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De l’importance des négociations sino-américaines

par Akram Belkaïd, Paris

À bien des égards, les négociations qui viennent de débuter entre la Chine et les États-Unis constituent l’un des grands moments de ce début de siècle même si l’actualité foisonnante donne l’impression que d’autres sujets méritent bien plus d’attention. On est tout de même en présence des deux grandes puissances mondiales qui tentent de trouver, par le dialogue et la concertation, une solution à leurs multiples différends commerciaux. Bien entendu, il sera difficile de connaître le détail des discussions mais le processus mérite d’être suivi de près car il risque fort de faire date.

Pessimisme des observateurs

On ne rappellera jamais assez que, dans le passé, les rivalités commerciales furent souvent des motifs de guerre. Il suffit de se pencher sur l’histoire du dix-neuvième et du début du vingtième siècles en Europe pour en prendre conscience. Les conflits qui ont ébranlé la planète avaient certes pour fondements des volontés incessantes d’expansions territoriales et de recherches de puissance mais il suffit de gratter un peu pour découvrir que les enjeux commerciaux étaient alors fondamentaux.

Dans ce qui nous occupe aujourd’hui, les États-Unis ont d’abord choisi la manière forte avec des taxes décidées de manière unilatérale et des déclarations très martiales de la part du président Donald Trump. De leur côté, les autorités chinoises ont décidé dans un premier temps de relever le gant en imposant à leur tour de nouvelles taxes et des sanctions. Les négociations ouvertes à Pékin en ce début de semaine sont censées mettre fin à l’escalade. Les deux parties ont donc jusqu’à début mars pour trouver un accord. Pour l’heure, le discours des concernés est optimiste. Cela tranche avec l’avis des observateurs qui se demandent comment les États-Unis vont obtenir de la Chine l’ouverture de son marché intérieur et la suppression, ou tout le moins, la diminution, des aides accordées aux exportateurs chinois.

Autrement dit, ces négociations risquent de ne pas déboucher sur grand-chose même si Donald Trump tient absolument à « son » accord. Cela lui permettrait de disposer d’un solide argument électoral à l’heure où il pense déjà à novembre 2020 et à sa réélection. Tout l’enjeu pour lui est donc d’obtenir des concessions chinoises qu’il s’agisse de l’engagement de Pékin en matière de respect de la propriété intellectuelle ou de l’augmentation des achats de produits en provenance des États-Unis, notamment des denrées agricoles. Le résultat dépendra pleinement des autorités chinoises lesquelles n’ont toutefois pas l’intention de plier le genou. Ces dernières n’ont guère apprécié l’arrestation au Canada, à la demande de Washington, de Meng Wanzhou, la responsable financière du géant chinois des télécommunications Huawei. Elles voient dans cette affaire -liée officiellement à la question du non-respect des sanctions américaines imposées à l’Iran- une volonté de brider l’essor technologique chinois.

Reprises du bras de fer

Que se passera-t-il si ces négociations échouent ? D’abord, il y a de fortes chances pour que la guéguerre commerciale reprenne. Pour des raisons électorales, Donald Trump a besoin de maintenir la pression sur cette question même si les marchés financiers américains n’aiment guère cela. Ensuite, il est vraisemblable que de nouveaux cycles de négociations soient enclenchés ne serait-ce que c’est parce qu’un grand nombre de pays le demandent. Loin de tirer profit de ce bras de fer, plusieurs économies, qu’elles soient développées ou émergentes, sont pénalisées par le fait que Chine et USA s’imposent mutuellement des sanctions et des taxes. Dans un monde où aucun pays ne fabrique à 100% tel ou tel produit, une bataille commerciale, même à des milliers de kilomètres de chez soi, peut avoir un impact direct sur sa propre production.