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Macron en toute petite forme

par Pierre Morville

Après 15 jours d'une longue attente, un remaniement gouvernemental minimal et pas de changement de cap

Le Président Macron est intervenu dans une courte allocution, mardi soir sur les télés françaises. Le Président a reconnu quelques fautes dans ses relations aux Français, mais sans préciser lesquelles ; il a confirmé le remaniement gouvernemental qui est intervenu le matin même ; il a surtout répété qu'il ne changerait pas de cap dans sa politique gouvernementale.

Le remaniement était inévitable. Après la démission fin août, de Nicolas Hulot, Ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire et consacré N°3 du gouvernement, intervient le 3 octobre, celle de Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur et N°2 du régime macronien. En un peu plus de quinze mois, sept ministres ont donc démissionné. Mais le départ des deux poids lourds, Nicolas Hulot incarnant la sensibilité écologiste,(vite remplacé par François de Rugy) et de Gérard Collomb représentant le meilleur exemple des anciens socialistes ayant rallié le nouveau pouvoir, ont créé un grand choc pour ce dernier. Les raisons officielles de ces deux démissions restent polies donc vagues mais en filigrane, les critiques qui remontent sont plus vives et semblent partagées aujourd'hui à voix haute, par certains députés macronistes de La République en Marche : style autoritaire et trop solitaire du Président, absence d'écoute des Français et du corps législatif, une ligne politique gouvernementale beaucoup plus à droite que la synthèse « Droite- Centre- Gauche réformiste », promis par Emmanuel Macron, lors de sa campagne présidentielle.

Côté remaniement, l'épisode a été le plus long de l'histoire de la Vème République française. Fait très inhabituel, Emmanuel Macron s'est en effet donné un long délai de quinze jours pour composer sa nouvelle équipe ministérielle. Deux semaines de concertation, de négociations, de propositions de postes ministériels, de réorganisation du fonctionnement gouvernemental. On s'attendait donc à une réforme en profondeur. Que nenni !

Après deux semaines de tergiversations, le nouveau gouvernement a été dévoilé mardi matin. Les modifications sont minimes. Principale nomination, Christophe Castaner est nommé à l'Intérieur. Il quittera ses fonctions à la direction du parti macronien, La République en Marche.

Après ce remaniement, les principales difficultés rencontrées par le gouvernement précédent continueront à subsister, voire à s'aggraver. Et l'intervention télévisuelle de mardi du Président n'a pas réussi à lever les doutes, y compris dans les commentaires qui ont suivis, même de certains journalistes qui, au départ le soutenaient vivement et même parfois de façon fort militante. Il y a tout d'abord le style présidentiel d'Emmanuel Macron. Elu sans difficulté face à Marine Le Pen, le jeune Macron apparaissait au départ comme sympathique, dynamique, bon orateur, et surtout un réformateur décidé à transformer la France en profondeur : d'où une avalanche de réformes pendant les premiers quinze mois et un autre paquet à venir.

Mais le « Maitre des horloges » comme se nomme lui-même, Emmanuel Macron a rapidement mal maitrisé les nombreux calendriers et mélangé dans la conduite gouvernementale, les pédales de l'accélérateur, toujours à fond, du débrayage et parfois des freins, en dernière urgence.

Ses nombreuses réformes annoncées à grands coups de trompettes, et appelant les Français à de nombreux sacrifices ou abandon de garanties juridiques, n'ont eu aucun effet sur la croissance. La bonne performance enregistrée en 2017 (2,2 %) ne sera pas renouvelée dans l'immédiat. Le gouvernement, qui tablait initialement sur 2 % de croissance cette année, a déjà revu ses prévisions à 1,7 %. Et la Banque de France a ramené à son tour, au courant de l'été, sa projection à + 1,6 % pour cette année (contre 1,8 % en juin), un niveau de progression qu'elle anticipe également pour 2019, puis 2020.

Réformes rudes sans résultats sur la croissance et donc sur l'emploi (le chômage reste toujours élevé : les Français sont de plus en plus mécontents.

Le président Emmanuel Macron enregistre une nouvelle chute de cinq points de sa cote de popularité, passant de 34% de «satisfaits» en août à 29% en septembre, son score le plus bas depuis le début du quinquennat, selon un sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche.

D'après cette enquête, 70% des Français se disent «mécontents» de l'action du chef de l'Etat en septembre, contre 66% en août (+ 4 points). Emmanuel Macron avait atteint ses meilleurs scores au tout début de son quinquennat en mai et juin 2017 avec successivement 62% et 64% de «satisfaits».

Comparé à ses deux prédécesseurs, Emmanuel Macron fait un peu mieux que François Hollande au même moment de son mandat (23% de «satisfaits») mais moins bien que Nicolas Sarkozy (37%).

Ces deux présidents n'ayant fait qu'un seul mandat. Une politique un peu plus à gauche ? Le nouveau gouvernement va-t-il amoindrir sa politique de réformes difficiles et apporter quelques réconforts aux salariés, chômeurs et retraités ? Deux obstacles à cette éventualité, le 1er ministre Edouard Philippe, au grand dam d'une petite partie de ses députés LRM, est très ancré dans la droite libérale dont il est issu. Seconde difficulté, les marges de manœuvres économiques du nouveau gouvernement Macron sont très faibles alors que la grogne sociale augmente.

Cette situation nationale a pour arrière-fond, une crise sans précédent de l'Union européenne. Après le Brexit, la montée de l'extrême-droite xénophobe et eurosceptique en Italie et dans la plupart des pays de l'Europe de l'Est, la coalition gouvernementale (CDU-CSU avec le soutien du SPD) menée par Angela Merkel, la principale alliée-interlocutrice d'Emmanuel Macron dans l'Union européenne, a subi un revers électoral retentissant lors des élections régionales de Bavière, région traditionnellement conservatrice et très respectueuses des pouvoirs en place.