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RACINES !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Massinissa. La Légende berbère. Roman (historique) de Auguste Ngomo. Editions La Pensée, Tizi Ouzou, 2020, 302 pages, 850 dinars



Au commencement, il y a le demi-dieu Hercule mort quelque part en Espagne. Sa puissante armée, composée de divers peuples, désormais sans chef charismatique se dispersa... et un groupe de soldats constitué de Mèdes, de Perses et d'Arméniens, recherchant une terre d'accueil accostèrent sur les côtes nord de l'Afrique. Ils s'y installèrent. Les Perses vers l'ouest et rencontrant les Gétules, peuple local, firent alliance... et se donnèrent le nom de Numides (les Nomades). Les Mèdes et les Arméniens firent alliance avec les Libyens... ils devinrent les «Maures»... Plus tard, cela a donné deux grands royaumes concurrents : à l'ouest le royaume des Massaesyles gouverné par le roi Syphax et à l'est, le royaume des Massyles gouverné par le roi Gaïa, fils du roi Zelalsan, fils d'Iles... et père du prince Massinissa, fils de la reine Telli. Celui qui allait changer l'histoire de l'Empire romain. Une légende berbère venait de naître, laissant bel et bien vivant, aujourd'hui encore, et pour longtemps, un grand nom de l'Histoire du pays (son tombeau est toujours dressé à El Khroub, près de Constantine, l'ancienne Cirta).

Massinissa, un roi guerrier berbère intrépide, brave et courageux ayant passé la majeure partie de sa jeunesse sur les champs de bataille. Mais, aussi, un homme tombé éperdument amoureux de Sophonisbe qui le lui rend bien, la fille, ô combien belle, fille du roi de Carthage Barca auprès duquel il avait été envoyé pour étudier et parfaire sa formation militaire. Il aura, par la suite, pour (première) épouse l'autre ô combien belle, la guerrière, Azia, fille de Baga, le roi des Maures, un roi qui préfère une alliance avec Massi plutôt que d'être occupé par les Massaesyles... dont le roi Syphax, ayant «épousé» Sophonisbe (résultat de la géopolitique du temps carthaginois), n'a qu'une envie : trucider Massinissa pour récupérer tout le territoire. C'était sans compter sur le génie de Massinissa, aidé en cela par un ami fidèle, Efès... et par les Romains (dont Scipion... l'Africain) auquel il s'était allié... pour un temps, le temps de récupérer son royaume et de gouverner... jusqu'à l'âge de 90 ans... et ce, après avoir réunifié le territoire amazigh (jusqu'à la destruction complète de Carthage... les Carthaginois toujours considérés comme des envahisseurs occupant des terres amazighes),créé sa propre monnaie, instauré la paix, installé de nombreuses ambassades à travers le monde connu, développé le commerce dans plusieurs cités, organisé une armée imposante et aguerrie, ouvert des ports commerciaux tournant à plein régime.

L'agriculture était florissante, exportant vers l'Europe d'alors, et le royaume connaissait une certaine activité culturelle et philosophique. Avec lui, «l'Afrique était enfin totalement revenue aux Africains» ! Le reste est une autre Histoire... qui reste à écrire... romancée, svp !... pour les besoins de nos rêves et des futurs réalisateurs de films.

L'Auteur : Né en 1970 à Bitam (Gabon). Maîtrise de gestion (Angers), D.e.s.s en gestion et management des organisations (Nantes), longue carrière professionnelle en France et au Gabon... travaille actuellement à l'Union africaine (fonctionnaire international)

Extraits : «L'oubli est la seconde mort de l'Homme» (Gaïa, roi des Massyles, p 5), «Si tu veux créer un royaume qui ne soit pas un vassal d'un autre royaume, tu dois, certes, développer ton armée et ton administration, mais tu dois aussi développer ton commerce, ta culture et l'éducation des plus jeunes» (Sophonisbe à Massinissa, p 185)

Avis : Enfin, de l'histoire «vivante»... en souhaitant que l'auteur étende son œuvre à d'autres héros maghrébins et africains. Certes, bien avant lui, chez nous, nous avons eu des précurseurs (Tahar Oussedik avec «L'la Fat'ma N'Soumeur», «Oumeri», Bensalah Abderrezak avec «Nesmis», «Les amants de Théveste», Akkache Ahmed avec «La révolte des saints»...) mais restés mal (ou pas) lus et mal compris. Nul n'est prophète en son pays !

Citations : «Les légendes servent à unir les peuples mais pas à gouverner des royaumes» (p 15), «Ce qui est important, ce n'est pas ce qui t'arrive, mais ce que tu fais de ce qui t'arrive» (p 80)



Berbères. Le pays des Massylès. Roman de Mourad Chetti. Casbah Editions, Alger 2017, 800 dinars, 380 pages (Pour rappel. Déjà publiée. Extraits)



L'auteur l'avoue lors d'une rencontre tenue récemment à Constantine : il n'a pas utilisé, dans le titre, le terme «Amazighs» mais «Berbères»... ceci pour «attirer l'Attention, susciter l'Intérêt, provoquer le Désir et faire passer à l'Acte... d'achat... soit A.i.d.a». Donc, le titre est volontairement racoleur. «C'est fait exprès». Ainsi soit-il !

Autre approche : l'écriture romancée de l'Histoire... une «légèreté» assumée, bien qu'il n'est ni le premier ni le dernier à utiliser ce subterfuge stylistique qui rapproche bien plus l'écrivain (et l'historien ) du grand public. Tant mieux ! Un biais qui, donc, ne peut qu'accrocher: raconter l'histoire du pays en se fixant sur un pan et/ou un personnage bien précis. Cela permet de sortir des généralités d'une part, et d'autre part de «ratisser large» par la suite. Un biais qui manquait cruellement à l'édition nationale, bien que l'on ait vu des expériences éditoriales réussies.

L'histoire? Racontée en l'an 804 du calendrier berbère, par le roi de toute la Numidie, Massinissa, «unificateur de la Numidie et roi des tribus intérieures (durant 56 ans), maître de Gétules et Aguellid du peuple de la terre»... fils de Gaïa... fils de Zelaslan, neveu de Maghdis (c'est sous son règne que fut édifié le Madghacen, du côté de Batna)... descendant d'Aylimas... fils de Ylès, lui-même... fils de Aylimas 1er.

L'histoire ? C'est celle de la nation Massylès, occupant toute la partie orientale de la Numidie, à l'est de l'Algérie actuelle et la partie occidentale de la Tunisie. Les autres occupants - en partie occidentale, en Algérie centrale et occidentale- n'étaient autres que les Massaesyles, les cousins ou frères ennemis).

Le roman démarre avec l'histoire de Ylès le prince berbère : En -396, le général Kartaginois Himilcon occupe Messine et assiège Syracuse. Mais la peste fait des ravages dans son camp au point où il ne pense qu'à s'enfuir. Il négocie le départ de ses troupes kharthaginoises en laissant sur place les autres soldats... dont les Numides. Ylès, le prince berbère est ainsi vendu comme esclave à Denys le Tyran, le souverain de Syracuse. Il y rencontre Aristhoklès, futur Platon, tous deux assignés aux travaux dans la bibliothèque de la cité. Libérés tous les deux, ils se rendent à Athènes. La grande aventure «moderne» du peuple Massylès commence...

L'histoire ? Celle d'un peuple guerrier, fier, ne pratiquant pas l'esclavage, donnant le premier rôle à la famille et aux clans, pratiquant une gouvernance «démocratique» (élection d'un chef, l'Aguellid, appuyé par l'assemblée des délégués des tribus -qui n'avait pas le pouvoir absolu- pour assurer la cohésion intertribale ) et, surtout, ne supportant pas l'exploitation par d'autres peuples étrangers, d'où une lutte (politique et militaire) incessante contre les occupants à l'image des féodaux karthaginois (de la «cendre des Troyens») accueillis, au départ, au niveau du golfe de Tunis, en «réfugiés pacifiques», venus de Tyr avec, à leur tête, une femme, Elyssa (qui sut s'y prendre avec l'Aguellid Yarbaal sensible à ses charmes... qu'il ne goûta d'ailleurs pas ), mais peu peu devenus assez puissants et colonisateurs du pourtour méditerranéen. Rome est venue par la suite; les relations, longtemps cordiales, du moins tant que dura la domination grecque sur la mer Méditerranée, avec Kharthage, s'étant peu à peu détériorées.

Karthage, s'appuyant sur les comptoirs phéniciens et existants et disséminés le long des rivages... face à Rome et la force de ses légions. Et, la Numidie comme enjeu économique et militaire. Déjà !

L'Auteur : Originaire de Chullu (Collo). Professeur de Civilisation en début de carrière (Université de Constantine). Se specialize, par la suite, en communication et en commerce international. Enseignant en management des entreprises, journaliste, chroniqueur...

Extraits : «Lorsque l'âme d'une personne était agitée, il pouvait en résulter l'ambition ou la haine. Seule la raison pouvait produire un comportement vertueux à travers la justice, la force, la prudence et la tempérance» (p 92), «Les deux fondements d'une éducation sont la gymnastique et l'art. Et la spiritualité ? Elle fait partie de l'éducation morale. C'est pour cela qu'il est primordial de donner un sens pédagogique à la transmission du savoir aux jeunes générations» (p 92)

Avis : Les chroniques -assez vivantes- bien plus qu'un roman. Passionnant ! Peut-être trop d'histoires, et des histoires trop détaillées, avec souvent des raccourcis... ce qui rend la lecture et le suivi de l'aventure Berbère difficile.

Citations : «Celui qui aime partager verra dans le regard de celui qui reçoit les signes de la gratitude» (p 16), «Celui qui m'enseignera vaudra mieux que celui qui me donnera» (p50), «Quand la calomnie s'insère au milieu de l'amitié, c'en est fini de la prospérité des corps» (p 68), «L'inhabileté de l'artisan ne provient pas de la mauvaise qualité de son art. L'absence de talent d'un musicien n'est pas la faute de la musique. L'artiste peut être un ignorant, mais chaque art possède le mérite qui lui est propre» (p 150)