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APN : ils ont touché le fond et ils continuent de creuser!

par Cherif Ali

Trois semaines après la contestation dont il a fait l'objet, Said Bouhadja dégage une telle assurance à croire qu'il bénéficie de soutiens occultes en lien avec l'échéance électorale à venir, font remarquer des observateurs de la vie politique

Lui dit s'en tenir à la légalité, d'autant plus que ses détracteurs, députés de la majorité parlementaire, ne lui opposent aucun argument confortant la vacance du poste pour cause de décès, de démission ou d'incompatibilité.

Jusqu'où descendrons-nous dans le rocambolesque, la mascarade et la parodie? Parce que c'est bien à une parodie que s'apparente ce qui n'est plus seulement la joute mais carrément la guerre entre « Aâmi Said » et les députés de la majorité présidentielle et leurs alliés.

Ayant donc décidé de ne pas démissionner le toujours- président de l'APN a lancé la contre-offensive en chargeant d'abord ses «communicants» d'expliquer l'illégalité de la démarche initiée par ses détracteurs qui en sont arrivés, au-delà de sa personne, à bafouer une institution censée être l'émanation de la volonté populaire et dont ils sont, en principe, les garants !

Quelle mascarade? On n'en est pas à une querelle de poulailler visant à mesurer qui a plus de fiel que l'autre. On n'en est pas à justifier des errements en disant que d'autres font pire et ne sont pas inquiétés. On en est à constater à quoi peut être réduite l'institution qu'est et que devrait être l'APN! Et les députés qui ont touché le fond et qui continuent de creuser encore : Ils ont franchi un pas supplémentaire en empêchant Said Bouhadja et ses fonctionnaires d'accéder à leurs bureaux qu'ils ont cadenassés. Comme s'il s'agissait d'une kasma d'un bled perdu!

A la limite, diront certains, nous pourrions presque nous en passer d'une telle institution, sauf qu'une assemblée nationale représente une autorité dont on peut aussi penser qu'elle est capitale dans la construction de la conscience d'un pays.

Légalement le président de la République, peut dissoudre l'Assemblée populaire nationale ; c'est le seul, d'ailleurs, qui en a les prérogatives. En effet, l'article 129 de la Constitution, stipule que «le président de la République peut décider de la dissolution de l'Assemblée populaire nationale ou d'élections législatives anticipées, après consultations du président de l'APN, du président du Conseil de la nation et du Premier ministre » ; dans ce cas, il est précisé que cette dissolution n'est rendue possible que «si les agissements de la majorité sont en contradiction avec la Constitution et les lois de la République».Serait-ce le cas, avec cette démission forcée imposée à Said Bouhadja qui met en avant « l'inconstitutionnalité » de la démarche des députés qui veulent le mettre à la porte?

En fait, dans la pratique, personne ne pourrait s'opposer à la volonté du président de la République, s'il venait à décider de dissoudre l'APN, cette mal-aimée chambre d'enregistrement incapable de proposer la moindre loi et encore moins de s'opposer à la politique du gouvernement.

C'est dans ce contexte, d'ailleurs, qu'il faut inscrire la demande de certains hommes politiques et autres observateurs qui revendiquent, haut et fort, la tenue d'élections législatives, à l'instar de la présidente du Parti des travailleurs qui, souhaite, elle aussi, et avec véhémence, la dissolution de l'APN qu'elle qualifie « d'illégitime » et de «produit de la fraude » déniant aux députés actuels «qui ont acheté des consciences» , dit-elle, la capacité intellectuelle et politique de voter des lois majeures. Certains analystes voient dans cette agitation une façon de donner au président de la République, le bon prétexte pour dissoudre le Parlement y compris le Sénat pour lequel, lui-même, n'a jamais caché son aversion.

Et les arguments des partisans de la dissolution semblent tenir la route :

1. il est impératif, disent-ils, d'organiser des élections législatives anticipées, après la révision de la Constitution, afin d'adapter les institutions de l'État, dont les deux chambres du Parlement, à la nouvelle loi fondamentale du pays ;

2. il faut mettre en adéquation la loi constitutionnelle et le nouveau découpage territorial ;

3. il faut aussi résoudre cette question qui taraude beaucoup de monde et qui concerne l'utilité du Sénat, dans sa forme actuelle ; même le président de la République, semble-t-il, est convaincu de l'inutilité de cette deuxième chambre? qualifiée de «cimetière des éléphants » par certaines mauvaises langues désespérées de ne pas être choisies pour siéger dans le tiers présidentiel.

Mais, le son de cloche est perçu, différemment, chez les partis de la majorité FLN-RND qui se sont exprimés sur le sujet et ont fait état de leurs réserves. Ils s'opposent à toute dissolution de l'APN. Le Premier ministre, pour sa part, exclut des élections législatives anticipées, tout en rappelant que « seul le président de la République dispose de cette prérogative » ; il ne croit pas si bien dire, même si en même temps il enfonce des portes ouvertes : Abdelaziz Bouteflika est le maître du jeu ; s'il a choisi de renforcer le rôle du Parlement dans le projet portant sur la révision de la Constitution, c'est qu'il a déjà en tête les bonnes personnes à même de le mettre en œuvre et de le porter dans l'hémicycle ! Said Bouhadja est-il de ceux là ou doit-il céder la place ?

Les 221 députés du FLN et les 70 autres du RND ne se feront pas « hara-kiri » et n'abandonneront jamais leur statut en or, qu'ils ont arraché avec leurs dents ainsi que l'immunité qui permet à un certain nombre d'entre eux de se placer au dessus des lois de la République. La « chkara » et le « nomadisme politique » évoqués comme arguments à charge par leurs détracteurs, continueront, toujours, à avoir cours et droit de cité, nonobstant les critiques:

1. leur institution, noble au demeurant, a été affublée du qualificatif de « chambre d'enregistrement » :

2. leurs rares demandes de commissions d'enquête ont fait «pschitt» et ont été avortées dans l'œuf ;

3. les députés ont été filmés par la télévision qui somnolant, qui ânonnant un texte, qui vociférant, bref dans tous leurs états et en peine perdue :

4. certains d'entre eux avouant, toute honte bue, qu'ils n'ont jamais ouvert de livre ou encore d'autres, plus hardis, soutenant mordicus, qu'ils ne lisent que le livre des livres, Le Saint Coran et enfin certains déclarant qu'ils ne souvenaient plus de l'auteur du livre qu'ils viennent tout juste de terminer de lire :

5. ils ont tout enduré pour garder leur siège et leur confort, dans la résidence d'Etat où quelques uns d'entre eux viennent à peine d'installer leur deuxième épouse :

6. ils ont bataillé pour bénéficier d'un passeport diplomatique, en vain :

7. ils ont refusé d'installer des permanences dans leur circonscription malgré les Budgets qui leur ont été alloués.

La dissolution de cette Assemblée populaire nationale est-elle, comme on dit, dans l'air? cela passerait, inéluctablement, par l'éviction forcée des députés «border line » et la mort politique de beaucoup de responsables de la majorité parlementaire, des éléphants en fait, qui pensaient avoir fait l'essentiel en soutenant, à cor et à cri, le 4e mandat d'Abdelaziz Bouteflika.

Mais sinon pourquoi dissoudre cette Assemblée si accommodante avec le pouvoir, elle qui s'est appliquée durant trois jours de débat sur le plan du gouvernement, à dire une chose et son contraire, avec parfois des interventions plus qu'hostiles de la part de ses membres parmi les plus belliqueux mais qui, au final, donne le quitus au Premier ministre ? Elle l'autorise même à introduire toute la souplesse voulue à la règle 51/49 qu'elle considérait, pourtant comme «une ligne rouge à ne pas franchir» !

Alors, faut-il dissoudre l'Assemblée populaire nationale ?

Oui, semble-t-il, car provoquer des nouvelles élections législatives servirait, déjà à débarrasser le Parlement et de ces encombrants députés du FLN et du RND et des islamistes virulents qui y siègent. Ils ont atteint le fond et ils creusent encore !

Oui, il faut dissoudre parce que le moment est venu de mettre le FLN au musée pour au moins préserver ce qu'il lui reste de crédibilité car il est le patrimoine commun des Algériens et non pas le fonds de commerce auquel l'ont réduit ceux qui ont fait carrière et fortune grâce à lui et le fameux article 120.

Oui, il faut dissoudre cette APN dont ne veut plus Mustapha Bouchachi, qui a démissionné déçu de ne pas avoir trouvé une tribune pour défendre les électeurs qui lui ont conféré mandat ; il a renoncé au salaire mirobolant de député et a osé un sursaut digne d'un homme intègre, choqué par « la transgression flagrante de la loi par certains élus qui ignorent les lois de la République, y compris celle régissant leur propre institution et qui n'ont pas eu le courage de voter des propositions de mise en place de commissions d'enquêtes indépendantes».

Oui, il faut aller vers des élections législatives anticipées pour permettre l'émergence de nouveaux députés eux-mêmes issus de partis neufs d'où, sortiraient les dirigeants politiques de demain.

Les partis dits de l'opposition, expriment la même exigence, celle consistant à provoquer des élections législatives anticipées.

Il faut virer ces « insurgés- parlementaires » qui, en se rebellant contre leur président, sans motif plausible apparent, ont aussi attenté à la crédibilité d'une honorable institution destinée à préserver la dignité des Algériens. Tout le monde est maintenant convaincu, l'APN devra être l'affaire d'autres hommes et d'autres femmes moins sujettes aux jeux d'appareils, de nouvelles générations d'hommes imprévus, absous de nos croyances, exonérés de nos illusions, libérés de nos naïvetés, affranchis de nos connivences et de nos mortelles ambitions, comme à tenu à le souligner un chroniqueur.