Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Karim Tabou pour l'exemple

par Kharroubi Habib

Accusé « d'atteinte au moral de l'armée » pour des déclarations faites le mois de mai dernier, Karim Tabou, ancien premier secrétaire du FFS, actuel chef de l'Union démocratique et sociale (UDS), parti non agréé officiellement, a été arrêté et placé en détention provisoire.

Si c'est le contenu de ses déclarations du mois de mai qui est cause de son incarcération, pourquoi alors ceux qui l'ont ordonnée ont mis si longtemps à le faire ?

Entre autres hypothèses sur les considérations qui ont poussé le pouvoir à prendre sa décision, il y a celle qui lui prête d'avoir agi au constat que Karim Tabou serait en passe de devenir la figure de proue du mouvement populaire séduit par la virulence de son discours à l'égard du système et de ses symboles qui subsistent dans le pouvoir. Mais s'il est vrai que l'impétueux activiste est devenu l'étoile montante du mouvement populaire du moins dans ses ailes du centre du pays, il est loin de faire l'unanimité chez l'ensemble d'où émanent de fortes critiques à l'encontre de son activisme et de la radicalité contestée de ses déclarations et prises de position.

En l'incarcérant, le pouvoir pense avoir fait taire l'ex-premier secrétaire du FFS et stoppé son influence grandissante au sein du mouvement populaire, mais aussi avoir transmis aux acteurs politiques tentés de suivre son exemple en essayant d'imprimer eux aussi de la radicalité aux manifestations du mouvement populaire le message qu'ils ne sont pas à l'abri du même traitement qui lui a été réservé. Ce message, le général de corps d'armée Gaïd Salah en a fait le corpus aussi ferme que clair de ses trois dernières allocutions politiques. Il n'a en effet cessé de fustiger toutes les oppositions à la feuille de route préconisée par le haut commandement de l'armée et de les traiter de travailler pour l'agenda qui leur a été dicté par leurs « maîtres étrangers ».

Avec l'incarcération de Karim Tabou qu'il range évidemment dans ce camp, le chef de l'armée est passé de la simple intimidation et diabolisation à leur encontre à la faisabilité d'un exemple les dissuadant de persister dans leurs positions.

Sauf qu'il a pris le risque d'auréoler Karim Tabou de l'aura de victime d'un pouvoir dictatorial et d'effacer au sein du mouvement le côté clivant du personnage. Il a aussi ce faisant relancé la revendication de la libération des détenus d'opinion que des parties ouvertes à l'option électorale ont quelque peu passée au second plan et se sont mises à ne l'évoquer qu'en tant que clause de style dans leurs déclarations politiques.

L'on peut avancer que bien plus que les déclarations enflammées et virulentes de Karim Tabou, ce sont celles du même tonneau dont Gaïd Salah est l'auteur qui ont un effet radicalisant sur le mouvement populaire et ancrent en lui la conviction que le pouvoir incarné par le chef de l'armée s'inscrit dans la continuité du système et la perpétuation d'un régime autoritaire et liberticide et que ses promesse d'instauration d'un Etat de droit et de respect des libertés individuelles et collectives ne sont que poudre aux yeux.