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Trop, c'est trop !

par Moncef Wafi

En Algérie, entre immunité et impunité, un «p» de trop qui change tout. La lettre, pas le gaz sonore intestinal, quoique l'effet est le même : nauséabond. Ce qui s'est passé à la rentrée des classes au sénat est révélateur du mal qui ronge le pays. En décidant de boycotter la session de reprise, en soutien à l'un des leurs, arrêté en flagrant délit de corruption, les sénateurs ont adressé un mauvais signal au reste du monde, faisant corps face à ce qu'ils ont qualifié de cabale et de complot. Parce que ces gens tiennent avant tout à ce sacro droit de l'immunité parlementaire trop souvent confondu avec l'impunité totale. Et les exemples de dépassements sont légion des cow-boys et hors-la-loi qui se croient au-dessus des lois de la République par la grâce d'une distribution des privilèges et des fauteuils. Des gens pompeusement désignés comme les représentants du petit peuple à la faveur de scrutins dont la propreté laisse à méditer. Et le reste de ce peuple peut assister, en silence, à ces excès qui placent ces numéros de série partisans ou cooptés à la surface du pays. Cette impunité consacrée, brandie comme un cadeau divin, un droit constitutionnel, est levée en bouclier pour excuser les dérapages en tous genres et justifier les rapines en tous lieux. Sénateurs, parlementaires, ont cette impression de marcher sur l'eau, écrasant la République sous leurs semelles et se drapant dans cette immunité qui, pour eux, est synonyme de gilet pare-balles. En Algérie, entre immunité et impunité, le fossé est aussi large et profond que le malentendu historique sur le 1er Novembre. Et entre ce «P» et la justice, se sont engouffrés tous les opportunistes de ce pays qui, tout en se blindant à l'intérieur, cherchent à se prémunir contre la justice, à l'extérieur, en courant derrière un passeport diplomatique. Rien que ça ! Cet esprit corporatiste est ce qui arrive de pire à ce pays où chaque profession s'érige en muraille de Chine pour défendre l'indéfendable et inscrire sa petite loi sur les tablettes de la République.

« On ne touche pas aux miens » semble dire cette logique de caste qui met les siens sur un piédestal et les estampillent d'intouchables à ne pas importuner sous peine de fronde générale, de boycott, de grève et de condamner la plèbe à mourir pour une raison ou une autre. Et en Algérie, ce ne sont pas les raisons qui manquent pour trucider son peuple.