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Imbroglio afghan

par K. Selim

Au rythme des accrochages et des attentats, la situation se dégrade de jour en jour en Afghanistan. Le dernier acte terroriste, en plein centre de Kaboul, a directement visé le siège des Nations unies. Les insurgés talibans démontrent qu'ils se jouent avec aisance des dispositifs de protection d'une ville ultra-sécurisée,

 Sur le terrain, dans l'attente de la décision du président Obama relative à l'envoi de 40.000 hommes supplémentaires, la victoire occidentale semble plus problématique que jamais. Le mois d'octobre est ainsi le mois le plus coûteux en vies humaines pour l'armée des Etats-Unis. Le renforcement de la guérilla peut s'observer également au nombre d'hélicoptères abattus.

 Si la situation militaire ne paraît pas très encourageante à la veille du rude hiver afghan, c'est au plan politique que l'impasse semble totale. Les relais locaux des Américains apparaissent plus discrédités que jamais et ce ne sont pas les scores de Hamid Karzaï, le président sortant, où de son rival Abdullah Abdullah, ancien ministre des Affaires étrangères, qui peuvent masquer un faible taux de participation au premier tour des élections présidentielles. Le second tour, prévu pour le sept novembre, devrait confirmer la tendance.

 La désaffection populaire pour les personnalités parrainées par les Occidentaux est bien réelle et les bavures commises régulièrement ne font rien, au contraire, pour réduire le recrutement d'insurgés. Les Américains, en s'appuyant sur des éléments douteux de la société afghane, semblent signifier qu'ils ne voient aucune utilité réelle à ouvrir des canaux de communication avec une guérilla qui est loin de se limiter aux seuls islamistes radicaux.

 De fait, il semble que la seule stratégie effectivement menée se fonde sur des offres financières aux seigneurs de la guerre pour qu'ils désertent le maquis. Ceux qui acceptent ce genre de marché ne sont pas légion dans une situation où le nationalisme semble prendre le pas sur l'idéologie religieuse. La population, qui n'apprécie guère les mercenaires, a tendance naturellement à se rapprocher de la rébellion nationale-religieuse. Un scandale vient illustrer fort à propos les méthodes américaines. Dans son numéro d'hier, le New York Times révèle en effet que la CIA aurait recruté le propre frère de l'actuel président, très actif dans la région troublée de Kandahar. Ahmed Wali Karzaï, qui traîne une réputation établie de trafiquant de drogue, dément mollement l'accusation en proclamant son attachement aux valeurs défendues par les Etats-Unis. L'affaire embarrasse jusqu'à la Maison-Blanche.

 Le chef des services de renseignements militaires pour l'Afghanistan, le général-major Michael Flynn, est très clair : « Conduire une stratégie centrée sur l'adhésion de la population, tout en soutenant des voyous, consiste à s'auto-saboter». L'affaire illustre le blocage politique actuel et l'incapacité à trouver des interlocuteurs représentatifs.

 Les Etats-Unis, qui font la guerre en Afghanistan depuis huit longues années, se trouvent confrontés au choix traditionnel des conflits asymétriques : l'escalade ou la négociation. Or, le renforcement exigé par les généraux ne conduira pas à une victoire militaire, il permettra un redéploiement susceptible de stabiliser - pour combien de temps ? - la situation. La décision du président Obama, entre la réalité du terrain et les certitudes des faucons, est effectivement lourde de conséquences.