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Symbole et réalité

par K. Selim

L'organisation de l'économie est un problème récurrent, certains pourraient dire insurmontable. Le constat d'inefficacité, établi de longue date, s'applique à toutes les époques qu'a traversées le pays quelle que soit l'idéologie affichée. On se souvient des folkloriques « Magasins pilotes socialistes » de la phase postindépendance, des sinistres monopoles d'Etat de l'économie bureaucratique de la phase qui précéda l'ouverture économique sous la conduite du FMI. Les importateurs du marché libéré ont depuis remplacé les structures publiques et les effets ont été de plusieurs natures. Si le marché est mieux approvisionné, les prix n'ont pas baissé. Les ruptures d'approvisionnement continuent d'affecter certains produits.

Le désarmement tarifaire et la libre concurrence n'ont pas assuré le cycle vertueux promis par les chantres de l'économie autorégulée. Les importateurs sont restés des importateurs et la production nationale ne se porte pas mieux, au contraire. La hausse des prix pétroliers a stimulé au-delà de toute mesure la propension à l'importation au point que le gonflement de la facture externe représente un danger pour des équilibres macro-financiers aléatoires, entièrement dépendants du pétrole, seule ressource d'exportation du pays. Il est vrai que la revente en l'état génère des marges de profit très substantielles « améliorées » par la surfacturation. Il est remarquable de constater que les prix des produits étrangers sur le marché algérien sont ceux pratiqués en Europe alors qu'ils sont censés être moins lourdement taxés.

L'ouverture du marché et la solvabilité due à la manne pétrolière ont naturellement attiré tous les vendeurs de la planète. Ils ont été accueillis à bras ouverts par ceux qui voyaient dans les enseignes clinquantes et les marques à forte « notoriété » le symbole de la modernité et l'effacement définitif du lugubre marché administré. La réalité a ramené les rêveurs du marché à des considérations moins nébuleuses. Le discours officiel l'exprime entre dépit et regret. Les espoirs nourris dans le libre commerce, la privatisation et les investissements étrangers ont fait long feu. De fait, la libéralisation sans encadrement public a littéralement transformé l'économie algérienne en économie de comptoir. C'est bien à cette aune que l'on peut évaluer la récente décision d'imposer un partenariat local aux 1.600 revendeurs étrangers ayant pignon sur rue.

La première question de bon sens, au-delà de la fierté patriotique qui consiste à se réjouir que des Algériens vont partager les bénéfices des entreprises étrangères, est de savoir quels effets cette décision aura sur le marché national et sur les équilibres financiers externes du pays. Sans mettre en question le nationalisme bien connu des citoyens algériens, il est légitime de penser que la motivation principale des nouveaux associés sera de maximiser la profitabilité des entreprises dans lesquelles ils seront associés. On voit mal en effet les nouveaux actionnaires tenter de réduire les performances des sociétés dans lesquelles ils auront pris pied. La fin des illusions libérales, crise globale aidant, réhabilite le rôle de l'Etat et remet au goût du jour des notions, comme le protectionnisme, hier condamnées sans appel. Cette décision en est peut-être un signe. Mais, dans des perspectives mondiales très incertaines, la dépendance de l'Algérie aux importations, et tout ce que cette dépendance implique, exige des mesures cohérentes au-delà des mesures symboliques.