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ATOMES PIPES

par M. Saâdoune

L'Iran était présent, en filigrane, dans la «déclaration commune» sanctionnant la visite du président russe en Algérie, à travers le thème du nucléaire.

 Alors que l'Algérie, même si elle ne l'exprime pas fortement, perçoit dans les pressions sur l'Iran et d'autres pays une tentative ouverte de remise en cause du droit à l'accès au nucléaire civil pour les pays du Sud, la Russie avait semblé graduellement aller dans le sens d'un alignement sur les thèses occidentales. Et cet alignement est le fait de Dmitri Medvedev et non de son prédécesseur et actuel chef du gouvernement, Vladimir Poutine. Celui-ci ne se privait pas de dire qu'il n'y avait aucune preuve que l'Iran avait un programme nucléaire militaire mais que l'Iran, qui se trouve dans une région anxiogène, se devait de donner des assurances.

 D'une certaine manière, la position algérienne est plus proche de celle de Poutine que de celle de Medvedev. La déclaration commune tente, un peu laborieusement, une synthèse russo-algérienne sur la question avec l'affirmation de la nécessité de renforcer le régime de non-prolifération et le besoin de prévenir l'acquisition de matières nucléaires «par des entités non étatiques». Le texte répond à l'appréhension algérienne en réaffirmant le «droit inaliénable des Etats parties au TNP d'utiliser l'énergie atomique à des fins pacifiques».

 Bien entendu, on souligne l'obligation pour «tous les pays de respecter leurs engagements dans le domaine de la non-prolifération» et l'on exprime un appui aux «activités de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et préconise la consolidation de son système de garanties».

 En dépit de ce langage diplomatique très mesuré, ce qui est en cause, du moins pour l'Algérie et les pays du Sud - le Venezuela vient d'être tancé par les médias occidentaux pour son programme nucléaire et sa coopération avec l'Iran dans ce domaine -, c'est bien le droit d'acquérir le savoir dans le domaine nucléaire.

 Les pays du «club» sont désormais prêts à vendre des centrales clés en main, mais ils cherchent à imposer aux pays non nucléaires des obligations non prévues par le TNP. La petite Jordanie a découvert récemment à ses dépens qu'on ne lui permettait pas d'acquérir le savoir-faire en matière d'enrichissement de l'uranium, même s'il est un «allié sûr» des Etats-Unis.

 Tous les experts et analystes le savent : ce qui est en jeu est bien l'octroi d'un monopole nucléaire à Israël sur la région et aucun discours sur la prétendue «menace iranienne» ne parviendra à masquer cet état de fait.

 Le communiqué algéro-russe a le mérite d'être on ne peut clair sur la question en appelant à «l'universalisation» du Traité de non-prolifération nucléaire et à la «nécessité pour Israël d'y adhérer en tant qu'Etat non nucléaire et de soumettre toutes ses activités nucléaires aux garanties généralisées».

 Voilà qui réduit à sa juste dimension la propagande soutenue des Occidentaux contre l'Iran. Si Israël ne détenait pas les armes nucléaires et ne cherchait pas à les utiliser comme moyen de chantage sur l'ensemble de la région, le dossier nucléaire iranien n'existerait pas. Les Occidentaux ont tout fait pour empêcher une déclaration symbolique de l'AIEA sur Israël. Ils ont exercé des pressions sur des petits Etats pour y parvenir.

 Mais personne n'ignore - Moscou en premier - qu'au Proche-Orient, les atomes sont trop grossièrement pipés.