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Agriculture et développement rural: Les systèmes de vulgarisation agricole à la croisée des chemins

par Mohamed Khiati*

Disons en prélude que depuis de nombreuses années, les méthodes de développement agricole et rural ont subi des changements profonds tant à l'échelle mondiale que nationale liés au fait que de nombreuses initiatives n'ont pas donné les résultats escomptés. Il a fallu reconnaître que l'on avait trop misé sur le transfert de technologies et qu'en outre, on avait tendance à simplifier d'une manière exagérée les problématiques de développement en négligeant parfaitement dans la foulée, les aspects socioculturels des populations en milieu rural surtout.

Aussi tout compte fait, l'attention s'est graduellement déplacée vers des approches visant à faire participer davantage les populations à la planification et à la mise en œuvre des activités de développement destinées à les accompagner. On attache désormais une importance croissante au rôle crucial de la communication et de la vulgarisation en milieu rural, de même qu'à celui de la recherche de méthodes efficaces susceptibles d'aider les collectivités rurales à améliorer leurs connaissances et leurs aptitudes, à travers l'échange d'informations à tous les niveaux entre elles et ceux et celles engagés dans une intervention de développement.

Dés lors, les dimensions communication et vulgarisation dans les activités de développement paraissent fondamentales, dans la mesure où elles facilitent la compréhension et la perception des choses que requiert tout processus développement et tendent de la sorte, à favoriser la pleine participation des concerné(e)s. En contribuant à l'essor des exploitations et des productions qui en découlent, la vulgarisation agricole peut être un moyen très puissant d'amélioration du niveau de vie et la promotion sociale des populations rurales, voire toutes les catégories de la sphère agricole et agroalimentaire.

Ces objectifs impliquent tout particulièrement que les dispositifs de vulgarisation soient accessibles et utiles, répondant essentiellement, aux préoccupations et attentes des producteurs. Cela étant, l'ancrage du développement d'une stratégie de vulgarisation s'inscrit nécessairement dans le contexte de la mise en œuvre des politiques agricoles et rurales adoptées en tant qu'instrument car, pensons-nous, les programmes et projets de développement ne peuvent donner leur pleine mesure que s'ils sont portés par des systèmes de vulgarisation efficients et opérationnels sur le terrain, c'est dire combien il est impensable de dénuder parfois, ces politiques agricoles de leur instrument de diffusion en milieu agricole et rural.

Cependant pour aborder un tel sujet, il nous est utile de souligner au passage que beaucoup de nous autres versés dans le domaine de la recherche-développement avaient passé une grande partie de leur vie professionnelle à œuvrer «vaille que vaille», sur les problématiques de la vulgarisation et des systèmes de connaissances agronomiques en général et ce, depuis de nombreuses années.

C'est dire combien les choses ont changé, au file des années et nous avons été témoin de ces changements, tant à l'échelle nationale que mondiale, car la vulgarisation conduite sous l'approche techniciste liée à la révolution verte des années 1950 est révolue. Elle a pris une autre tendance aujourd'hui vers des conceptions plus adaptées en fonction de l'élasticité des politiques agricoles et rurales mises en œuvre. Depuis, les systèmes de vulgarisation n'ont cessé de s'adapter et d'évoluer vers la recherche d'une meilleure efficacité qui elle-même est imposée par le contexte économique environnant ou les répercussions des échanges mondiaux. Dès lors, la vulgarisation suggère des approches participatives avec tout ce qui en découle comme implication des exploitants agricole. L'objectif recherché est de pouvoir aider les agriculteurs à enrayer les contraintes auxquelles, ils se heurtent afin d'améliorer les performances et d'accroître par la même, les productivités du secteur agricole.

Dans cette image, la vulgarisation en tant que processus de communication qui, du reste, constitue un système mouvant dans les zones rurales, devra toutefois s'inscrire dans de nouvelles perspectives en raison d'une part, du mouvement mondial des réformes de la vulgarisation, en ce sens que le concept d'hier qui lui est attribué n'est plus le même aujourd'hui et qui, de facto, prend une perception de développement et de facilitation que des formes techniciste et d'injection de nouvelles technologies et d'autre part, de la tendance de la conception actuelle de l'appui conseil - un terme en vogue aujourd'hui- et de ses multiples facettes d'application sur le terrain.

Ce mouvement de réformes a d'ailleurs commencé à la fin du siècle dernier. D'une part, de nouveaux besoins en matière d'information et de formation des communautés rurales sont apparus au fur et à mesure que le monde entrait dans une ère de mondialisation, de démocratisation du développement et de libéralisation des initiatives. D'autre part, l'importance accordée au concept de développement intégré, multidisciplinaire, global et durable, constitue, à l'heure actuelle, un fait majeur d'orientation de la fonction communication et vulgarisation.

Ces évolutions déterminent de nouveaux besoins en matière d'apprentissage, de maîtrise des processus managériaux à travers de nouvelles approches, de méthodes et d'outils d'aide à la décision pour lesquels, la vulgarisation et l'assistance technique in extenso, l'appui conseil, deviennent une nécessité de première importance, dans la mesure où il est établi universellement que la réussite de toute politique agricole et rurale est liée à : (1) un dispositif réglementaire, juridique, financier et incitatif, efficient et (2), à un système de communication et de vulgarisation destiné aux populations rurales à la fois, puissant et performant. Aussi, la problématique qui se pose aujourd'hui est telle que les nouvelles mutations qu'a connu le monde agricole et rural, tant à l'échelle nationale qu'internationale, induisent une nouvelle perception et une orientation du mode d'intervention dans l'approche de vulgarisation, d'assistance technique et de l'appui conseil.

Ces nouvelles donnes constituent des éléments de réflexion sur l'orientation future à donner à la vulgarisation. Il s'agit de savoir quels sont les principes, les approches, les méthodes et les outils pour une formulation efficiente d'une politique de vulgarisation adaptée et adaptable, tout en se fiant à cette idée que toute politique est élastique et que la vulgarisation doit suivre l'élasticité de la politique agricole et rurale dans le temps et dans l'espace. Sur un plan général, il est pleinement admis aujourd'hui que l'agriculture est un domaine économique par excellence.

Sa promotion passe nécessairement par l'utilisation d'un ensemble d'ingrédients ou «d'inputs» constitués par les éléments d'intendance (les investissements, le financement, les crédits, les prix, les marchés, les soutiens, les mesures incitatives, les circuits de commercialisation des produits), et le système de connaissance agricoles (la formation, la recherche, la vulgarisation, l'appui conseil et quelques autres encore, ayant pour base l'amélioration du savoir, des aptitudes et des pratiques des concernés).

Dans ce développement conceptuel et à l'échelle mondiale, il est établi que la conception de la nature de la politique agricole est en pleine évolution. Historiquement et même aujourd'hui, l'un des instruments essentiels de la politique agricole était la dépense publique, de telle sorte que les budgets sont affectés au secteur agricole à diverses fins, dont, principalement, les soutiens à l'irrigation et à la production, la fourniture de crédits et de mesures incitatives aux producteurs, le financement de la recherche, de la vulgarisation et de la production de semences améliorées, le financement des achats de céréales aux agriculteurs à des prix élevés et de vente aux consommateurs à des prix bas, ainsi que les paiements directs ou d'autres programmes de soutien et de développement.

La seconde grande catégorie d'interventions de la politique a souvent pris la forme de contrôles, principalement des prix et des échanges commerciaux, mais parfois aussi de l'accès aux terres et à l'eau d'irrigation, ainsi que des niveaux de production eux-mêmes. Le recours à des prix de soutien et à des prix administrés pour les consommateurs et les producteurs a été une pratique dans toutes les régions du monde. Elle demeure en vigueur dans nombre de pays et en voie de disparition, dans plusieurs autres. La troisième grande catégorie d'instruments de politique dans de nombreux pays a été la gestion directe de la production et de la commercialisation par le biais d'entreprises étatiques, allant de collectifs de production en passant par des circuits bancaires et des sociétés commerciales, mais la tendance est de réduire la propriété étatique des biens de capital du secteur, mais le rythme du changement varie selon les pays et les régions.

A l'heure actuelle, un consensus international semble prendre forme en faveur de la réduction de l'intervention directe des gouvernements dans l'économie, ainsi que des dépenses budgétaires, la question de la signification d'une politique agricole (et du rôle d'un Ministère de l'agriculture) se pose de manière encore plus aiguë. Elle se singularise d'autant que les niveaux de prix et les volumes d'échanges commerciaux réagissent essentiellement à la politique macroéconomique et à la situation des marchés internationaux. L'interdépendance, dans ce domaine est de taille.

La question aujourd'hui est comment définir un ensemble de politiques agricoles qui dynamise le taux de croissance du secteur ou augmente les niveaux de revenu des populations rurales notamment?

Existe-t-il encore des degrés de liberté pour agir positivement au niveau du secteur, entre la politique macroéconomique et les programmes de terrain? Dans une économie libérale, l'expression politique agricole devient-elle un oxymoron ?

En bref, la réponse serait que la politique agricole a un rôle très important à jouer, mais qu'elle nécessite pour l'essentiel de nouvelles démarches. L'une de ses principales tâches est l'amélioration du fonctionnement des marchés de produits et de facteurs dans les zones rurales, en prêtant une attention particulière à l'accès des ménages à ces marchés et aux conditions de leur participation. Si cela exige parfois d'investir dans les infrastructures, cela nécessite quasiment toujours des politiques appropriées.

Les marchés de facteurs sont ceux de la terre, du capital financier, de la main d'œuvre et, dans certains cas, de l'eau d'irrigation et des caractéristiques environnementales.

La participation des populations rurales aux marchés de la main d'œuvre pourrait être renforcée par les programmes de formation et de vulgarisation agricoles surtout.

Aujourd'hui plus que jamais, il faut coordonner la politique agricole avec d'autres domaines de politique et les institutions qui en ont la charge. Autrement dit, le domaine agricole doit s'inscrire dans un domaine de synergie avec les autres départements ministériels, car l'agriculture ne se pratique pas en vas clos. Souvent les variables de commandent sont en dehors de la sphère du secteur agricole. A ce titre, son évaluation est liée à la capacité de la synergie établie.

De la même manière, pour bien concevoir et mettre en œuvre la politique agricole, il faut qu'y participent les institutions locales, les associations de producteurs, les associations d'utilisateurs de l'eau, les ONG, les agences et services locaux du Ministère de l'agriculture et autres organisations décentralisées. Ainsi, le rôle de coordination de la politique devient un élément central.

Mieux encore, l'une des tâches principales de la politique agricole moderne consiste à promouvoir le développement d'institutions adéquates pour répondre aux exigences de croissance de l'économie, depuis la commercialisation jusqu'à la fourniture de services agricoles et au financement de la production. Bien que, en toute logique, nombre de ces activités finiront à long terme par passer dans le secteur privé, le secteur public est fortement responsable de l'incitation à développer les capacités requises et de la supervision de leur mise en place, ainsi que de leur fonctionnement pendant au moins une période initiale.

C'est dans cet ordre d'idées que les systèmes de vulgarisation agricole trouvent toute leur justification, car ils sont l'apanage de synergie intra sectorielle dans la mesure où ils fournissent le cadre de relation entre les acteurs de développement et assurent la coordination des programmes et projets inscrits dans la politique agricole et rurale amorcée dont ils induisent une dynamique de promotion. Ils impliquent l'intersectorialité par le fait des «linkages» qu'ils engagent par la mise en connexion des activités que les autres secteurs développent en relation avec le secteur de l'agriculture. Enfin, l'apport de la vulgarisation est pleinement reconnu dans le contexte de l'exécution des politiques agricoles.

Politiques agricoles et Vulgarisation.

De prime abord, aborder la vulgarisation en tant qu'instrument de mise en œuvre des politiques agricoles, c'est d'abord considérer : i). le rôle des pouvoirs publics dans le développement de l'agriculture; ii), la politique agricole; iii), les instruments de mise en oeuvre de la politique agricole adoptée, et iv), les structures administratives de la vulgarisation.

Il est de plein sens de traiter de tels sujets dans la mesure où, ils fournissent le cadre et le contexte dans lesquels opère la vulgarisation, car c'est dans le contexte de la politique des pouvoirs publics que les objectifs de la vulgarisation sont censés être clairement définis.

Il est cependant impossible d'appréhender la communication et la vulgarisation et plus particulièrement certaines contradictions internes et conflits des rôles qui se produisent dans sa conduite sans tenir compte du rôle que jouent les pouvoirs publics dans le développement agricole et rural et la manière par laquelle, la vulgarisation s'y adapte et opère.

Rôle des pouvoirs publics dans le développement de l'agriculture.

Les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer dans l'expansion de l'agriculture dont le développement passe inévitablement par l'utilisation accrue de l'ensemble des ingrédients ou «d'inputs», constitués notamment par les éléments d'intendance (les investissements, le financement, les crédits, les prix, les marchés, les soutiens...) et le système de connaissance (la formation, la recherche, la vulgarisation et quelques autres encore à base de diffusion du savoir).

Une combinaison spécifique de ces éléments est primordiale pour s'assurer d'un développement agricole et rural rationnel et de pleine mesure.

Cependant, dans une phase de mutation et de transition vers l'économie de marché où les partenaires sont engagés à détenir les principaux ingrédients de développement, les pouvoirs publics sont sensés la grande partie voire le quasi totalité des instruments de développement.

Diverses vues sur le rôle des pouvoirs publics dans le développement de l'agriculture sont aujourd'hui universellement établis. Certaines tendances considèrent que c'est aux pouvoirs publics qu'incombe la responsabilité de l'essor de l'agriculture qui peut se faire à travers le renforcement de leur capacité à la réalisation de cette tache. L'idée qui en résulte est celle qui soutient le renforcement des capacités d'intervention des pouvoirs publics pour développer l'agriculture.

D'autres courants de pensées s'appuient sur cette idée que, puisque les pouvoirs publics ont un rôle primordial dans le développement agricole, n'est-il pas opportun de renforcer l'entreprise privée pour qu'elle accomplisse ce travail en se basant sur ce fait que cette dernière peut mieux faire qu'une institution étatique ?. L'idée qui en découle est de renforcer l'entreprise privée au service de l'agriculture pour développer le secteur de l'agriculture.

Une autre tendance considère que renforcer le pouvoir d'intervention unilatéral des pouvoirs publics ne mènent pas forcément à son efficacité. Plutôt, c'est uniquement lorsque ceux-ci sont responsables vis à vis de leurs clients qu'ils deviennent plus efficace dans l'assistance qu'ils fournissent, autrement dit, c'est lorsque ces clients ont un certain pouvoir compensatoire sur l'institution Etatique.

Cependant et dans la foulée des acceptions, le courant de pensée actuel fait entend cette idée en ce sens que ce n'est pas en renforçant les institutions gouvernementales, mais en consolidant le pouvoir des exploitants agricoles sur ces institutions que l'on contribue d'une manière efficace au développement du secteur agricole. L'idée alors est de renforcer le pouvoir des exploitants agricoles sur les institutions étatiques, pour développer l'agriculture.

Politique agricole et rurale adoptée :

Le ministère de l'agriculture se voit allouer une partie du budget national, inscrite dans des lois de finances afin d'accomplir certaines taches qui lui sont assignées par le gouvernement. Celles-ci sont censées assurer notamment la sécurité alimentaire; la création d'emplois; la production de récoltes couvrant les importations; la contribution à la promotion rurale; la production de denrées exportables.

Ces missions à caractère national sont généralement formulées dans des programmes à échéancier parce qu'elles sont souvent définies en fonction d'objectifs politiques et des réalités de l'agriculture. Les objectifs nationaux exercent généralement une pression sur le ministère de l'agriculture. Celui-ci se trouve habituellement dans un dilemme entre ce que veut le sommet et ce qui est souhaitable et faisable sur le terrain.

Les tâches assignées au ministère de l'agriculture consistent en le rendement qu'il doit produire. Ce rendement est souvent défini en objectifs clairs et spécifiés dans un plan national. Généralement une politique comportant des objectifs, ne manque pas de fragmenter les cibles pour arriver au niveau du terrain, mais elle n'indique pas comment ces cibles peuvent être atteintes.

Un domaine très important de l'agriculture réside en la formulation de politiques réalistes qui puissent mener à des objectifs réalisables. Cette formulation comprend entre autres, la mise au point de plans de déploiement de la vulgarisation comme l'un des instruments devant conduire aux changements. Pour planifier ce déploiement il est nécessaire de connaître le rôle que doit jouer la vulgarisation dans la dynamique de développement.

Instruments de la politique agricole adoptée

L'instrument d'une politique, c'est celui d'en se servent les pouvoirs publics pour réaliser ses programmes et atteindre ses objectifs. En agriculture, les instruments utilisés sont destinés à influencer la production, de manière à lui imprimer un changement dans le sens escompté. Cependant, nombre d'instruments sont utilisés sans que leur efficacité soit prouvée, la vulgarisation constitue l'un de ces instruments.

Dans le domaine agricole une certaine forme d'orientation est souvent pratiquée à travers la promulgation de dispositifs législatifs et réglementaires comme si les pouvoirs publics voudraient des exploitations la réponse à leurs objectifs ; ce qui est parfaitement légal, sauf qu'il est opportun de concilier les objectifs des uns et des autres, en pleine synergie et cohésion..

Ceci est enfin de compte lié aux politiques et stratégies agricoles adoptées qui doivent être l'émanation de ce que veut la base, c'est-à-dire les exploitants agricoles, en concordance avec les objectifs de l'Etat. Enfin, une grande partie des problèmes et des lacunes que soulèvent les exploitants est liée à l'insuffisance de la communication.

En général, la majorité des instruments de la politique adoptée sont les moyens permettant aux exploitants agricoles d'augmenter leur production, de les motiver à agir dans le sens des objectifs projetés et de leur apprendre comment s'y faire face à des situations diversifiées. Mais le constat est tel que les exploitants ne modifieront volontairement leur comportement qu'en échange d'avantages tels: l'obtention de revenus plus élevés, des productions plus fortes, un travail plus aisé, des risques moins importants.

D'autres instruments semblent par ailleurs, induire des changements dans le comportement des exploitants comme : la création de débouchés sur le marché, l'accès aux investissements et aux crédits, les réformes agraires facilitant l'accès aux ressources.

Dans cette série d'instruments, la vulgarisation n'est généralement pas perçue comme prioritaire, dans la mesure où les exploitants sont prompts à adopter une pratique quand elle existe et contrairement à ce que certains pensent, les exploitants même les petits, sont extrêmement rapides à opter pour le changement s'ils se rendent compte qu'il y va de leur propre intérêt. La vulgarisation dans ce contexte, augmente les chances de changement.

La vulgarisation : instrument de mise en œuvre des politiques agricoles.

Il n'est pas aisé de savoir précisément quand et comment il faut utiliser la vulgarisation comme l'un des instruments de l'ensemble. Il lui est cependant, reconnu le pouvoir de faire prendre conscience des possibilités de promotion, le pouvoir de changer l'attraction exercée par de nouvelles possibilités en permettant une meilleure connaissance des avantages d'une telle ou telle mesure à caractère économique, technique ou juridique.

Cependant, le rôle de la communication et de la vulgarisation dans le développement est pleinement établi. Celle ci peut apprendre à la population comment appliquer et utiliser des idées et des pratiques nouvelles, élargir les connaissances de base de manière à améliorer les capacités de gestion de l'exploitation, aider les agriculteurs à évaluer leur situation, examiner les options et à prendre des décisions profitables et en connaissance de cause. La vulgarisation suppose toujours la réunion des conditions nécessaires au changement de comportement.

Lorsque les possibilités sont inexistantes, la vulgarisation est une perte de temps. La vulgarisation vise en fin de compte, à convaincre et à persuader et non à forcer ou à obliger la population à faire ce qu'elle ne souhaite pas entreprendre.

Lorsque la politique adoptée vise surtout la promotion de la population pour lui permettre d'atteindre ses propres objectifs, la vulgarisation prend une importance primordiale en raison de son action mobilisatrice dans la mesure où elle tend à organiser les individus et les groupes, et, les aider a établir les priorités, à préparer des plans, et à favoriser l'accès aux facilités et aux ressources et à l'exécution des actions.

Structure administrative et vulgarisation:

La structure administrative a une certaine logique interne qui lui est propre. Tout d'abord, le personnel est salarié et jouit d'une sécurité d'emploi. Le fonctionnaire n'a de comptes à rendre qu'à sa hiérarchie et son employeur. Cela signifie qu'une administration dont la tâche est de servir le public est habituellement très peu réceptive à l'égard du public. L'effet administration pese lourdement sur la pratique du personnel.

La structure administrative se caractérise généralement par une hiérarchie verticale. Horizontalement, elle est fractionnée en un grand nombre de services parallèles dont chacun traite une partie du problème général, à partir duquel, des décisions sont prises. Les ressources sont affectées par le centre et les informations qui parviennent de la base accèdent difficilement au niveau de la pyramide de prise de décisions.

C'est dans ce contexte, que la vulgarisation, processus de communication par excellence, à caractère vertical et horizontal, prend le relais pour induire une circulation circulaire des informations entre les divers niveaux d'intervention, permettant à la population rurale de s'informer. Cependant, la nature même du travail de vulgarisation lui confère sa propre logique.

Un service de vulgarisation a affaire à un grand nombre de situations et de personnes différentes, ce qui rend très difficile l'élaboration de règles uniformes. De là, presque tous les acteurs font de la vulgarisation. Elle est de la sorte une pratique que souvent tout le monde la critique. Mais en fait, parce que c'est un concept dynamique, fondé sur la communication interpersonnelle et de groupe, notamment. Dans ce cadre, c'est la vulgarisation qui devra prendre le relais de la communication institutionnelle.

L'agent de vulgarisation en tant qu'interface entre les services administratifs et les agriculteurs doit être apte à réagir immédiatement avec l'efficacité voulue en vue de surmonter les obstacles les plus divers souvent inattendus étant donné que le domaine agricole est diversifié d'où découle la multitude de situations. Il est au carrefour et à l'intersection de tous les domaines intra et extra- sectoriels. Le succès du vulgarisateur de terrain est lié à sa capacité à aider les agriculteurs à résoudre leurs problèmes surtout.

Ainsi, si l'on prend en considération ces aspects de sa logique interne, un service de vulgarisation doit être organisé à la base, décentralisé au maximum et fédérateur des instruments d'exécution de la politique agricole et rurale, en vigueur. Il doit ainsi être élastique, sachant que toute politique est élastique, à forte raison lorsqu'on aborde une branche aussi aléatoire telle que l'agriculture.

Toutefois, Il y a lieu d'admettre certains mécanismes aptes à combler le fossé qui sépare parfois l'appareil administratifs et le terrain. Le premier se fonde sur l'information et sa collecte pouvant aider la hiérarchie à prendre les décisions les mieux appropriées et en connaissance de cause ; le second mécanisme, consiste à entrevoir une approche de participation des agriculteurs, en tant qu'artisans du développement, et utilisateurs de la technologie agricole, le troisième, réside en l'engagement des organisations qui représentent la population rurale ou celles qui défendent ses intérêts.

Ces organisations peuvent jouer un rôle appréciable dans la fourniture d'information émanant de la base vers le sommet ou inversement, conditionnant de ce fait, la dynamique de la communication destinée au développement.

L'importance de la vulgarisation en milieu rural.

La vulgarisation en milieu rural est de nos jours, une activité courante et constitue une pièce maîtresse des programmes et des projets de développement ayant pour but l'amélioration de la production et la modernisation des campagnes. Ainsi donc, les services de vulgarisation font tout naturellement partie de la structure administrative des zones rurales. il leur incombe d'assurer en collaboration avec les exploitants, la gestion des programmes et projets destinés à transformer le milieu rural. On s'accorde désormais à adopter les méthodes participatives.

Il est toutefois nécessaire de mentionner que la vulgarisation rurale est un terme générique qui comprend la vulgarisation agricole et non agricole à savoir par exemple l'économie des ménages, la santé et la nutrition familiales, l'éducation et le développement communautaire en général qui sont autant d'activités de vulgarisation non agricole. La vulgarisation prend dans ce sens, un plus vaste fait de données économiques, sociales voire culturelles qu'il faut prendre en considération, dans tout mode d'intervention de la vulgarisation.

En agriculture, la vulgarisation joue trois rôles essentiels dans les programmes de développement. En premier lieu, elle encourage les agriculteurs à accepter l'évolution technologique. Dans divers endroits, les agriculteurs dépendent encore et en grande partie de la tradition et craignent de prendre des risques qui peuvent se traduire par une perte financière, à moins qu'ils ne soient convaincus que les changements à effectuer sont rentables, réalisables sur le plan technique et compatibles avec leur système de culture.

Des programmes de vulgarisation effectifs et dynamiques peuvent servir à leur adopter de nouvelles connaissances pas seulement d'ordre technique, mais également économique et social.

En second lieu, elle consiste à diffuser auprès des agriculteurs les résultats de la recherche agricole et à transmettre les problèmes de ces derniers aux organismes de recherche. Pour que ce rôle soit dûment assuré, il faut l'existence d'un circuit effectif de communication entre l'organisme de recherche, celui de la vulgarisation et les agriculteurs.

Pour ce faire, les agents de vulgarisation doivent comprendre la technologie et sa mise en pratique. Ils doivent également fournir aux agriculteurs des informations suffisantes pour leur permettre d'adapter cette technologie à leur méthode d'agriculture, les aider à identifier les causes en cas d'échec et leur offrir les mesures correctives appropriées.

En troisième lieu, la vulgarisation agricole doit aider les agriculteurs à acquérir des aptitudes à la gestion qui leur permettront de s'intégrer dans une économie commerciale grâce à une formation et à une orientation ayant pour objectif la prise de décisions. Les prix de produits et des facteurs de production devraient orienter les décisions relatives aux activités de l'exploitation agricole plutôt que les seuls volumes de production.

Dans une économie de subsistance, les agriculteurs sont appelés à un changement profond pour que l'agriculture soit de plus en plus productive. Il est indispensable dans ce contexte qu'ils participent activement à l'ensemble du processus des projets et programmes de développement. La vulgarisation agricole peut leur permettre ce changement, en agissant aux diverses phases du développement. Elle agit sur les connaissances, développe les aptitudes et les capacités pour mieux concevoir et exécuter les activités.

Dans ce contexte, l'agriculteur ou l'éleveur, l'exploitant ou le producteur d'une manière générale, est le premier impliqué et concerné par les activités agricoles, dans la mesure où, il est cible et acteur, à la fois de tout programme et projet de développement. Dans ce développement conceptuel, les principes qui doivent guider l'adoption d'un système efficient de vulgarisation et d'appui conseil, devront s'articuler autour de :

a. La Participation, c'est-à-dire la formulation d'une politique nationale de vulgarisation fondée sur des programmes émanant de la base, à travers l'amélioration de sa structure organisationnelle, l'organisation des agriculteurs en groupes, le développement de méthodologies de formation des personnels et des agriculteurs, le suivi et évaluation des activités de vulgarisation et d'appui-conseil et leurs impacts économique et social.

b. L'Approche-client, qui sous entend l'identification des catégories d'agriculteurs dont les besoins de vulgarisation et d'appui-conseil doivent faire l'objet d'une approche « sur mesure », en terme de stratégie, de méthodologie et de matériels de vulgarisation. Les catégories par groupes-cibles sont les agriculteurs et les agricultrices, constitués en groupes d'intérêts, les éleveurs, et les jeunes ruraux.

c. L'Approche à la demande, c'est-à-dire l'élaboration des programmes de vulgarisation en s'appuyant sur des accords de partage des coûts entre les agriculteurs et la vulgarisation , l'organisation de groupes d'intérêt particuliers dans les communes en renforçant la capacité des agriculteurs à formuler des demandes de prestations de services et d'appui-conseil , la mise en place de liens dans le circuit de production de la ferme au marché ;

d. La décentralisation, c'est-à-dire la définition du nouveau rôle des spécialistes de vulgarisation et des spécialistes d'autres domaines et renforcement des capacités des agents de vulgarisation en matière de planification du programme de vulgarisation émanant de la base par les groupements d'agriculteurs, et formation des élus locaux sur l'importance de l'investissement dans la vulgarisation pour susciter des changements positifs chez les agriculteurs ;

e. L'adoption de Méthodologies de vulgarisation originales adaptées, à travers l'élaboration et l'expérimentation de méthodologies de vulgarisation originales, adaptées au contexte et qui soient participatives, s'appuyant sur une approche-client, disposant d'un potentiel suffisamment flexibles pour s'adapter aux changements de l'environnement de la vulgarisation, faciles à mettre en œuvre innovantes, utilisant des méthodes éducatives et dont les résultats peuvent être vérifiés, pérennes et soutenus par des moyens audiovisuels, des voyages d'étude et des expérimentations sur terrain.

Dans l'application de l'approche et de la méthode, il est nécessaire d'entrevoir la motivation des agents de vulgarisation pour améliorer leurs performances avec leur dotation d'un statut, d'avantages et d'opportunités de carrière, la dotation d'un budget opérationnel suffisant et d'équipements physiques pour le travail de terrain, comme les équipements de mobilité et les accès aux données indispensables pour conseiller les agriculteurs, s'agissant notamment de la commercialisation des produits.

f. L'extension du mandat technique de vulgarisation en vue des évolutions mondiales par le Remplacement de la vulgarisation agricole par celle de vulgarisation rurale avec une formation initiale en vulgarisation et perfectionnement continu des agents affectés dans les domaines du développement agricole et rural surtout en matière de prise de décisions, de leadership et de résolution de problèmes des agriculteurs.

g. Développement et utilisation des technologies d'information et de communication par l'évaluation des outils et méthodes de communication locales et traditionnelles, des médias utilisables et combinables avec les technologies modernes de l'information dans le cadre du « contexte », le développement et expérimentation sur le terrain des TIC en appui aux activités de vulgarisation.

h. Suivi, évaluation et études d'impact à travers l'organisation des agriculteurs et mise en place de liens dans le circuit de production de la ferme au marché ; renforcement des capacités des agriculteurs en matière de suivi, d'évaluation et d'études de l'impact socioéconomique des interventions de la vulgarisation, l'élaboration des outils nécessaires aux agents de vulgarisation et aux agriculteurs.

i. Liens institutionnels par la mise en place d'une plate-forme de collaboration et rencontre périodiques de tous les acteurs, y compris les agriculteurs, les spécialistes thématiques, la vulgarisation, le recherche, les agences d'intrants agricoles, la commercialisation, les industriels agricoles, la transformation des produits agricoles, le stockage, les instituts climatiques, les transports.

La vulgarisation agricole : mutation et changement

Ici, arrêtons-nous un laps de temps pour dire qu'à l'échelle mondiale, la dernière étude effectuée par la FAO sous la direction du professeur B.E Swanson, sur les systèmes de vulgarisation remonte à plus de deux décennies. Depuis, beaucoup de changements sont apparus dans les systèmes de vulgarisation partout dans le monde se traduisant par une tendance progressive vers la privatisation, la décentralisation et la commercialisation des services, par un recentrage dans le contenu et la méthode d'intervention des systèmes de vulgarisation, et une meilleure participation des organisations des producteurs.

En dépit de l'importance et de l'ampleur des changements, il n'existe pas, à l'heure actuelle, une documentation complète sur l'état actuel des systèmes de vulgarisation dans le monde. Aussi, l'actualisation des données, à ce propos, aidera à comprendre les besoins pour l'assistance technique et pour les investissements dans des systèmes de vulgarisation afin de les transformer et les renforcer davantage pour atteindre les objectifs escomptés.

Il existe actuellement un besoin énorme de mobiliser les services de vulgarisation agricole en faveur de la sécurité alimentaire et atteindre une grande variété d'objectifs de développement agricole et rural. Des efforts sont aujourd'hui indispensables pour améliorer l'accès aux nouvelles technologies et aux connaissances et de s'assurer que les exploitants agricoles soient en mesure de travailler dans un environnement où les marchés évoluent, afin de leur permettre de comprendre les nouveaux défis et de les soutenir pour une gestion plus efficace de leur ressources naturelles.

Il s'agit également de les aider à exploiter de façon optimale les ressources disponibles en vue de satisfaire les exigences alimentaires de leurs familles qui se répercutent sur la sécurité alimentaire à l'échelle globale, c'est-à-dire de la nation toute entière.

La tendance actuelle est qu'on devient, à l'échelle planétaire, de plus en plus conscient qu'un nombre important de réformes requises dans les domaines du développement agricole et rural et de la sécurité alimentaire ne seront efficaces que si des institutions de vulgarisation, d'appui conseil et d'assistance solides et efficients soient en mesure de fournir la base de soutien nécessaire pour que les populations agricoles voire rurales aient accès aux marchés, aux savoirs, aux informations et aux technologies et influencent les politiques qui affectent positivement leur vie.

Cependant, en raison de la nature complexe des fonctions, des tâches et des rôles de la vulgarisation dans le cadre des systèmes agroalimentaires et de gestion des ressources naturelles, une perspective plus intégrée et requise pour lui accorder un rôle de facilitation et de voir comment elle s'associe avec les nouveaux investissements dans le domaine de la recherche et dans d'autres services ruraux, avec les nouveaux types de programmation participative dans laquelle, les exploitants agricoles sont les plus concernés .

Il faut par ailleurs, souligner que, la réforme de la vulgarisation a été longtemps entravée par des idées désuètes qui considéraient la vulgarisation comme une voie passive du transfert des technologies allant de la recherche aux agriculteurs. La faiblesse des liens avec la recherche a fait en sorte que, même s'il était souhaitable, ce rôle de transfert de technologies à sens unique n'est pas viable.

La nécessité de la vulgarisation dans le développement agricole n'est plus à démontrer, bien que disons le sans précaution oratoire, que la notion de vulgarisation, tout le monde la pratique et tout le monde la critique, dans la mesure où on arrive peu à mesurer son impact. Cependant la mise place d'un système de vulgarisation opérationnel doit répondre aux aspirations et attentes des différents catégories du monde agricole et rural.

En Algérie, le passage d'une économie planifiée à une économie de marché et ses corollaires en termes de responsabilité de libéralisation, d'autonomie, d'efficacité devait induire une réorganisation du secteur public agricole en entités de statuts, issues de la restructuration des domaines agricoles socialistes.

Corrélativement, s'est apparu dans le secteur, depuis le début des années 1990, un tissu énorme constitué de chambres d'agriculture, d'associations agricoles, d'entreprises agroalimentaires et divers partenaires oeuvrant dans les domaines de la vulgarisation, de l'appui et de l'assistance à la production à travers la fourniture d'offres et de services.

Ce faisant, la réorganisation opérée au niveau du secteur productif agricole, il y a plus de 35 ans (réorganisation du secteur en 1987), devrait s'acheminer vers une rupture entre les pouvoirs publics et les producteurs en termes d'orientation de la production, d'injections, de soutien en matière de financement, de prix des intrants agricoles. La logique du profit aurait induit, une nouvelle perception de l'activité agricole elle-même.

C'est ainsi que des besoins nouveaux, la modification des systèmes de production, in extenso, toute démarche envisagée par le producteur fait référence nécessairement à une approche monétaire à toute l'activité entreprise. Au delà des faits, cette réorganisation du secteur agricole ne pouvait s'accommoder à un système de vulgarisation à caractère administratif tel qu'a été établi en 1985 (circulaire 1055 du 31.12.1985 portant mise en place de l'appareil de vulgarisation) en réponse à une économie planifiée, car fonctionnant sur des logiques inconciliables.

La composante « vulgarisation » en tant qu'instrument de mise en œuvre des politiques agricoles et rurales devra tendre à fournir à l'ensemble des acteurs du développement, les ingrédients «savoirs, connaissances et informations », en vue de les aider à les parfaire au niveau méthodologique de gouvernance de leurs activités de développement, sur le terrain d'application.

De façon générale et en matière de vulgarisation, il est reconnu que beaucoup de travail a été fourni notamment en termes de transfert technologique en direction des producteurs. Dans ce cadre, les structures de développement agricole et rural, qu'elles relèvent de l'administration (DSA, Instituts de Recherche-développement, Centres de Vulgarisation,...) ou de la profession (Chambres d'Agriculture et conseils interprofessionnels...), se sont constamment investies dans des actions de vulgarisation, inscrites dans leurs activités de développement.

S'il est vrai que des résultats plus ou moins positifs ont été enregistrés, les efforts consentis étant souvent dispersés, et ont souvent engendré auprès des structures partenaires, non seulement des doubles emplois, lorsqu'il s'agit de programmation et du choix des thèmes de vulgarisation, mais surtout une mobilisation parfois inefficace de l'encadrement et des charges financières supplémentaires qui, dans le fond, nécessiteraient une synergie et une action d'ensemble.

A la lumière de tout cela, il revient à dire que les missions et la place de la vulgarisation, dans le contexte actuel du développement agricole et rural doit nécessairement passer par sa réorganisation et sa refonte dans une optique de satisfaction des besoins des bénéficiaires des offres et des services de la vulgarisation et la réorientation de ses structures qui s'avèrent prendre une tendance d'inadaptation, dans la mesure où l'organisation qui prévalait des années antérieures, est devenue obsolète, en raison d'une succession rapide des différentes réformes politiques, économiques et institutionnelles qui ont touché le secteur de l'agriculture.

Ceci nous fait clairement comprendre que si, au moment d'avoir décidé de chacune de ces réformes pour le secteur de l'agriculture, on aurait, corrélativement, réclamé une politique de vulgarisation qui puisse adapter ses mécanismes de fonctionnement, par rapport aux changements survenus, celle-ci n'aurait pas accusé, aujourd'hui, autant de retard et tant d'obstacles, aussi complexes les uns que les autres.

Les services de vulgarisation de demain se fiant à l'ère des changements enregistrés tant à l'échelle mondiale que nationale, ne pourront ressembler probablement aux services de vulgarisation d'hier et d'aujourd'hui. Le pluralisme sera presque certainement prédominant et plus prononcé vers des formes organisationnelles, des méthodes et des structures institutionnelles. La recherche d'opportunités pour accroître l'efficacité de la vulgarisation doit donc être orientée dans deux domaines particuliers.

Pour le premier, il s'agit de mieux appliquer les enseignements des dernières années en réalisant les réformes structurelles requises depuis longtemps, portant sur des systèmes de vulgarisation pilotés par la demande et répondant aux besoins du marché. Concernant le second, quelques-unes des plus fortes demandes pour plus de vulgarisation proviennent de domaines inattendus: l'accroissement de la fourniture d'informations relatives au climat, l'amélioration de la programmation en matière de sécurité alimentaire, l'évolution de l'agenda de l'aide au commerce et la réforme globale de la recherche agricole pour le développement.

Toutes ces questions laissent entendre le besoin d'utiliser les connaissances existantes, mais également d'étudier la nécessité et l'importance de changer les formes de vulgarisation dans le cadre des nouveaux programmes de développement, de l'organisation des aides et des soutiens et, des structures institutionnelles.

Une nouvelle vision de la vulgarisation est nécessaire

Aujourd'hui, une vision nouvelle de la vulgarisation se dessine. Elle s'impose pour tenir compte des évolutions et orientations de la politique agricole et rurale et de l'évolution des acteurs oeuvrant dans le domaine et des domaines connexes. Elle doit être construite sur une analyse des succès et des échecs des opérations antérieures et celles en cours. Les principes qui suivent permettent de configurer et de construire une politique de vulgarisation opérationnelle dans le proche futur.

- Une bonne politique agricole est indispensable

La vulgarisation n'est qu'une composante d'une politique agricole dont une large part relève de la politique macroéconomique tracée (protection des investissements,..). ses principales conditions se traduisent par l'accès aux marchés, les prix des produits, la disponibilité des intrants et l'accessibilité aux crédits, la sécurité foncière, la création de coopératives et d'association, la formation primaire et agricole, la recherche agronomique appliquée, l'efficacité des administrations centrales et déconcentrées, dans leurs missions de supervision des fournisseurs de services et la prévention et gestion des crises, alerte et réaction rapides aux évolutions du marché et des autres facteurs de production.

- La vulgarisation est aujourd'hui, plus « facilitation » que transfert de technologies

La vulgarisation est trop souvent considérée comme un moyen de diffusion du progrès scientifique et technique et de transfert de technologies. Cette définition étroite est très insatisfaisante. La diffusion des connaissances ne se fait pas à sens unique, du milieu scientifique vers les producteurs. Il existe des savoirs locaux qu'il faut recenser, analyser, valoriser, faire circuler et diffuser.

Dans cette logique de pleine mesure, pensons/nous, la vulgarisation agricole consiste à faciliter les interactions et à développer les synergies au sein d'un système global d'information auquel participent la recherche agricole, l'enseignement agricole et un vaste ensemble d'opérateurs économiques porteurs d'informations.

En améliorant les capacités d'initiative individuelle et collective des producteurs, cette facilitation permet à court terme, une meilleure adéquation des solutions techniques aux contraintes de l'exploitant agricole, et à long terme, elle structure une recherche continue de l'innovation. Ainsi, une action de vulgarisation agricole devra faciliter les échanges directs entre producteurs comme méthode de diagnostic des problèmes, de valorisation des savoirs existants, d'échange d'expériences, de diffusion des améliorations validées, mais aussi de formulation de projets communs.

Les relations entre producteurs et prestataires de services (y compris les services publics de vulgarisation), permettent d'accompagner dans le temps les projets des producteurs et mettre à à leur disposition des capacités d'analyses, des méthodes et des adresses de fournisseurs de service et enfin les conseiller, sans prescription. Ceci implique que les vulgarisateurs soient des «acteurs» et non des «outils» de la vulgarisation. Le climat de confiance entre client (producteur) et conseiller doit s'instaurer pleinement.

Même si des compétences techniques solides restent indispensables, les compétences des vulgarisateurs doivent être plus larges. Tous les conseillers agricoles doivent maîtriser les méthodes participatives et savoir recourir aux différentes techniques de communication. Ils doivent penser en termes d'opportunité de marché, d'augmentation du revenu des producteurs et de gestion globale des exploitations agricoles.

La facilitation implique des ressources humaines de haut niveau, en termes de savoir-faire comme de savoir être. Ces savoirs peuvent s'acquérir par la formation initiale et continue des agents de terrain. Mais, simultanément, il faut que les producteurs puissent faire valoir leurs points de vue dans le recrutement et l'évolution professionnelle des agents des dispositifs de vulgarisation agricole et d'appui conseil.

- Les producteurs sont la clientèle et les partenaires de la vulgarisation

L'efficacité des actions de vulgarisation augmente quand les producteurs sont impliqués directement dans leur définition, leur gestion ou leur mise en œuvre. Lorsque les agriculteurs financent ou achètent un service de formation, les résultats sont sensiblement améliorés par rapport à une situation où les agriculteurs assistent à une formation entièrement financée et conçue par d'autres.

Ces conditions sont réunies quand les organisations agricoles se dotent de leurs propres services techniques, lorsque des relations de prestations contractuelles sont établies entre des groupes de producteurs et des centres de services privés (gestion, alphabétisation) ou publics (recherche, formation, vulgarisation) et enfin, quand les producteurs ont la possibilité d'orienter les financements sur la recherche de solution à leurs problèmes.

- la demande du marché induit une nouvelle relation entre les agriculteurs et les fournisseurs de biens et de services.

Le développement de l'agriculture implique notamment un passage progressif d'une agriculture de subsistance à basse productivité vers des productions spécialisées basées sur des avantages comparatifs et l'échange de surplus sur le marché.

Dans l'évolution de l'économie de subsistance vers la production commerciale, le consommateur, plutôt que le producteur, est le vrai décideur. La démarche commerciale des fournisseurs d'intrants ou des acheteurs de produits implique une bonne connaissance de la demande et la formulation de solutions adaptées. En l'absence des intrants ou des débouchés, les recommandations d'un dispositif de vulgarisation sont lettres mortes.

Des liens plus actifs entre les agriculteurs et les opérateurs privés sont essentiels. Mais, les biais inhérents aux relations commerciales ne doivent pas être ignorés. Des conseils techniques et commerciaux indépendants et impartiaux sont nécessaires aux producteurs pour qu'ils répondent à la demande du marché. L'action de vulgarisation, qui apporte ces conseils et facilite une relation équilibrée entre le producteur et l'opérateur privé, contribue à sécuriser le producteur et donc son développement.

- Pluralité des intervenants et décentralisation des actions requièrent coordination et concertation entre les acteurs de développement.

Des structures de vulgarisation nationales, uniformes ne sont guère satisfaisantes. Une même approche, une même organisation ne peut s'appliquer partout. La diversité des milieux sociaux, des contextes économiques et des conditions agro-écologiques, la multiplicité des spéculations induit une hétérogénéité des exploitations. Les conditions de l'activité agricole se modifient rapidement en réponse au marché ou aux aléas climatiques.

Une vulgarisation efficace doit pouvoir s'adapter aux changements. La réactivité des dispositifs de vulgarisation aux situations nouvelles (opportunités ou crises) implique une grande souplesse. Elle est facilitée par la proximité des instances d'orientation et de décision.

Par ailleurs, les monopoles présentent des limites en matière de vulgarisation. Les producteurs devraient avoir la possibilité de choisir entre plusieurs intervenants en fonction de leurs méthodes, de la qualité de leurs services et de leurs coûts.

Il est de la responsabilité du secteur et des acteurs nationaux de définir ensemble leurs stratégies en matière de vulgarisation agricole pour améliorer la qualité des interventions pour soutenir la politique nationale négociée entre les véritables parties prenantes et prendre en compte la viabilité financière des programmes à long terme, pévoir des stratégies de retrait des soutiens extérieurs dans toute intervention et permettre le financement des initiatives des producteurs, assurer que les actions de vulgarisation sont accompagnées d'un soutien à la formation, à la recherche agricole et aux organisations de producteurs et instaurer une coordination active avec les institutions de coopération.

- Le soutien a la politique de vulgarisation négociée entre les véritables parties prenantes.

Il est préférable de raisonner en termes de politique nationale de vulgarisation et non en termes de structures nationales de vulgarisation. Une politique est un cadre incitatif, indicatif, flexible, de mise en synergie pour les différents opérateurs.

En effet, les pouvoirs réglementaires et les moyens financiers dont dispose l'État lui permettent d'orienter les activités des opérateurs privés et professionnels en définissant des priorités sectorielles, géographiques ou thématiques, les compétences requises par les conseillers agricoles, les conditions de qualification des prestataires privés de formation, d'animation, de conseil, les mécanismes de concertation nécessaires et la définition d'une politique nationale de vulgarisation ne peut être du seul ressort des administrations.

L'ensemble des acteurs concernés doit y être associé. Parmi ces acteurs, les producteurs doivent jouer un rôle central. A ce stade de la réflexion, il convient de faciliter la représentation des producteurs dans les instances de discussion des politiques agricoles, de gestion et d'orientation des structures publiques ou parapubliques de vulgarisation, de formation et de recherche. La participation des représentants des producteurs et l'acquisition de leurs organisations des capacités nécessaires à ces fonctions, par la formation de leurs responsables élus et de leurs cadres.

D'une manière générale, les stratégies de développement agricole et rural, ne peuvent donner tous leurs fruits que si les exploitants agricoles sont organisés en vue de s'intégrer délibérément dans les programmes et projets inscrits dans les stratégies agricoles et rurales.

Pour que ces stratégies donnent leur pleine mesure, elles doivent viser à favoriser la compréhension et la conscience des problèmes et des possibilités du développement à tous les niveaux et à améliorer l'interaction entre le personnel chargé du développement et les diverses catégories de la sphère agricole, grâce à système efficace et opérationnel de vulgarisation et de communication en milieu rural.

*Agronome post-universitaire - Spécialisé en vulgarisation agricole.

N.B. Cet article s'inspire également de la tendance mondiale de refonte des systèmes de vulgarisation.