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Le désastre syrien, jusqu'à quand le bout du tunnel?

par Kamal Guerroua

Le désastre syrien durera, semble-t-il, à n'en plus finir. Plus de la moitié de la population d'avant 2011 (soit environ 21 millions d'habitants), est forcée à l'abandon de son domicile.

Pratiquement, six millions d'entre ces derniers sont partis s'installer en réfugiés dans les pays limitrophes tels que la Turquie et le Liban, et les six millions restant à fuir les zones du conflit dans d'autres zones plus apaisées à l'intérieur de la Syrie elle-même.

En vérité, les statistiques officielles donnent froid au dos : alors que les infrastructures vitales ont été presque totalement détruites, plus de 300.000 victimes sont recensés et le PIB du pays a baissé de 60%! Ce qui a poussé, d'ailleurs, l'ONU à tirer récemment la sonnette d'alarme, estimant que 85% de la population syrienne est pauvre et que 60% des habitants ne mangent pas à leur faim.

L'arrivée de la pandémie n'a fait, selon les experts onusiens, qu'aggraver une situation déjà au jaune alors que le régime d'Al-Assad semble être dans l'incapacité durable de répondre aux besoins basiques de la population.

D'ailleurs, ces dernières semaines, dans les zones sous contrôle du pouvoir central, des révoltes du pain ont eu lieu. De même, les enseignants n'y sont plus payés et le taux du décrochage scolaire semble en hausse en raison de l'incapacité de beaucoup de ménages à s'acquitter des frais de scolarité. Économiquement dépendante des puissances étrangères (la Russie et l'Iran en particulier), la Syrie s'achemine, à ce qu'il paraît, vers «une crise humanitaire» qui ne dit pas son nom.

Preuve en est qu'après l'échouage du cargo « Ever Given » dans le canal de Suez, le régime n'a eu autre alternative que de rationner l'essence parce que le pétrole en provenance d'Iran n'arrivait pas! Le fantôme de l'effondrement pèse désormais sur ce pays, en proie à de grandes convoitises régionales. En ce sens, cette région stratégique par sa position centrale entre l'Asie et l'Europe, est la pièce-maîtresse des projets des gazoducs et des oléoducs (ce qui permettrait de joindre l'Iran et la Russie ou l'Irak et l'Europe de l'Ouest), lesquels suscitent autant de concurrences entre grandes puissances. Et pourtant, au lendemain du retrait prudent des américains à la fin de 2015, la Russie, l'Iran et le Hezbollah (la triade hostile aux intérêts du bloc occidental) ont fourni de façon pérenne une aide militaire, politique et économique à Al-Assad. D'une part, ils ont déployé les gros moyens militaires pour faire face au péril menaçant de l'Etat islamique, avec tous les dégâts déplorés sur le plan des pertes humaines à cause des bombardements intensifs de populations civiles. Et de l'autre, ils ont apporté un soutien diplomatique doublé d'un coup de pouce économique (aides financières) au régime baâthiste, surtout entre 2012 et 2015, période où l'administration Obama avait essayé d'ouvrir un front pour une guerre par procuration, en se servant de l'Arabie Saoudite, les Emirats et le Qatar (alliés occidentaux du Golfe), et en refusant en même temps toute négociation avec Al-Assad, vu comme un ennemi à abattre en toute urgence.

Les USA ont, pour rappel, formé 1500 rebelles en accord avec la Turquie et débloqué 500 millions de dollars pour ce «boulot», mais leur opération s'est soldé par un échec. Aujourd'hui, après dix ans de guerre d'usure, la Syrie blessée affronte, presque seule, son destin de «prisonnière» des intérêts stratégiques des grandes puissances.