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L'honneur perdu de la politique

par M'hammedi Bouzina Med

«Il est plus difficile de gouverner ceux qui ont soif de réputation et de plaisirs que ceux qui ont faim de pain» ( Pierre Victor Boiste).

Big-bang dans le monde politique algérien. Le président de l'Assemblée nationale qui s'interroge s'il a été limogé, démissionné ou écarté sans nous dire par qui et pourquoi. Plus loin, le chef d'un parti satellite-soutien de l'alliance au pouvoir déclare que si l'Assemblée nationale finit dans une situation de blocage, sa dissolution est nécessaire, comme s'il y avait une autre alternative. A l'intérieur de cette Assemblée des fractures entre vieux couples, des «mariages» de circonstances, des coups-bas entre collègues, des silences aussi et même des semblants de révoltes. Autour de l'hémicycle des parties prenantes de l'Assemblée appellent à une constituante. En face le peuple regarde, écoute et tourne le dos en lâchant un soupir, signe de sa lassitude.

Et pour cause ! Lorsque l'institution supposée légiférer et protéger les lois qu'elle édicte, les ignore et se donne en spectacle de théâtre de boulevard, peut-elle mériter le respect du citoyen - électeur, la crédibilité de son rôle et la légitimité constitutionnelle? Ces soudaines batailles de tranchées entre élus, partis, personnalités jusque-là réunis autour du programme présidentiel interviennent à l'approche de la prochaine élection présidentielle et dévoilent toute la mesquinerie de beaucoup d'hommes et femmes politiques, tant elles suintent l'opportunisme, la ruse, la chasse aux places et fauteuils autour de la grande mangeoire nationale du printemps prochain. D'une élection à l'autre, le citoyen électeur assiste attristé et impuissant au comportement honteux d'une grande partie des élus qui dévergondent et insultent la mission politique dont ils sont investis. D'une élection à l'autre, l'abstention gagne la majorité des «votes» et cela ne semble en rien inquiéter ou même déranger le confort politique des tenants du pouvoir.

Entachées par l'inconscience et le comportement d'élus à tous les niveaux de pouvoirs, les élections sont à leur tour et à tous les niveaux entachées de doute, de tricherie, de viol de la volonté populaire. Parmi les citoyens désabusés, en particulier chez les jeunes, beaucoup ne voient même pas la nécessité d'organiser des élections y compris celle présidentielle tant ils sont écœurés par les scandales politiques où il est question d'affaires, de corruption, de règlements de comptes entre clans etc. L'accélération et la multiplication des turpitudes du système donnent le vertige à tout le monde et stressent les plus optimistes: limogeages en séries partout, dans la haute administration de l'Etat, dans les rangs de l'armée nationale, dans les services de sécurité etc. Un bouleversement, un séisme, un Big-bang politique à la turque que le président Tayyeb Erdogan, soupçonnant un coup d'Etat contre son régime, a provoqué en purgeant sans état d'âme partout dans les institutions de la république. Les effluves malsains qui nous parviennent de l'Assemblée comme du Sénat sont les symptômes d'un corps en décomposition. Un malade qui risque de contaminer le peu de ce qui reste de sain dans la république.

Lorsque des sénateurs boudent et font grève pour exiger la libération d'un des leurs écroué par la justice sur un flagrant délit de corruption, il y a de quoi s'inquiéter de « notre avenir» et de la maison Algérie. La crétinerie a atteint jusqu'au sommet de l'Etat. Pourquoi s'étonner des légendes contées par les illuminés du cerveau pour remplacer la république par un califat quand le ministre des anciens moudjahidine compare l'arrivée du président Bouteflika au pouvoir à celle du prophète de l'islam pour le monde: bénédiction, clémence et miséricorde.

Comment espérer le retour d'une confiance même relative entre le peuples et « ses» élus lorsque des députés et chefs de partis politiques déclarent publiquement et sans aucune gêne qu'ils font de la brosse à reluire, de la «Chita», au président Bouteflika alors que lui même n'a rien demandé et ne s'est même pas prononcé sur sa propre éventuelle candidature? Ces gens affirment qu'ils font de la brosse à reluire et exigent en échange d'avoir des postes lucratifs d'élus ou responsables quelque part. Il y a de quoi désespérer du rôle et de la mission du politique n'était-ce les quelques ilots de résistance qui tentent d'endiguer la déferlante du fatalisme qui ronge de plus en plus la société. Etrange de voir la surenchère dans la «Chita» pratiquée par certains élus et hauts responsables du gouvernement envers le président de la république être à l'origine de leurs divisions et de leurs guéguerres.

Que deviendront-ils si pour leur malheur Mr Abdelaziz Bouteflika ne se représentera pas pour un cinquième mandat? Ils feront rang soudé derrière le nouveau-futur président , bien sûr. Professionnels de la reptation politique, ils s'étaleront de tout leur corps pour servir le nouveau prince de la république contre de nouvelles miettes, croient-ils. L'histoire politique du monde est remplie d'exemple où même les tyrans finissent par lâcher leur laudateurs et faux-serviteurs. Un «Chef» ne peut faire toujours confiance à un serviteur qui a trahi un autre chef, fut-il son ennemi. D'ailleurs pourquoi remonter loin dans l'histoire du monde? Regardons chez nous, juste hier, des intouchables, puissants qu'ils se croyaient parce que proches ou associés au pouvoir central se sont réveillés, tirés par le col de la chemise, expulsés de leurs fonctions et grades, sans rien. « Tant de gens échangent volontiers l'Honneur contre des honneurs « disait Alphonse Karr au 19ème siècle. Encore faut-il avoir un honneur pour ensuite pouvoir le préserver ou le défendre en cas d'offense.