En Algérie, entre immunité et impunité, un «p» de trop qui
change tout. La lettre, pas le gaz sonore intestinal, quoique l'effet est le
même : nauséabond. Ce qui s'est passé à la rentrée des classes au sénat est
révélateur du mal qui ronge le pays. En décidant de boycotter la session de
reprise, en soutien à l'un des leurs, arrêté en flagrant délit de corruption,
les sénateurs ont adressé un mauvais signal au reste du monde, faisant corps
face à ce qu'ils ont qualifié de cabale et de complot. Parce que ces gens
tiennent avant tout à ce sacro droit de l'immunité parlementaire trop souvent
confondu avec l'impunité totale. Et les exemples de dépassements sont légion
des cow-boys et hors-la-loi qui se croient au-dessus des lois de la République
par la grâce d'une distribution des privilèges et des fauteuils. Des gens
pompeusement désignés comme les représentants du petit peuple à la faveur de
scrutins dont la propreté laisse à méditer. Et le reste de ce peuple peut
assister, en silence, à ces excès qui placent ces numéros de série partisans ou
cooptés à la surface du pays. Cette impunité consacrée, brandie comme un cadeau
divin, un droit constitutionnel, est levée en bouclier pour excuser les
dérapages en tous genres et justifier les rapines en tous lieux. Sénateurs,
parlementaires, ont cette impression de marcher sur l'eau, écrasant la
République sous leurs semelles et se drapant dans cette immunité qui, pour eux,
est synonyme de gilet pare-balles. En Algérie, entre immunité et impunité, le
fossé est aussi large et profond que le malentendu historique sur le 1er
Novembre. Et entre ce «P» et la justice, se sont engouffrés tous les
opportunistes de ce pays qui, tout en se blindant à l'intérieur, cherchent à se
prémunir contre la justice, à l'extérieur, en courant derrière un passeport
diplomatique. Rien que ça ! Cet esprit corporatiste est ce qui arrive de pire à
ce pays où chaque profession s'érige en muraille de Chine pour défendre
l'indéfendable et inscrire sa petite loi sur les tablettes de la République.
« On ne touche pas aux miens » semble dire cette logique de
caste qui met les siens sur un piédestal et les estampillent d'intouchables à
ne pas importuner sous peine de fronde générale, de boycott, de grève et de
condamner la plèbe à mourir pour une raison ou une autre. Et en Algérie, ce ne
sont pas les raisons qui manquent pour trucider son peuple.