Difficile à
comprendre pourquoi des jeunes, des moins jeunes, des femmes, des vieux, des
chômeurs et des familles entières tentent la traversée de la Méditerranée pour
poser pied clandestinement sur les rives sud de l'Europe, ou périr en mer avant
d'atteindre ce but ? La question lancinante des causes de l'émigration
clandestine, souvent réunies dans le cercle de la misère qui fait fuir les
gens, c'est l'insécurité, les guerres et la persécution des populations par des
régimes totalitaires, mais aucune ne colle vraiment à la réalité algérienne. Le
malaise qui pousse d'une manière spectaculaire les Algériens, durant ces
dernières années, à se joindre aux réfugiés fuyant la misère et les guerres, échappe
ainsi à un sérieux diagnostic. Certains, qui n'ont pas totalement tort, parlent
de mal-vie, l'aspiration à une vie meilleure ou la recherche de l'eldorado,
mais le constat reste incomplet. Car, ces aspirations, même si elles sont
difficiles à atteindre, tout comme c'est le cas de le dire pour l'aventure
ailleurs, peuvent trouver terrain de réalisation dans le pays natal. On peut
juste mettre à l'observation, dans ce contexte de recherche des causes à
l'origine de l'émigration clandestine des Algériens, les périodes de grands
flux des harraga vers l'Europe et d'autres plus
plates, avec un tassement parfois fort remarquable, pour essayer de comprendre
le phénomène en question. Dans ce sens, tout le monde a remarqué le faible flux
des migrants clandestin durant toute la période du Hirak.
Les Algériens, en ces moments de grandes liesses populaires, s'admiraient dans
les selfies qui voyageaient très loin sans
restriction de visas. Des expatriés venaient spécialement des villes
européennes pour vivre l'évènement dans leur pays. Comparé au
présent ou passé, le taux de chômage n'était pas moins fort en ces moments-là, pourtant les Algériens se plaisaient bien chez
eux, se découvraient des réflexes nouveaux de solidarité citoyenne, de respect
mutuel, d'acceptation de l'autre quels que soient son opinion ou son statut
social et de salubrité de l'environnement avec ces scènes de nettoyage des rues
par les hirakistes à la fin des manifestations,
fortement relayées par les réseaux sociaux pour montrer le degré de civisme des
manifestants. Pour cela, on n'aurait pas moins souhaité que le Hirak soit perpétuel. Mais, la chute de l'ancien système et
la mise derrière les barreaux de ses principaux tuteurs et clients, suivie par
l'élection d'un nouveau Président, des évènements porteurs, pourtant, d'espoir
pour une vie meilleure, a contrairement remis, petit à petit, la harga au goût du temps.
Pour
atteindre ces derniers jours des pics alarmants, rarement égalés par le passé,
avec pas moins de 755 personnes sauvées par les forces navales algériennes
durant cinq jours (du 20 au 25 septembre) en tentant de gagner l'autre côté de
Méditerranée sur des embarcations de fortune pleines à craquer de jeunes hommes
de femmes et même d'enfants en bas âge. Comment expliquer ce changement d'humeur
sociale, passant du beau fixe au désespoir ? La politique a-t-elle quelque
chose à voir là-dedans ? La crise sanitaire qui a aggravé les difficultés
socioéconomiques n'est pas à exclure des causes qui ont dopé la harga ces derniers temps. Il y a également derrière ce
phénomène les semeurs du désespoir, qui noircissent l'avenir de l'Algérie, et
qui poussent à l'abandon de tout effort vers un avenir meilleur. Mais, au bout
de la logique, les autorités publiques portent une lourde responsabilité pour créer
le climat dont rêvait le Hirak, et retenir les harraga chez eux comme a su l'accomplir ce rêve.