Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

DEFERLEMENT D'IMBECILLITE

par K. Selim

Un «nouveau dérapage». C'est la formule déjà utilisée et à nouveau répétée par des journalistes français plutôt dégoûtés pour évoquer le racisme décomplexé exprimé cette fois-ci par le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Le maire de la bonne ville de Marseille, qui entretient des liens économiques très poussés avec l'Algérie, n'a pas apprécié que des Franco-Algériens manifestent un peu trop chaleureusement leur joie après le match Algérie-Egypte à Khartoum. Sa déclaration est un pot-pourri d'amalgame et de cette arabo-islamophobie libérée par un débat sur l'identité nationale orienté sur l'immigration et les musulmans.

 Ainsi, M. Gaudin se réjouit que les «musulmans» (sic) soient heureux du match. Mais quand «ils déferlent à 15.000 ou à 20.000 sur la Canebière, il n'y a que le drapeau algérien et il n'y a pas le drapeau français, cela ne nous plaît pas». Passons sur ces «musulmans qui déferlent», qui sonne de manière très désagréable dans une République à la laïcité vindicative. Pourquoi ces citoyens français, même s'ils sont des descendants d'Algériens, doivent-ils être définis par leur religion présumée ? N'est-ce pas précisément ce que la laïcité est censée ne pas permettre ?

 Une enseignante lui a fait remarquer qu'il s'agissait d'un discours de la période coloniale. «Il s'agissait de 15 à 20.000 Franco-Algériens, pas de musulmans». Mais après tout, pour cette génération d'hommes de pouvoir et d'affaires, la période coloniale - avec ses pathologies et ses références - est toujours actuelle.

 Autre question naïve : pourquoi s'attendre à ce que dans un match opposant l'Algérie et l'Egypte, on sorte les drapeaux français ? Combien de ces milliers de «déferlants musulmans» sortent dans les rues de Marseille avec le drapeau français quand l'équipe française l'emporte dans un match décisif ? Gaudin connaît parfaitement la réponse. Et l'on sait que pour beaucoup de ces jeunes Français ou Franco-Algériens, pas forcément différents de ceux d'Algérie, un match de foot est une occasion de s'éclater. Et ils le feront autant pour la France, l'Algérie ou l'OM et le PSG.

 Le plus révélateur est qu'aucun responsable en France n'éprouve la moindre surprise ni exprime la moindre réprobation devant les manifestations de joie de Français d'origine lusitanienne fêtant une victoire de l'équipe du Portugal. Et aucun ne poussera l'absurdité jusqu'à parler de déferlement de catholiques portugais.

 Le débat préfectoral français organisé par un socialiste renégat est réellement vicié par ses soubassements électoralistes. Tellement vicié que le maire d'une ville où vivent de nombreux Franco-Algériens et dont les relations commerciales avec l'Algérie sont fortes, se laisse aller à des considérations qui en disent long sur le niveau politique et la culture dominante dans ce milieu.

 En flattant les peurs d'une frange vieillissante et nostalgique de l'ère coloniale, le débat identitaire a levé les inhibitions de tous ceux qui draguent dans les eaux troubles des haines et des replis ethniques. Le maire de Marseille, un expert reconnu en propos imbéciles, en est une illustration de plus.