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Quel gouvernement pour Bedoui ?

par Cherif Ali

Il aura forcément une durée limitée. Quelques mois tout au plus. Il conduira les affaires de l'Etat dans une ambiance de perte totale de confiance et surtout d'un climat de défiance à l'endroit des représentants du pouvoir qui s'exprimera forcément sur le terrain, devant l'un ou l'autre ministre.

De mémoire d'Algérien, aucun gouvernement n'a été rejeté par la société avant même son entrée en fonction. Ce sera le cas pour les femmes et les hommes qui composeront celui de Noureddine Bedoui.

Il était lui-même loin de penser à cette tournure des événements. Mais le fait qu'il ne se soit pas dérobé, renseigne, tout au moins, sur le sens des responsabilités et l'engagement d'homme d'Etat, Noureddine Bedoui ; il a entamé avec le vice-Premier ministre Ramtane Lamamra, des consultations tendant à la formation du nouveau gouvernement de «compétences nationales avec ou sans affiliation politique ».

La nouvelle équipe gouvernementale comporterait, dit-on « des compétences nationales avec ou sans affiliation politique et reflétant de manière significative les caractéristiques démographiques de la société algérienne ».

Les consultations en cours s'étendront aux représentants de la société civile et aux formations et personnalités politiques qui en exprimaient le souhait en vue d'aboutir à la mise en place d'un «gouvernement de large ouverture ».

Il faut, tout de même, avoir l'objectivité de le reconnaitre, Noureddine Bedoui n'est en définitive, qu'une courroie de transmission, de la « feuille de route » imposée par l' «encore » président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Il en sera autrement, plus tard, peut-être dans un cas de cohabitation ou là, le premier ministre venant de l'opposition installé à l'APN aura une assez grande liberté de décision. Et surtout de choix des ministres.

Les Algériens, devront-ils pour autant, s'interdire de penser à la nature et aux contours de ce gouvernement fut-il de «transition» ?

Le premier ministre va-t-il pour ce faire, puiser dans le corps des «walis» pour nommer des ministres, faire confiance aux «technocrates», ou s'en remettre aux «partis politiques », pour former son gouvernement ?

Osera-t-il, aussi, nommer des ministres, sans expérience politique et issus de la société civile ?

La société civile dans un gouvernement, disait quelqu'un, «ça fait partie des sujets tarte à la crème »,où on tente d'apporter le sang neuf d'experts, pour essayer en dernier ressort de revigorer un personnel politique sans cesse décrié !

A l'heure où infuse encore le «melting pot » du prochain gouvernement, on se souvient encore du temps où, on promettait aux Algériens de l' « air frais », avec ces ministres venus du secteur public, voire même du privé : Hasbellaoui, Benghabrit, Hadjar, Houda Feraoun, pour ne nommer que ceux-là ; c'était le « nouveau monde », qui soi-disant privilégiait les compétences, l'expérience.

Sous-entendu, loin de ces politiciens de carrière qui passent d'un ministère à un autre sans rien connaitre ni de l'un ni de l'autre !

Les experts et c'est peut-être vrai, peuvent tout savoir mais ne rien pouvoir aussi !

Mais, à force de privilégier la parole des experts, on n'en oublierait que ce sont les politiques qui sont censés mener la barque. A moins que pour le temps présent, ils ne préfèrent se défausser sur les experts sachant la situation amplement compromise et les réformes incontournables difficiles à mettre en œuvre.

Enorme casse-tête pour le premier ministre, Noureddine Bedoui qui peine à trouver les bonnes personnes pour former son gouvernement.

Va-t-il faire appel aux walis pour constituer son équipe, et ainsi sacrifier à l'habitude.

Rappelons déjà qu'avec l'arrivée de Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement, les walis sont entrés au gouvernement en nombre sans cesse croissant.

Il y a eu, tout d'abord, Nouria Zerhouni et Abdelkader Kadi, nommés respectivement au ministère du Tourisme et de l'Artisanat et au ministère des Travaux publics. Expérience non concluante, qu'on peut résumer comme suit : «Trois petits tours et puis s'en vont!»

On pensait, alors, que le président de la République allait renoncer à rechercher des ministrables dans la filière des walis. Il n'en fut rien, et à la surprise générale, Mohamed Ghazi, Abdelmalek Boudiaf, Abdelouahab Nouri ont intégré le gouvernement.

Le premier nommé a été placé à la tête du ministère chargé de la Réforme du service public : ça sera un «ministère transversal», qui se nourrirait des propositions qui seront portées par les départements ministériels et les institutions concernées, avait affirmé Abdelmalek Sellal, lors de la cérémonie d'installation de Mohamed Ghazi. A la surprise générale, le ministère a été supprimé à la faveur du remaniement ministériel qui s'en est suivi, et son titulaire qui, pourtant, n'avait aucun bilan à faire valoir, s'est vu attribuer le portefeuille de ministère du Travail, à partir duquel il a réussi le tour de force de s'aliéner et de mettre à la rue, l'ensemble des syndicats à la faveur de la très contestée loi sur la retraite. N'étant pas, à l'évidence, l'homme de la situation, surtout pas l'«expert» qui serait en mesure de porter «le Code du travail», il a été débarqué !

Le deuxième wali à être nommé ministre est Abdelmalek Boudiaf. Pour tout le monde, notamment médical, ce n'était pas l'homme de la situation. Contesté par toutes les corporations du secteur, il a tenu bon malgré le scandale du fameux «RHB». Son limogeage a été accueilli avec soulagement.

Abdelouahab Nouri, quant à lui, après avoir été nommé au ministère de l'Hydraulique et des Ressources en eau, il a atterri à la tête du ministère du Tourisme et de l'Artisanat. N'étant pas expert en la matière, il a contribué par son manque d'imagination au grand gâchis touristique qui fait, par ailleurs, le bonheur de nos voisins de l'Est et de l'Ouest et qui à inscrit en lettres noires sur le registre des faillites celle de l'Algérie indépendante.

Les noms des ministres qui l'ont précédé et qui ont mal géré le secteur ont contribué à sa ruine aussi ! Et l'actuel ministre en poste, ancien wali est à blâmer, ne serait-ce que pour son commentaire concernant les Algériens affluant en masse en Tunisie faute d'infrastructures adéquates dans leurs pays : Benmessaoud s'en est félicité en allant jusqu'à dire « qu'ils ont le droit de voyager et de partir où ils veulent ! »

Faut-il conclure, s'agissant des walis promus ministres, qu'ils n'ont pas été à la hauteur des attentes ?

Non, si l'on se réfère au bilan du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, qui a engrangé, en son temps, un réel succès grâce «au choc de simplification des procédures administratives» et à «la réanimation du service public», qu'il a mené de main de maître; sans oublier les documents d'identité et de circulation «biométriques».

Non, si l'on se réfère aussi au bilan du ministre de l'Habitat, Abdelwahid Temmar, qui a réussi «à sortir de terre» tous les programmes d'habitat.

De ce qui précède, peut-on encore prétendre que la filière des walis reste, malgré tout, un vivier de compétences ?

Oui, semble-t-il, car malgré leurs échecs successifs, on continue en haut lieu à puiser dans le corps ! Et de les affubler du titre de «technocrates» ! Alors qu'ils ne sont que des grands commis de l'Etat qui ont, pour la plupart, «touché à tout», sans être pour autant des experts dans un domaine précis.

Avec le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune, les observateurs se sont précipités à parler d'un «gouvernement de technocrates».

Evidemment, ce n'est pas vrai, même si certains ministres, comme Abderrahmane Raouya, Mustapha Guitouni, Mourad Zemali et Mokhtar Hazbellaoui, entre autres, pouvaient s'en revendiquer.

Dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout et restent impuissants devant les problèmes de société ! L'idée d'une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement d'experts.

Pour fermer la parenthèse, «le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d'Einstein», expliquait un politologue.

Mais sinon, un gouvernement politique à 100% est-il envisageable pour Noureddine Bedoui ?

Pas si sûr, la rue n'en voudrait pas !!!

Est- ce à dire, que l'Algérie restera sans gouvernement, faute de consensus ?

Comme la Belgique, en son temps?

Certains se rappellent encore, toujours ébahis, de la période de 541 jours durant laquelle ce pays a vécu sans réel gouvernement, en 2010-2011

À la suite d'une crise politique ouverte, la Belgique est restée cinq mois sans véritable gouvernement, jusqu'aux élections législatives: après ces élections, traditionnellement, plusieurs mois passent avant que les partis vainqueurs réussissent à dégager une majorité et un accord de gouvernement dans ce régime parlementaire au scrutin proportionnel.

D'ici là, le gouvernement reste en place sous le statut des « affaires courantes ». Le pays est donc géré mais le processus des décisions engageantes est bloqué, tout comme le train des réformes.

Bedoui pour sa part continue de prospecter et de recevoir tous ceux qui seraient tentés d'intégrer son gouvernement

Entre-temps certains «ministrables », issus de la société civile ou anciens ministres, voire quelques walis ambitieux vont vivre, ces prochains jours et nuits, un véritable calvaire!

Pas de méprise, ce ne sont pas des opposants malheureux comme les avait décrit, et de manière croustillante, un animateur lors d'une émission radiophonique ; la scène commence ainsi : (sonnerie de téléphone) Excusez-moi, c'est ma nouvelle sonnerie de téléphone depuis dimanche soir disait l'un des ministrables sur un plateau où il était invité... J'ai oublié de l'éteindre en entrant en studio ce matin... C'est très gênant, je suis confus, je reprends...

Les ministrables ce sont tous ceux qui espèrent que le président va les nommer ministre dans son gouvernement resserré.... d'union nationale.

Alors évidemment, ces politiques, ces intellectuels, ces personnes qui rêvent d'être ministres, sont très tendus, parce qu'ils attendent... (Sonnerie de téléphone) Oh, la, la ! C'est pas vrai, je n'arrive pas à éteindre ce foutu téléphone. Pardonnez-moi chers auditeurs !

Oui, donc, ces femmes, ces hommes attendent un appel de Noureddine Bedoui qui pourrait leur annoncer la bonne nouvelle et à chaque fois que leur téléphone sonne, ils s'imaginent que c'est « la présidence » qui les appelle personnellement, ou alors le Premier ministre pour leur proposer un poste, et forcément, ils vivent avec leur smartphone greffé. Ils ne l'ont pas éteint cette nuit, ils vont aux toilettes avec, ils déjeunent avec... (Sonnerie de téléphone). Oh, la, la ! Mais Ce n'est pas possible, cette sonnerie, il faudrait peut-être que je réponde, c'est peut-être important... (Sonnerie de téléphone). Clap de fin.

En dépit de rumeurs ou d'offres réelles, certains de ces ministrables ne seront pas, finalement, du casting !

Et l'annonce du nouveau gouvernement, à peine rendue publique, que voilà certains farfelus dont le nom a été cité par les médias, s'appliqueront à expliquer pour se justifier : « (...) oui, j'ai été contacté pour prendre tel et tel ministère, mais en dernière minute etc»; et aux plus effrontés de dire : « (...) j'ai décliné la proposition de Bedoui et lamamra d'intégrer le gouvernement, j'ai suivi le hirak et tous doivent partir, « yerouhou gaa » ! »