux et des changes.

 Le gros de la tempête financière étant passé, la salutaire action coordonnée face aux opérateurs de marchés est remisée aux calendes grecques. La guerre, de basse intensité pour le moment, des taux de change est un indicateur clair du retour au statu quo qui prévalait avant la crise du marché des subprimes.

 Les principales victimes de cette cacophonie sont les populations des pays les moins avancés qui rencontrent des difficultés croissantes pour assurer un effort de développement pourtant vital. Mais de cela, les hérauts du libéralisme réunis à Washington n'en ont cure. Le seul ennemi désigné à la vindicte de l'opinion occidentale est la Chine. Il faudra sans doute attendre la prochaine crise majeure pour redécouvrir les vrais responsables de l'anarchie des marchés.