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Un GMO Vertueux ?

par K. Selim

Une lettre ouverte signée par des universitaires et activistes des droits de l'homme arabes et américains, rendue publique hier, incite le président Barack Hussein Obama à faire de la démocratie et de la réforme politique dans le monde arabe une de ses priorités.

Venant après le dévoiement de l'idéal démocratique par l'équipe Bush-Cheney, l'appel semble faire le pari que le nouveau président américain pourrait imprimer un tour plus éthique à la politique américaine en direction non du monde arabe, mais des régimes arabes. On se souvient que les aventures sanglantes des néoconservateurs se sont accompagnées du fameux GMO, le Grand Moyen-Orient, censé asseoir les idéaux démocratiques dans le monde arabe. Le projet, parfaitement inepte, n'a pas fait long feu. Les régimes autoritaires qu'on prétendait bousculer ont été confortés dans la posture des alliés les plus sûrs contre les effets indésirables de la démocratie et des urnes libres.

Mais le président Obama, qui se veut en rupture avec son prédécesseur, peut-il vraiment se lancer dans un GMO « vertueux » alors qu'il doit gérer le legs catastrophique de son prédécesseur ? Les auteurs de l'appel en sont conscients et admettent que la crise économique, l'Irak, l'Iran, le Pakistan, l'Afghanistan constituent des priorités qui concurrencent la « demande démocratique » au Moyen-Orient (dans lequel figure le Maghreb, selon la vision américaine) dans l'agenda de la nouvelle administration. Mais, soulignent-ils, «la politique, c'est souvent des choix difficiles à faire.»

Etablissant une critique en règle des politiques américaines en direction du Moyen-Orient, les auteurs de l'appel soulignent que les Etats-Unis ont soutenu des régimes répressifs qui bafouent les droits de l'homme, emprisonnent les opposants et empêchent leurs citoyens de participer» aux activités civiques et politiques pacifiques». Ce soutien aux autocraties, censé servir les intérêts des Etats-Unis et la stabilité régionale, a au contraire produit une région « de plus en plus tourmentée par la corruption endémique, l'extrémisme et l'instabilité ». La hantise de l'islamisme devrait cesser d'être au coeur de la politique américaine.

S'ils estiment que certaines de ces craintes sont « légitimes et compréhensibles », ils n'en considèrent pas moins que l'inclusion des islamistes, dont la plupart sont « non-violents et respectent le processus démocratique », est nécessaire car il est impossible d'exclure les plus grands groupes d'opposition. Et surtout, entretenir la polarisation entre les régimes autoritaires et les islamistes est une «erreur».

En d'autres termes, le soutien aux ouvertures démocratiques permettrait d'élargir l'offre et donnerait aux « courants libéraux et sécularistes » une chance de s'installer et de communiquer leurs idées aux populations. La répression dessert surtout ce courant qui est demeuré « faible et marginalisé ».

Les auteurs de l'appel considèrent que le nouveau président bénéficie d'une opportunité « sans précédent » d'envoyer un « message clair » au monde arabo-musulman : soutenir tous ceux qui « cherchent la liberté, la démocratie et les droits de l'homme ». Les universitaires et experts réunis pour la circonstance disent leur conviction que la démocratie n'est pas seulement dans l'intérêt de la région mais également dans celui des Etats-Unis.

L'appel, qui ne manque pas d'arguments, est destiné visiblement à peser sur la teneur du discours d'Obama en direction du monde musulman. Une sorte d'appel à un GMO vertueux rendu particulièrement compliqué après les équipées tortueuses et meurtrières de la précédente administration...