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Le dernier quart d'heure

par El Yazid Dib

Il ne reste que quelques jours, disent les uns. Les autres affirment qu'il faut laisser le temps au temps. Cependant, les orthodoxes parlent de délais constitutionnels et de solennité de la loi. Ils disent que d'ici demain ou après-demain, le corps électoral va être convoqué pour aller au mois d'avril décider encore sur l'avenir, cette fois-ci de ses p'tits enfants. Le mien a été consommé autant de fois.

Ainsi l'on voit qu'il y a encore des gens qui savourent les mystères et pensent démêler les énigmes du sérail. Alors qu'ils ne savent même pas déchiffrer un bulletin météo.

Ce ne sera pas en bloquant sciemment les aiguilles d'une montre que l'on empêchera le temps d'avancer. Ou en changeant le tic-tac que l'on pourra transformer le concert de la postérité. L'histoire est comme le temps. Imprenable. Sans état d'âme. L'actualité est ainsi rendue imperceptible pour devenir un outil manipulatoire aux mains de ceux qui croient faire l'avenir d'une nation. Une manipulation politico-génétique. Que ce soit mis à leur profit d'embellir davantage le label historique, terni par les affres d'une chronologie lente et pesante, ou au secours d'une fin de règne mal-en-point ; le recours à l'opacité gestionnelle reste injustifiable à plus d'un titre.

Si la turpitude politique et l'excès de prudence tactique de nos politiciens s'attardent et se retardent à dégager clairement un choix, le questionnement absurde qu'il est mais réel et indiscutable suivant, reste de mise : que faire pour que l'avenir du pays ne soit plus sujet à hypothèque ? Les positions observées chez tous les acteurs nationaux, partis, pouvoir, opposition, élite à ce sujet ne se sont jusqu'à présent exprimées qu'à travers des positions simulées et suggérées par les médias. Que font ces sénateurs, ces députés ? A part pointer le nez dans une salle, une ouïe dans les coulisses et une main dans la poche de la cagnotte nationale.

Pendant ce temps, le temps est au profit du vide, à l'attentisme stérile et inadéquat, du moins à ses hommes. Ils se rassérènent, ces « attendeurs » de la diversion probable qui déchirerait les rangs mal serrés d'un pouvoir en phase de désunion.

Le président, comme tout homme imbu et fortifié par la chance systémique, eut d'abord l'idée de vouloir aplatir tout embryon d'idée de résistance pour pouvoir enfin imposer avec fermeté sa vision publique des choses, le contours des intérêts de sa nation et la recherche du bonheur à jamais perdu de son peuple. Bouteflika n'est plus le candidat de 1999. Peu loquace, discret et presque aphasique. Il ne signifie plus le consensus d'alors tant que la concorde n'eut pu embrasser toutes les frontières nationales. Il intercepte avec un vif pressentiment, l'avenir incertain qui, à la défaveur de la conjoncture internationale mettant en branle la logique de la puissance aux dépens du droit et de la légalité, ne peut se faire garantir un écoulement chronique heureux plein de bonne humeur, de santé et de prospérité. Il est toujours en droit de se porter candidat. L'histoire enseigne que le vœu ne se fige pas constamment à l'intention et que la politique est inlassablement liée au désir de la survivance. La fin d'un conte, idyllique soit-il, est toujours un commencement pour un autre. C'est pratiquement pareil en politique où les élections font le compte à contresens d'un conte qui peut durer cinq ans. Tous les mandats s'écourtent devant la vitesse du temps et le vieillissement des cellules qui ne donnent au temps que le temps d'un souvenir ramassé à un autre.