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Il n'y a pas que les «B»

par El Yazid Dib

Il y a surtout ceux qui les supportent. Ils sont audacieux à persister à s'en foutre de ceux qui sont censés recevoir joie et bonheur. Après la chute d'un «B» il en reste toute une multitude d'unités dans l'alphabet systémique. Il n'y a pas que les «B», il y a aussi les petites lettres initiales qui pivotent autour de ces effroyables majuscules. Les minuscules personnages qui en fait sont les plate-formes qui les raffermissent.

Outre l'existence parmi cette faune orthographique d'éléments nuisibles, d'autres autrement identifiés subsistent également dans les périphériques qui jouxtent les grands «B». C'est dire que la consonance de ces «B» est un peu générale. Elle s'entend comme une musique baroque à tous les niveaux des structures étatiques.

Comme il ne faudrait pas jeter l'anathème sur ceux qui portent glorieusement ce «B». Ceux qui sans l'avoir avaient tenté sans coup férir de porter l'idéal populaire vers sa rampe naturelle. Le recouvrement de sa propre légitimité. Il n'est pas question là de symbole graphique ou phonique ou d'une certaine lettre devenue alpa-merdique. C'est toute la comptabilité de l'insalubrité et de la désinvolture qu'ils prenaient au nom de la loi et la clamaient au profit du peuple. Ils étaient derrière l'encadrement du cadre et du cachir sans le moindre déshonneur et avec l'amplitude passionnelle qu'aurait eue un artiste enthousiaste. Allez-y, lancez un regard dans ces nominations d'ultimes quarts d'heure, dans ces signatures interposées ou déléguées, dans ces entreprises locales, ces postes électifs ! Il y a toujours du «sauve-qui-veut» dans les demeures qui menacent ruine.

Alors qu'en ces temps-là où tout est remis en cause, là où des «j'accuse» fusent de partout, il était indispensable de se taire et commencer à s'accommoder des prémices d'une mort certaine. Au moins s'assurer une belle agonie sans fracas et sans tracas pour sa postérité personnelle. Ces gens-là qu'ont-ils légués à leur progéniture ? Les immeubles ou les comptes bancaires ne sauront redresser les insanités, ni effacer des annales les mauvaises fins de carrières que l'on prenait pour brillantes. Personne des descendants des Romanov, de Louis XVI ou d'autres despotes n'a survécu dans un air de noblesse ou de notabilité. Ou sont ces personnes qui, dans un récent passé, faisaient la pluie et le beau temps et que le citoyen craignait et en éprouvait de la haine sans pouvoir la décrire ? Ou sont ces nom-phares de la place algéroise, des cercles de décision, ceux qui détenaient le miracle d'enrichir, d'appauvrir, d'encelluler ou de glorifier ? Il en reste cependant beaucoup de leurs entremetteurs, leurs rabatteurs, leurs agents de liaison.

Quel respect légal peut-on avoir ou croit-on l'observer quand la loi est elle-même remise totalement en cause par ceux-là mêmes au nom de qui elle a été élaborée, votée et promulguée ? N'est-elle pas l'émanation de ce peuple qui crie à son abolition de par ces applications injustes, inégales et perverties ? C'est en vertu de ces dispositions tant rabâchées du 7 et 8, qu'il est possible qu'un autre «B» puisse quitter la scène. Le dépôt de démission du gouvernement auprès du chef de l'Etat sera une suite de logique constitutionnelle et sauvera un peu les meubles quant au respect à l'humeur de cette loi. Du coup, il satisfera la demande discontinue et pérenne de la rue. Puisque c'est ce même chef d'Etat, prenant des pouvoirs présidentiels qui avait nommé et démis tant et tant de hauts responsables; il lui est donc commode de faire démissionner ce «B», vestige d'un règne indigeste et designer un nouveau gouvernement sans qu'il ne soit attribué à ses membres le titre de ministres. Ils ne seront en fait que des chargés de mission, laquelle ne peut dépasser la seconde indépendance -si tout ira bien- prévue le 5 juillet prochain.