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Fausse menace

par M. Saâdoune

Alors que les divisions entre les deux grands groupes palestiniens - le Fatah et le Hamas- ne font que s'accentuer, des proches de Mahmoud Abbas tentent, à travers une opération de communication, aléatoire, de lui redorer un blason sérieusement terni par une série d'inconséquences révélatrices d'une grande faiblesse politique. Sous le sceau bien commode de l'anonymat, une source proche du chef de l'Autorité palestinienne a laissé entendre que Mahmoud Abbas aurait «menacé» le président Barack Obama de ne pas se représenter à la tête de l'Autorité palestinienne pour des élections qu'il a convoquées unilatéralement. Selon cette même source, Mahmoud Abbas aurait signifié au président américain qu'il ne sera pas candidat s'il n'y a pas un gel de la colonisation à El-Qods et en Cisjordanie.

 Le but de la «fuite» paraît évident. Le premier objectif est de montrer que Mahmoud Abbas est «important» aux yeux des Américains. Mais cela, les Palestiniens l'ont fort bien compris et les causes de cette «importance» ne sont pas à mettre au crédit du chef de l'Autorité palestinienne. Le second objectif est de montrer un Mahmoud Abbas plus tenace, plus «résistant», prêt à «sacrifier» son poste présidentiel pour obtenir que les Etats-Unis exercent une pression sur les Israéliens.

 Peu de Palestiniens peuvent croire que le chef de l'Autorité palestinienne puisse «hausser le ton» avec les responsables américains. Mahmoud Abbas a eu plusieurs occasions de le faire de manière purement symbolique, mais il a reculé sous les exigences américaines. On se souvient que ses collaborateurs ont beaucoup dit et redit qu'il ne rencontrera pas Benyamin Netanyahu si l'entreprise de colonisation israélienne n'est pas stoppée. Mahmoud Abbas a néanmoins accepté de «poser» dans une photo à New York avec le Premier ministre israélien et le président américain.

 L'épisode n'était pas glorieux mais il montrait bien que le chef de l'Autorité palestinienne ne peut rien refuser aux responsables américains, pas même sauver les apparences. On en a eu une illustration caricaturale avec l'acceptation du chef de l'Autorité palestinienne de demander un report de l'examen du rapport Goldstone. Une erreur inouïe qu'il a fallu, en réaction à la colère des Palestiniens, corriger en catastrophe.

 On comprend donc qu'une source «anonyme et proche» tente de présenter Mahmoud Abbas sous un jour plus offensif... en lançant une sorte de «retenez-moi sinon je m'en vais !». La manoeuvre est puérile. Elle cherche à «personnaliser» un problème beaucoup plus lourd et plus grave, celui de la pertinence même d'une Autorité palestinienne créée dans la foulée des accords d'Oslo qui n'existent plus.

 Beaucoup de militants palestiniens pensent que l'Autorité palestinienne est devenue un boulet, une structure vide qui crée une illusion et permet de faire écran à une réalité coloniale brutale. Que M. Abbas soit candidat ou non n'est pas un vrai problème pour les Américains, ils finiront par trouver un remplaçant acceptable. L'essentiel pour eux est qu'il y ait une «Autorité» qui entretienne la fiction et joue la partition infinie et indécente de la négociation alors que la terre est quotidiennement colonisée...