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L'inimaginable arabe

par Abdelkrim Zerzouri

Et si on décidait une fois pour toutes de sortir de la langue de bois et se dire la vérité entre quatre yeux lors de cette réunion virtuelle qui devrait réunir, aujourd'hui, les ministres arabes des Affaires étrangères. Une éventualité inimaginable ? Plus divisés et plus affaiblis que jamais, il n'existe plus un seul dossier sur lequel les pays arabes peuvent parler d'une même voix au sein de la Ligue arabe. L'évolution de la question palestinienne, à l'ordre du jour de cette rencontre à distance des ministres arabes des Affaires étrangères, mériterait qu'on s'y attarde pour discuter avec toute la franchise sur cette normalisation rampante des relations de certains pays arabes avec l'Etat hébreu. Mais, il est à prévoir que la rencontre s'inscrive dans une logique du fait accompli qu'on tenterait de propager à travers tous les pays arabes.

Les pays du Golfe, ainsi que d'autres pays arabes, qui ont des voix très influentes au sein de la Ligue arabe, sont favorables à cette idée de normalisation des relations avec Israël, selon les affirmations de responsables américains et israéliens, et l'on serait dans cette optique tenté de battre le fer tant qu'il est chaud pour amadouer les réticences, du moins «normaliser» l'idée en question au sein de la Ligue arabe. La question palestinienne et la normalisation des relations des pays arabes avec Israël devraient occuper le haut du débat. Viendraient ensuite d'autres questions, non moins importantes, parfois intimement liées à cette normalisation rampante, dont celle de «l'avenir de la paix au Moyen-Orient à la lumière des récents développements». Car, la normalisation prend comme titre «accord de paix», déjà signé entre les Emirats arabes unis et Israël sans prendre avis ou une quelconque consultation de la Ligue arabe. Ce que les Palestiniens appellent, eux, «un coup de couteau» dans le dos d'une cause naguère défendue pratiquement par tous les pays arabes.

La Ligue arabe, l'une des plus anciennes unions entre pays liés par la géographie et la culture, pourrait-elle continuer à fonctionner sur des principes perfides ? Autre interrogation qui viendrait à l'esprit, cette réunion à distance des ministres arabes des Affaires étrangères ne dit pas mot au sujet du sommet arabe qui devait se tenir le 30 mars dernier à Alger et dont la date a été repoussée à cause de la pandémie de Covid-19. Rien à l'ordre du jour, pas même un brin d'intérêt pour fixer une nouvelle date de ce sommet. Et, la pandémie de Covid-19 n'est plus un argument convaincant pour un plus long report du sommet en question. Car aujourd'hui, à l'exemple de cette réunion à distance des ministres arabes des Affaires étrangères, les rencontres virtuelles par visioconférence pallient aux difficultés des rencontres physiques entre chefs d'Etat. Peut-être bien qu'en vérité on se trouverait bien embarrassé de parler d'un prochain sommet arabe dans une conjoncture où le «chacun pour soi» règne en maître dans la région.