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par El-Guellil

Si la nature a fait que l'être humain possède deux oreilles et une langue, c'est pour lui permettre d'écouter deux fois et ne parler qu'une seule fois. Or, cette règle est rarement respectée. Il y a donc ceux qui aiment s'écouter. Ceux qui parlent et ne s'écoutent même pas, et d'autres, les détenteurs de la science, qui ont toujours raison et qui seront prêts à parier, car très sûrs d'eux-mêmes. Ce sont ceux qu'on appelle les «grosses gueules». Quelquefois ils sont, au gré de l'assistance, grands patrons, le genre qu'on déteste et qu'on adore.

Administrateurs de grosses administrations. Ou alors metteurs en scène géniaux. Ou chanteurs artistes clamés, qu'une blonde attend dans les coulisses. (Comprendre par blonde une cigarette étrangère ou une Rym bien de chez nous.) Grand pianiste de jazz karkabout, de bout en bout. Un dur, un champion de tennis de table bien garnie, un speaker à la télé, que la cousine a coopté mais, en réalité, ça ne reste qu'une grosse gueule. Serrurier possédant la clé de tous vos problèmes. Employé de pressing, blanchisseur d'argent, objecteur de conscience, donneur de leçons, usurpateur de fonctions, trabendiste du mot, ouled ce bled qu'on abandonne au moindre bruit de pétard, pour y retourner quand on est malade afin de profiter des soins prodigués à dix fois moins cher dans ce qui devient «le cher pays des ancêtres». Mais en réalité ça ne reste que des grosses gueules.

Et quand on a une grande gueule, on ne fait pas un métier, on a juste le droit de la « fermer ». Mais ce qui a de particulier chez les grosses gueules, c'est dès qu'on ne parle plus de leur petite personne, ils sont convaincus qu'ils sont devenus sourds.