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L'archiviste national, l'omerta historique et le déni de mémoire

par Nasr-Eddine Lezzar*

Les déclarations de l'archiviste national :

«Nos archives nationales sont très sensibles et ne sont pas communicables au risque de provoquer le chaos dans le pays». «Certains me reprochent de ne pas rendre consultables certaines archives sensibles. J'ai donné des directives pour que les noms des personnes et des lieux soient supprimés des documents en question pour ne pas toucher aux personnes physiques», Dixit Abdelmadjid Chikhi, conseiller chargé des archives et de la mémoire auprès de la présidence de la République, a déclaré, dimanche 04 Avril 2021. Guelma.

La falsification et la censure assumées :

Terrible aveu d'une falsification de l'histoire ! Cette position ne date ni d'aujourd'hui ni du nouveau pouvoir, elle s'inscrit dans une continuité imperturbable. Naguère, à l'époque de Chadli, le parti unique, sous la houlette de Messaadia, s'est réuni en conclave pour étudier l'écriture de l'histoire de l'Algérie. Il en ressortit la résolution incongrue d'écrire l'histoire sans citer de noms.Ce à quoi Feu Lamine Khane , ancien secrétaire d'état auprès du GPRA , répondit « Notre histoire ne s'est pas faite avec des fantômes . Le gardien de nos archives, censeur en chef de notre histoire et nos mémoires a décidé aussi «On peut écrire l'histoire sans citer de noms»! Depuis toujours une chape de plomb veut couvrir notre histoire et, aussi et surtout, les noms de ceux qui l'ont faite. C'est là que se trouve à mes yeux, l'origine, la source et l'explication de la formule sibylline et expéditive « un seul héros le peuple» instaurant un égalitarisme historique inéquitable et inacceptable. Voila comment les figurants, les comparses et les anonymes et/ ou ceux qui ont commis les trahisons innommables comptent effacer les véritables acteurs de notre histoire. On parle ainsi de l'histoire de l'Algérie et de histoire de l'écriture de l'histoire .Il est complètement insensé d'écrire l'histoire en dissociant les faits de leurs acteurs, ceux qui ont joué les premiers rôles et les seconds couteaux, les beaux et les meilleurs rôles tous comme les mauvais et les pires. L'auteur de cette déclaration a semé un doute pire que tous les aveux possibles. En voulant protéger, par le silence, ceux qui nous font honte, nous jetons le discrédit sur ceux qui nous honorent. Ainsi le spectre de la suspicion plane sur toute notre histoire qui devient, honteuse, indicible, inénarrable. Notre fierté se révèle factice et notre gloire une tromperie. On nous a , donc , dupé depuis toujours ! Tout est Sali par le doute. En protégeant les pires , les assassins et les traitres , on salit potentiellement ,les meilleurs.

Pour qui sonne le chaos ?

Une question se pose et on doit y répondre. Pourquoi y'aurait t-'il un chaos ? Qui veut-on protéger ? Les harkis les assassins et les traitres. Ils ont fait leur choix, leurs comptes sont réglés ! Les faux moudjahidines ? Les imposteurs ?. En les protégeant on couvre leurs forfaits et on devient complice. En tous cas On ne peut les protéger indéfiniment, le passé rattrape toujours ! Veut-on camoufler les crimes français pour mieux assurer la réconciliation des mémoires ? Peut être bien ! Car l'auteur de cette censure et de cette falsification assumées, tuteur de nos mémoires confisquée (tout comme notre indépendance dixit Ferhat Abbas), n'est autre que celui que le président de la république a mandaté en juillet pour représenter l'Algérie dans le dossier de la mémoire ayant pour objectif annoncé de réconcilier les mémoires du peuple algérien et français.

La chimérique réconciliation des mémoires :

La réconciliation des mémoires! Une autre incongruité, inventée , sans doute par Macron , un adolescent politique , admise en Algérie par un pouvoir qui ,se trouvant incapable de gérer le présent et impuissant devant l'avenir , se résout a remanier ,maladroitement, le passé . Chimérique réconciliation mémorielle ! . On ne peut réconcilier des mémoires aussi irréductibles que celles d'un colonisateur et d'un colonisé. a moins de laminer et d'éliminer l'une d'elles. La tentative de réconciliation est, en soi, un autre recul de l'Algérie officielle face au colonisateur d'hier. L'Algérie exigeait des excuses et des réparations au colonisateur comme préalables, elle cherche maintenant la réconciliation sans condition. Pour rappel les tenants du pouvoir en place n'avaient pas osé soumettre au parlement la loi criminalisant la colonisation alors que la France a promulgué la loi du 23 Février qui en glorifiait les bienfaits reprenant, un siècle après, le mythe de la mission civilisatrice de la colonisation.

LA France a une longueur d'avance

Sur ce dossier l'Algérie a laissé à la France une longueur d'avance : La partie française a rendu son rapport rédigé par Benjamin Stora .L'Algérie n'a pas encore rendu le sien confié à notre archiviste national.

Où est le rapport algérien ?

Non seulement Mr Chikhi semble ignorer où en est son rapport, il refuse aussi de prendre connaissance du rapport français. Interpellé sur le rapport Benjamin Stora quelques jours après sa publication et diffusion dans les medias de l'hexagone notre historien officiel répondit qu'il n'en a pas pris connaissance et argua qu'il ne lui a pas été remis d'une façon officielle. Un faux fuyant bureaucratico politique d'un fonctionnaire qui veut éviter un sujet qui fâche. Tel l'autruche qui enfouit sa tété dans le sable pour ignorer un danger croyant que c'est la meilleure façon de l'éviter ou que celui-ci l'épargnera si elle ne le voit pas venir.

Le déclassement par la France /le classement par l'Algérie.

A l'heure où la France a déclassé les archives de la guerre pour les rendre accessibles, l'Algérie, ou plutôt le directeur des archives /conseiller du président de la république, les couvre par la loi de l'omerta. Qui s'arroge le droit de déterminer ce que nous pouvons savoir et ce que nous devons ignorer ?

il y'a quelques années la loi sur la réconciliation nationale a condamné le peuple algérien à une amnésie forcée d'une décennie tragique .Maintenant un conseiller du président de la république, nommé historien officiel, nous condamne à une autre ignorance et ce en violation de la loi sur les archives nationales.

Il y'a quelques mois les tenants du pouvoir en quête d'un surcroit de légitimité se sont mis à chercher dans l'histoire une petite dose de légitimité et décida de rapatrier des crânes de 24 résistants algériens à l'occupation française, .S4 s'inspirait en cela du rapatriement de la sépulture de L'Emir Abdelkader du temps de Boumediéne .C était une autre époque et une autre envergure. A Quoi sert t'il de rapatrier «des cranes silencieux « lorsqu'»on évite d'ouvrir et de rapatrier les archives éloquentes.

Le fond et la forme :

Outre le fond, la forme de l'annonce de la falsification mérité qu'on s' y attarde :

L'auteur a utilisé la première personne du singulier « On me reproche» « j'ai donne des directives». Au de la de son arrogance Le «j» laisse planer un doute sur l'és qualité» ; Directeur des archives ? conseiller, et/ou, au nom , du président de la république?

L'auditoire était constitué, substantiellement de «.....Des directeurs de wilayas ..... « .Le But de la rencontre était de ; «........... Relever toutes les propositions des personnes présentes pour une approche constructive et pérenne de l'histoire de l'Algérie à transmettre aux générations futures «en perte d'identité». Erreur de casting et mélange de genres ! la question interpellait les universitaires les historiens, les historiques, les politiques , la société civile investie dans l'histoire.

Quelques humbles recommandations :

Dépolitisez l'histoire et, oublier, plutôt dépasser la légitimité historique elle a fait son temps. Tant que l'histoire est une voie d'accès au pouvoir elle ne sera jamais écrite « correctement». Laissez les historiens travailler, il n' y'aura ni chaos ni chahut. Un peuple que n'assume pas son passé ne peut construire son avenir. L'Algérie est un grand pays avec un passé glorieux dont elle n'a pas à rougir ! Toute vérité est bonne à dire sauf pour ceux qui ont quelque Chose à cacher.

*Avocat