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Blida: La mendicité entre besoin et métier

par Tahar Mansour

Depuis quelques mois, le nombre de femmes et d'enfants mendiants ne cesse d'augmenter, phénomène que tout le monde a remarqué car appelé à longueur de journée d'aider son prochain. Avec l'arrivée des migrants africains et des réfugiés syriens -quand même plus discrets-, la mendicité est devenue endémique en Algérie et il n'y a aucun lieu qui en soit épargné, sauf que les méthodes changent. Pour les Africains, ce sont les endroits où il y a des embouteillages qui les attirent, de même que pour les Syriens, mais on ne les trouve jamais ensemble, comme s'ils avaient partagé le territoire pour éviter les frictions. Certains réfugiés syriens vous proposent du papier mouchoir, un peu plus cher, pour éviter de tendre la main, ce qui démontre quand même de la noblesse chez eux. Mais revenons à nos mendiants, les Algériens et surtout les femmes, dont le nombre ne cesse de croître de jour en jour. Leurs lieux de prédilection sont les abords des mosquées et les marchés. A l'intérieur des marchés, vous êtes abordés par des femmes entre deux âges, parfois bien habillées, seules, qui vous demandent de leur acheter des légumes ou des fruits, usant de mille et un stratagèmes pour réveiller votre pitié. Mais elles sont plus discrètes et vous demandent cela d'une voix à peine audible, en prenant soin de ne pas se faire remarquer par les gens qui vaquent à leurs occupations. Jusque-là, rien de bien spécial sauf peut-être le nombre plus élevé de jour en jour de ces mendiants, mais ce qui n'est pas normal et revêt un caractère plutôt grave, c'est l'heure à laquelle de nombreuses femmes s'adonnent à cette activité en se faisant accompagner d'enfants âgés entre 4 et 12 ans, en guenilles mais au verbe très développé. Pour l'heure, elles choisissent la prière d'el icha qui voit les fidèles en sortir à 22h. Elles sont là dès l'adhan et attendent la sortie pour ordonner aux enfants qui les accompagnent (sont-ils leurs propres enfants ou non, personne ne le sait) de se mettre à quémander à haute voix en clamant des mots appris d'avance, comme cette enfant âgée d'à peine huit ans qui criait, il y a quelques jours, vers 22h10, à la sortie d'une mosquée : « SVP, aidez-nous, mon père est malade et mon frère est en prison, nous n'avons personne pour subvenir à nos besoins », ou cette autre qui clamait qu'elle avait huit frères et sœurs en bas âge et personne pour les aider ». Pris de pitié, les fidèles ne rechignaient pas à mettre la main à la poche mais tiquaient quand même concernant l'heure tardive qui devrait plutôt inciter les femmes et les enfants à être chez eux. « La journée ne leur suffit-elle pas ? » s'interrogent beaucoup de citoyens, en leur jetant des regards soupçonneux. En effet, même si ce sont de véritables familles très pauvres et dans un besoin pressant d'argent, il est vraiment anormal qu'elles restent tard jusque dans la nuit à tendre la main, surtout de la part des enfants car les femmes qui les accompagnent se contentent de mettre un voile noir sur leur visage et d'attendre que l'argent tombe dans le foulard qu'elles tiennent à deux mains. Des fidèles nous ont affirmé que certains ont suivi ces femmes et ces enfants après la fin de leur quête et qu'ils les ont vus grimper dans des voitures neuves qui les attendaient un peu plus loin, chose que nous ne pouvons vérifier car c'est le travail des services spécialisés, en particulier les services sociaux et de sécurité. En effet, comment l'Etat peut-il permettre que des femmes, même si elles sont leurs mères, profitent de l'innocence de ces enfants pour les utiliser à la mendicité, en leur apprenant à réciter des phrases apprises d'avance pour susciter la pitié des gens, à cette heure de la nuit et en pareils endroits ? Des actions sont nécessaires rapidement pour éradiquer ce phénomène qui prend une ampleur vraiment inquiétante.