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Football, une affaire de gros sous

par Akram Belkaïd, Paris

Ce n’est un secret pour personne, le football est devenu depuis longtemps une affaire de grosses sommes d’argent. L’exemple le plus emblématique est les salaires des joueurs. Il suffit de se pencher sur le classement annuel établi par l’hebdomadaire France Football pour avoir le tournis. Pour la saison 2017-2018, le joueur argentin Lionel Messi a battu tous les records puisqu’il a dépassé le seuil symbolique des 100 millions d’euros en touchant le coquet pactole de 126 millions d’euros (salaires, primes et rémunérations de sponsors), l’équivalent de 240 euros par minute… Pour être plus précis, le numéro 10 du FC Barcelone touche 35 millions d’euros nets de salaire par saison.

Le reste vient des primes et des contrats de sponsoring. Autrement dit, Messi touche plus grâce à la publicité qu’à son «travail». Peu de professions peuvent se targuer d’une telle situation. On pense aux acteurs, bien sûr, aux top-modèles et à d’autres sportifs comme les joueurs de tennis.

Pyramide à base large

Pour en revenir au classement des revenus pour la saison 2017-2018, on notera que Cristiano Ronaldo a touché 94 millions, devançant le Brésilien Neymar avec ses 81,5 millions d’euros dont 48,9 millions d’euros de salaire en prenant en compte aussi les primes. A la quatrième place, on trouve le Gallois Gareth Bale, avec 44 millions d’euros de revenus tandis que le catalan Gerard Pique pointe à la cinquième place avec 29 millions d’euros. Ces chiffres font rêver certains, ils en indignent d’autres qui ne cessent de dénoncer les «millionnaires en short.»

Il est évident que l’on ne peut pas rester indifférent vis-à-vis d’une telle indécence d’autant qu’il serait trompeur de croire que tous les footballeurs sont logés à la même enseigne. Il existe bel et bien une pyramide des salaires avec une base très large où les rémunérations ne sont guère mirobolantes. Dans le football espagnol, par exemple, il n’est pas rare que des joueurs de divisions inférieures touchent à peine plus que le smic. Cela sans oublier les légions de joueurs chômeurs qui peinent à trouver un club. Car l’envers du foot, c’est aussi des galères, des salaires qui ne sont pas payés, ou avec plusieurs mois de retard, des primes promises qui ne sont jamais versées ou bien alors de l’argent donné de la main à la main, sans être déclaré. Des joueurs qui évoluent sans protection sociale et qui, une fois blessés, sont abandonnés à leur triste sort.

Le monde du football professionnel est une jungle à laquelle n’échappent pas les joueurs les mieux payés. Ces derniers attirent les convoitises à commencer par celles de leur entourage familial (ainsi le cas du joueur togolais Emmanuel Adebayor qui confiait récemment avoir pensé au suicide pour échapper aux exigences matérielles incessantes des siens). Il y a aussi le rôle des «conseillers» plus ou moins biens avisés encouragent les millionnaires à trouver des «solutions» pour payer moins d’impôts. A ce sujet, il n’est pas anodin de noter que les trois joueurs les mieux payés au monde, Messi – Ronaldo – Neymar ont des démêlés avec le fisc espagnol.

Bulle spéculative

Dans ce contexte, il n’est pas non plus étonnant que nombre de clubs soient dans une situation financière difficile. Obligés de dépenser toujours plus pour attirer de bons joueurs ou pour garder des pousses prometteuses, ils sont engagés dans des fuites en avant qui font dire à nombre de spécialistes que le football professionnel est une immense bulle spéculative qui menace d’éclater. Il suffirait de la faillite d’un seul gros club pour que le système se délite. De même, l’essor de ce sport est fondé sur un postulat qui mérite réflexion : s’il y a tant d’argent dans le football, c’est parce que les télévisions ne cessent de verser des droits de retransmission de plus en plus élevés comme c’est le cas en Angleterre. Pour l’heure, l’intérêt du public pour ces jeux du cirque version moderne ne se dément pas. Mais rien ne dit que cela durera toujours.

Terminons enfin par ce qui est rarement évoqué. Le football attire l’argent sale. Des soupçons de blanchiment pèsent sur certains clubs ou investisseurs. Des millions d’euros surgissent ici et là avant de très vite disparaître. Et l’on commence à peine à prendre conscience de l’influence des réseaux mafieux de paris clandestins, qui agissent notamment en Asie, sur les résultats de nombre de compétitions.

* La chronique de l’économie s’interrompt pendant la période estivale. Elle reprendrale mercredi 5 septembre 2018.