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Faut-il désespérer?

par Mahdi Boukhalfa

Bigoterie, incivisme, inculture, inconscience sont en train de ramener des Algériens doucement mais sûrement au chaos. Faut-il désespérer d'un peuple, qui n'a rien appris de l'histoire contemporaine, lorsqu'il glorifie devant ses victimes des dictateurs qui ont mené leurs pays à la ruine et assassiné des milliers de personnes ? Après les tristes clameurs du stade Omar Hamadi d'Alger et la réaction immédiate de la délégation sportive irakienne, il y a de quoi se poser des questions sur cette extraordinaire et coupable inconscience qui a montré à quel point des Algériens sont loin de la réalité politique du moment, absolument déconnectés de l'actualité régionale, internationale.

Pour les Irakiens, ahuris d'entendre des supporters algériens glorifier Saddam Hussein, cela a été vécu comme la réouverture d'une profonde blessure, le rappel d'une période noire. Suffisant pour que cela provoque un véritable tollé en Irak et que les Algériens soient pointés du doigt, tantôt assimilés à des racistes, tantôt à un peuple inculte... De graves accusations qui font mal à l'Algérie, à son peuple, à sa crédibilité. A son histoire. Que des supporters de l'USMA pensent souhaiter la bienvenue aux joueurs irakiens en glorifiant l'ancien chef d'Etat irakien, est d'une stupidité sans pareille. Et c'est cette bigoterie qui s'est emparée de larges pans de la société algérienne qui est train de prendre le pas dans le pays, l'enfonçant dans la médiocrité, l'inculture, l'incivisme et l'irresponsabilité.

S'il est exagéré de parler d'inculture, cela ne l'est pas lorsqu'on voit les dégâts occasionnés au train Coradia flambant neuf après son premier voyage à Touggourt. Des jets de pierres contre le train qui dessert une région jusque-là dépourvue de trains de voyageurs montrent à quel point la déchéance sociale est sans limites. De loin, ces jets de pierres contre les trains, ces décharges sauvages, ces comportements de masse irrespectueux et bigots, ces chants de groupes sportifs irresponsables, cette saleté ambiante qui lézarde comme une méchante balafre les villes, ou les villages devenus réceptacles de toutes les déviances sociales, ces comportements criminels contre la nature avec des océans de déchets laissés après le passage de « week-enders » pollueurs, renvoient à cette repoussante image d'un pays à l'abandon.

Jamais l'Algérie n'est tombée aussi bas et il est grand temps d'y mettre de l'ordre. Car une erreur diplomatique, cela se répare, une offense à un pays ami, cela également peut se concevoir et se régler rapidement. C'est le cas présentement après des déclarations irresponsables du maréchal Haftar et que l'Algérie et la Libye sont parvenues facilement à circonscrire, à gérer au mieux des intérêts des deux pays. Mais l'exercice est beaucoup plus difficile quand il s'agit de faire des excuses à des pays qui ne nous respectent pas par la faute d'une inconscience ambiante généralisée. Hier, par la faute d'une galerie dans un stade de l'est du pays, l'Algérie s'était excusée auprès de l'Arabie Saoudite. Aujourd'hui, et toujours à partir d'un stade de football, le pays a été malmené par des Irakiens et les responsables sommés de s'expliquer sur un incident banal, s'il était resté circonscrit au seul aspect sportif.

Non vraiment, il y a des limites, des lignes rouges à mettre en place en urgence pour recadrer ce qui doit l'être. L'absence de l'Etat à tous les niveaux a trop tardé. La recherche de la paix sociale par un abandon de la rue, de l'action publique et de l'encadrement des citoyens est autant coupable que toutes les déviances sociales.