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Le pouvoir réel

par Mohamed Salah

Et si Sofiane Djilali avait tout résumé de la crise politique qui secoue le pays depuis la «démission» de Bouteflika de son poste de président de la République ? Dans un entretien accordé à la radio nationale, Chaîne 3, le président du parti Jil Jadid, a appelé, hier, à négocier directement avec l'état-major de l'ANP, le «véritable détenteur du pouvoir». L'ancien bras droit de Boukrouh, du temps du PRA, a dit tout haut ce que tout le monde pense, en affirmant que l'armée est redevenue le centre de décision du pouvoir réel avec lequel il faut discuter. Ce que préconise Sofiane Djilali n'est plus ni moins que la première étape vers une sortie de crise souhaitée par la rue et les partis de l'opposition tout en évitant la solution du fait accompli érigé en véritable feuille de route par les décideurs. Ce que dit Djilali, c'est que ni Bensalah ni Bedoui ne sont les tenants du véritable pouvoir et de ce fait ne sont pas habilités à conduire des élections, et c'est à l'état-major de s'associer avec les forces vives du pays pour trouver une issue à cette crise politique. En appelant l'armée au dialogue, le président de Jil Jadid cherche à composer avec «le réel» pour éviter les sous-traitances et les «fuites» et embrouilles qui peuvent en découler. Tout le monde sait que depuis l'activation de l'article 102 de la Constitution et la destitution de Abdelaziz Bouteflika, l'armée a repris les rênes décisionnelles du pays. Cette réappropriation du pouvoir, longtemps entre les mains du clan Bouteflika, se confirme chaque jour et trouve son application à travers les décisions prises par Gaïd Salah dont son appel pressant à la justice pour qu'elle active son action. Et les justiciables qui sont aujourd'hui sous les verrous sont généralement considérés comme les adversaires personnels du chef de l'état-major ou faisant partie des cercles proches de ses ennemis. L'incarcération des Saïd Bouteflika, Toufik, Tartag, Haddad, les frères Kouninef, Melzi et Rebrab est considérée, à tort ou à raison, comme la personnification relationnelle de Gaïd Salah matérialisée par le truchement de la justice. Et c'est cette perception qui laisse les Algériens perplexes devant le choix des hommes visés et la véritable indépendance de la justice. Sofiane Djilali fait sienne cette citation qui veut qu'il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints pour gagner du temps et aller au plus vite vers une période de transition consensuelle.