Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Gestes et symboles

par K. Selim

Au lendemain d'une quasi-sommation de la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, engageant les Etats arabes à faire des «gestes» en direction d'Israël, le gouvernement de Netanyahu a choisi de montrer aux Américains qu'il ne se soucie même pas de leur sauver les apparences. C'est en des termes outranciers que les Israéliens réagissent à la décision de Washington de convoquer l'ambassadeur d'Israël pour donner des explications sur un projet de construction de 20 logements juifs à Jérusalem-Est, capitale présumée du futur Etat palestinien. C'est avec l'arrogance de celui qui dispose d'une force de frappe redoutable au Capitole et dans l'establishment américain en général que Benjamin Netanyahu se permet de tancer l'administration américaine. Il a qualifié les exigences de «gel» de la colonisation des territoires palestiniens «d'inadmissibles».

 En visite en Inde, Mme Hillary Clinton s'est abstenue de tout commentaire sur cette affaire, ni «sur aucun point spécifique des négociations» israélo-palestiniennes. Rien à dire dans ce qui paraît être une admonestation israélienne, assortie apparemment d'une menace sous-jacente de faire bouger le puissant lobby pro-israélien contre l'administration de Barack Obama.

 La «controverse» illustre parfaitement l'état des lieux au Proche-Orient. A l'injonction américaine aux Arabes de faire des « gestes» en direction d'Israël, on a déjà eu des déclarations de dirigeants arabes se reprochant de ne pas suffisamment «communiquer» avec l'Etat hébreu. A la décision, de pure forme et destinée à montrer aux Arabes qu'on est sérieux, de convoquer l'ambassadeur d'Israël, Netanyahu réagit avec une virulence remarquable.

 La différence ? Israël est, à travers ses puissants relais, un acteur de la politique américaine. Les Arabes, par contre, n'y exercent aucune influence. La situation est une illustration précise de la hiérarchie des rapports israélo-américains. L'impuissance avérée de Washington à influencer un allié qui dépend entièrement de l'aide américaine pour son existence quotidienne ne s'explique pas autrement. Le mutisme de Hillary Clinton, qui, au cours de sa carrière, s'est strictement alignée sur le lobby israélien, est frappant. Serait-il l'expression silencieuse des lignes de fracture que certains croient déceler au sommet des appareils américains ? Il est trop tôt pour le dire.

 Ce qu'il faut noter est que le discours de la Maison-Blanche a bien évolué depuis le départ de George W. Bush. Le soutien aveugle et systématique à la politique d'occupation illégale et d'homogénéisation ethnique, qui était la ligne des néoconservateurs, a cédé le pas à une approche plus diplomatique et moins anti-arabe. Cette modification formelle s'effectue dans des limites mouvantes et incertaines. Mais celle-ci est devenue nécessaire. L'alignement systématique sur les extrémistes israéliens a eu pour effet de retirer toute crédibilité à la diplomatie américaine et à nourrir la montée de l'anti-américanisme dans l'opinion arabe et musulmane.

 Il reste qu'un scepticisme légitime existe au sujet de la capacité et de la volonté de l'administration Obama à rééquilibrer réellement la politique américaine. Les faits sont là : Israël poursuit la colonisation et se permet de tancer ouvertement l'administration américaine sur ce sujet. On attend avec intérêt de voir les «gestes» des Arabes exigés par une Mme Clinton qui ne se permet pas de commentaire sur les critiques acerbes de Netanyahu à l'égard de son gouvernement.