Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Affaire TOTAL : le droit de préemption est inscrit dans la loi

par Reghis Rabah*

Pourquoi certains de nos « experts » (01), d'abord incitent à la prudence lorsqu'il s'agit de prendre position sur un dossier d'une entité française et surtout trouvent « maladroit » que le ministre de l'énergie soit vigilent pour défendre les intérêts du mastodonte algérien en faisant valoir ses droits de préemption pour bloquer la transaction d'achat des actifs d'Anadarko par Total. L'information a été rendue publique par les medias Français alors qu'il y a à peine 2 mois la multinationale américaine affichait une ambition de multiplier ses investissements en Algérie mais discrétion ou cachotterie oblige ! Un quotidien français nous apprend au même moment que Chevron avait annoncé l'acquisition d'Anadarko Petroleum pour 33 milliards de dollars (29 milliards d'euros), ce qui devrait la propulser au deuxième rang des plus grandes compagnies pétrolières au monde et renforcer nettement ses activités dans le schiste aux Etats-Unis. Cette transaction, une des plus importantes dans le secteur pétrolier depuis de nombreuses années, se fera en actions et en numéraire. Elle reprendra également la dette de l'entreprise. Elle a pour objectif de renforcer Chevron dans le pétrole et gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), précisait à l'époque la société et rapporté comme par hasard par l'agence Reuters. Elle investit massivement sur les sites australiens de GNL de Gorgon et Wheatstone et dans le Bassin permien (Texas, sud). La combinaison des actifs de grande qualité d'Anadarko et de son portefeuille renforce sa position de leader dans le Bassin permien, permet aussi d'étendre ses capacités dans le golfe du Mexique et renforce son activité dans le gaz naturel liquéfié. Rappelons que l'action Chevron perdait 2,79% à 122,50 dollars il n'y a pas si longtemps, tandis qu'Anadarko flambait de 32,01% à 61,78 dollars, principalement grâce à ses reserves en Algérie, pays où elle s'est engraissée. Dans le détail, les actionnaires d'Anadarko recevront 16,25 dollars pour chaque titre détenu et 0,3869 action Chevron. Une telle proposition valorise l'action Anadarko à 65 dollars, ce qui représente une prime de 39% comparée au cours de clôture le mois dernier. L'opération se fait à 75% en actions et à 25% en numéraire et Chevron va également reprendre les 15 milliards de dollars de dette d'Anadarko, ce qui équivaut à une valeur d'entreprise totale de 50 milliards de dollars. Elle devrait générer quelque 2 milliards de dollars d'économies, dont 1 milliard en synergies, dès la première année suivant sa finalisation. Chevron envisage par ailleurs de céder pour 15 à 20 milliards d'actifs d'ici 2020 et 2022 afin de réduire sa dette et de choyer ses actionnaires en leur versant des dividendes et en rachetant ses propres actions. Ce mariage, qui aurait pu être finalisé au second semestre de cette année, il n'attendait en fait que son approbation par les autorités de la concurrence, les conseils d'administration des deux entreprises et les actionnaires d'Anadarko. Il se trouve qu'entre temps, les choses ont évolué en faveur de la française Total, laquelle société fait tout en catimini. En effet « A court de cash pour cette acquisition et surtout pour surenchérir sur l'offre de Chevron Texaco sur Anadarko, Occidental Petroleum a du recourir au célèbre financier Warren Buffet et son fonds d'investissement Berkshire Hathaway qui a accepté de ramener 10 milliards de dollars d'argent frais ». Aucun démenti n'a été formulé au partenaire algérien ni par Anadarko et encore moins par la Française Total. Il était donc tout à fait normal et convenant même que face aux inquiétudes des uns et des autres dans des circonstances de dissidence populaire que le ministre de l'énergie, qui représente le propriétaire de toute les actions de Sonatrach réagisse en affichant carrément la position du partenaire algérien. Cette position est restée, selon certaines indiscrétions, inflexible en dépit des interventions des politiques et l'arrivée le jeudi dernier du PDG de Total qui n'a pas nié pour autant cette transaction qui est en cours.

2-Pourquoi une telle transaction affaiblirait Sonatrach

Parce que cette opération permettra à la Française TOTAL de prendre le monopole de la production pétrolière en Algérie au détriment de la compagnie nationale. En plus de sa position très confortable autour du GNL avec Sonatrach depuis la signature du complexe du steam cracking en 2018, le géant français pourrait rajouter les 320 000 barils /jour que pèse l'américaine Anadarko à ses 140 000 baril/jour pour arriver pour arriver à une production de 460000 barils/jour. Une telle position lui donnerait un monopole de la production pétrolière et affaibli grandement la position de Sonatrach. Quand on connait les ambitions de l'ancienne puissance coloniale dans son ingérence dans les affaires en Algérie, le lecteur imaginera l'influence qui attendra la diplomatie algérienne dans un secteur aussi névralgique que celui des hydrocarbures. Cette annonce à fait réagir tout de suite l'expert Mourad Preure dans sa page facebook pour alerter les pouvoirs publics qui semblent occupés ailleurs « Il est important que l'Etat algérien à son plus haut niveau prenne ce problème très au sérieux et s'entoure des meilleures expertises nationales et internationales pour le traiter. L'exercice du droit légal de préemption me semble indiscutable. Il renforce notre compagnie nationale Sonatrach et préserve notre souveraineté. Il serait très dangereux qu'un partenaire étranger, quelle que soit sa nationalité, atteigne des positions de monopole ou pour le moins dominantes dans notre secteur pétro-gazier. C'est une question stratégique de la plus haute importance. Sonatrach ne peut pas la traiter seule. » cela ne s'est pas arrêté là mais toute porte à croire que la crise politique dans laquelle est plongée l'Algérie ces derniers jours arrange les affaires des multinationales , « Ould Kaddour était pressé d'octroyer les dernières affaires » à ses amis lit-on dans une dénonciation anonyme selon toute vraisssemblance de cadres supérieurs, honnêtes et soucieux de l'intérêt suprême de Sonatrach et de ce qu'il représente pour le pays. Ainsi après l'entrée en grande pompe d'ExxonMobil et Chevron pour l'exploitation des ressources non conventionnelles, la création d'une joint venture pour la commercialisation des produits pétroliers sans compter la délocalisation du raffinage en Suisse en Cécile, le 13 mars dernier la société britannique Petrofac avait remporté un contrat de 1 milliard de dollars pour le champ gazier d'Ain Tsila. Selon cette source anonyme cela ne va pas s'arrêter là. Car cette société, s'est avérée le moins disant de tous les soumissionnaires dans l'appel d'offre de la raffinerie de Hassi Messaoud estimé à 4 milliards de dollars, tente à travers son lobby de peser de tout son poids pour le concrétiser avant les prochaines élections présidentielles de crainte du changement du management de Sonatrach. Il faut rappeler que cette entreprise, spécialisée dans l'ingénierie pétrolière et gazière est présente dans 24 pays dans le monde mais réalise les 25% de son chiffre d'affaire en Algérie. Comment est elle arrivée à cette performance financière en Algérie ? D'abord par la même méthode qu'utilisent de nombreuses compagnies pétrolières en Algérie à savoir, la création de leur propre lobby en l'entretenant par le biais des versements des commissions et des pots- de- vin. Cette britannique est entrée en Algérie en 2000 dans le cadre du projet Ohanet comme soit disant un investisseur au moment même où le pays en recherchait pour booster le secteur des hydrocarbures afin d'augmenter ses réserves qui constituent sa principale ressource qui lui assure des recettes pour ses différents besoins. A peine quelques mois après, la compagnie australienne BHP Billiton a délégué Petrofac pour la réalisation de toutes les installations du champ d'Ohanet, dans le cadre du contrat à risque pour le développement du gaz dans cette région. Le montant forfaitaire de cette prestation était de 1 milliard de dollars. Petrofac détenait 10% de l'investissement de ce projet. Le champ de l'Ohanet a été reversé à la Sonatrach, suite à l'expiration du contrat en octobre 2011.En 2007, l'association Sonatrach/BP/Statoil Sonahess a confié à Petrofac, un contrat de 665 millions de dollars, pour la mise en place d'une compression de gaz à Krechba. Le 6 octobre 2008, Petrofac a été sollicitée pour la réalisation d'études pour le développement de gisements de gaz des champs de Tinrhert et d'Ahnet ainsi que ceux de Menzel Ledjmet Sud Est. Le gros lot durant cette période pour cette compagnie a été réalisé le 3 mars 2009, lorsque le groupement Berkine : Sonatrach/Anadarko, a confié à Petrofac, la réalisation en EPC des installations de CPF El Merk, pour un montant de 2.3 milliards de dollars. Le 11 avril 2011, la société In Salah Gas (ISG), une filiale commune entre Sonatrach (35%), BP (33%) et Statoil (32%), a attribué à Petrofac, le contrat de réalisation en EPC du projet In Salah Gas pour un montant de 1.2 milliard de dollars. Ce projet de développement des quatre (04) champs du Sud d'In Salah Gas, en vue de maintenir le plateau de production de gaz naturel à 9 milliards de m3/an. Le 31 juillet 2013, Sonatrach a signé avec le groupement Petrofac, un contrat de réalisation des installations de séparations et de Boosting d'Alrar dans la région de Stah à In Amenas pour un montant de 52.878.090.785 dinars, équivalent à prés 700 millions de dollars. 11 mois plus tard, soit le 11 juin 2014, le groupement Reggane composé de Sonatrach/Repsol/Rwe Dea Ag/Edison a attribué à Petrofac le contrat de réalisation des installations pour le projet Reggane Nord de la consistance en EPC des Installations de Surfaces, réseaux de collecte et de pipeline d'expédition pour un montant de 976 millions de dollars. Une année avant, son lobby qui a atteint le summum de sa puissance avait tenté d'imposer la création d'un Joint-venture entre Sonatrach et Petrofac. Mais la résistance des cadres du groupe pétrolier algérien avait repoussé cette tentative. Elle a profité du malheur de l'Algérie lors de l'attaque du champ gazier de Tiguentourine pour rafler un dédommagement de plusieurs centaines de millions de dollars pour avoir immobilisé son personnel pour un contrat non encore mis en œuvre.

3- Total importe le gaz de schiste American pour faire pression sur Sonatrach

Le 8 mars dernier, Olivier PetitJean, un investigateur Français de presse, co-fondateur et éditeur du site d'information indépendant «Multinationales .org», avait écrit un article intitulé « le gaz de schiste américain arrive discrètement en France ». (02)

Le journaliste devait constater que les entreprises françaises ont multiplié les importations « en toute discrétion » du gaz naturel liquéfié des Etats- Unis. Il s'agit de leur surplus du gaz de schiste. Pour lui, c'est un paradoxe, pourquoi ? Parce que la France a interdit depuis 2012 toute activité de la recherche jusqu'à la production de cette ressources dite de roche-mère sur son territoire. Partant des engagements de la France lors de la COP 21, « l'importation massive de gaz de schiste américain en Europe n'est une bonne nouvelle ni pour ceux qui subissent les conséquences de cette industrie de l'autre côté de l'Atlantique, ni pour le climat. Cette affaire rappelons le avait fait un grand bruit, voire même une polémique sous la présidence de François Hollande lorsque son ministre des affaires étrangères de l'époque Laurent Fabius avait évoqué la possibilité que la France exploiterait le gaz de schiste Algérien et importerait du gaz de schiste en provenance des États-Unis. Cette source d'énergie très controversée, en raison des impacts environnementaux de la fracturation hydraulique, allait-elle finir par alimenter quand même les chaudières françaises s'interrogeaient les verts et de nombreux partis politiques ? L'arrivée de Macron l'a effectivement adopté pour que des importations massives de gaz de schiste américain avaient débuté dés l'automne 2018. Il se trouve justement que cette information si elle est restée « top secret en France » le département de l'information sur l'énergie américain ne pouvait pas la cacher. L'investigateur a suivi ces transactions en détail et n'a pas manqué selon toute vraisssemblance de perturber l'opération, comment ? Le méthanier Provalys, qui était revendu en 2018 par Engie à « Total », devait accoster la deuxième semaine du mois de mars 2019 au port de Montoir, à proximité de Saint-Nazaire, en provenance du terminal d'exportation de gaz de Sabine Pass. Celui-ci, situé à la frontière entre la Louisiane et le Texas et appartenait à la firme américaine Cheniere. Le Provalys semble avoir changé de cap depuis, dés que les responsables ont su que ce journaliste a poussé sa curiosité trop loin. Cependant, le navire méthanier Elengy, filiale d'Engie qui gère le terminal méthanier de Montoir (et deux terminaux similaires à Fos-sur-Mer), lui a confirmé que « le gaz naturel américain est importé en Europe depuis 2017 et directement en France depuis fin 2018 ». Tout en ajoutant que « le nom des importateurs et le détail des cargaisons sont des informations commercialement sensibles qu'ils ne sont pas autorisés à divulguer ». Même invocation du secret commercial du côté du quatrième et dernier terminal méthanier français, celui construit par EDF à Dunkerque, récemment revendu à l'opérateur belge Fluxys. Cet investigateur a tenté de nouer des contacts avec les entreprises qui auraient pu acheter ce gaz pour le redistribuer directement en France ou les pays européens comme le fournisseur EDF, Engie et justement Total, laquelle société avait absorbé Direct Energie et Lampiris sous la marque Total Spiring pour se positionner en troisième place sur le marché. Comme il s'agissait d'un mot d'ordre venu d'en haut, le secret était total même pour les petits industriels qui font la production et la transformation plastique.

4-Moralité de tout cela

Si la France par le biais de ces entreprises, tente de faire de la stratégie pour assurer ses approvisionnements tout à fait discrets en gaz sans subir la pression des producteurs algériens et russes, ces producteurs aussi se protègent pour garantir des débouchés pour leur pétrole et gaz dans le cadre des accords passés avec leurs partenaires sans avoir à rendre compte aux uns et autres et loin des injonctions politiques

Renvois

(01)-https://www.tsa-algerie.com/dossier-anadarko-total-des-experts-algeriens-conseillent-la-prudence/

(02)-http://multinationales.org/Le-gaz-de-schiste-americain-arrive-discretement-en-France

*Consultant, économiste pétrolier