Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Faux coupables

par Mahdi Boukhalfa

Les Algériens ne savent plus où donner de la tête et sont, depuis l'annonce de foyers de choléra, avec le décès de deux personnes, matraqués par des informations autant contradictoires qu'accusatrices sur leur mode de vie qui ne sied plus à une société qui prend soin de sa santé. Avec la grande confusion qui règne au sein des principales institutions sanitaires, et même au plus haut niveau de responsabilités, sur les causes et les foyers de cette maladie, il ne faut plus se poser la question de savoir qui dit vrai et qui tente d'occulter un profond état de décrépitude du système de santé dans notre pays. Mais plutôt de savoir ce qu'il faut faire dorénavant pour éviter des raccourcis politiquement racoleurs, mais inefficaces sur le plan de la prévention et de la prise en charge d'une maladie dont la réapparition montre le long chemin sociologique et psychologique qu'il reste à faire pour que la société algérienne grandisse et s'intègre à son temps. Et non pas rester prisonnière, sinon otage de réflexes et de comportements moyenâgeux qui ont non seulement franchi à la vitesse grand «V» plusieurs pas en arrière, mais également compromis toute idée de modernisme et de modernité, de retour à une urbanité de plus en plus lointaine.

Et si les «experts» de tous bords du moment insistent pour culpabiliser les Algériens sur leur propension à cultiver des comportements malsains et contraires aux principes de l'hygiène, des comportements qu'on s'efforce à montrer du doigt comme étant une des raisons du retour du choléra, il est donc tout à fait normal qu'on occulte les vrais responsables de cette débandade devant une maladie somme toute facilement identifiable et partant que l'on peut guérir à moindres frais politiques. Car il est inadmissible que plus de trois semaines après la déclaration de la maladie, aucune piste sérieuse sur les causes et les foyers potentiels n'a été établie avec exactitude par les services concernés, y compris l'Institut Pasteur d'Algérie qui a provoqué une inutile polémique sur la qualité de l'eau et des aliments et, surtout, a montré qu'il ne maîtrise pas en fait la situation.

C'est ce qui est dramatique dans cette angoissante question, qui est de savoir jusqu'à quel point les autorités sanitaires sont capables de servir une fausse information, sinon de la maquiller pour ne pas avouer une évidence qui commence à se faire jour chez les Algériens, celle qui voudrait qu'ils sont livrés sans protection à des scénarios épidémiologiques dangereux. La raison est que depuis le début les premiers responsables du ministère de la Santé n'ont pas dit la vérité sur cette dangereuse pathologie et qu'ils continuent à le faire jusqu'à présent, sans se soucier des dégâts qu'ils sont en train de provoquer au sein d'un corps social déjà passablement malade. Quant à l'environnement et les questions de salubrité publique, la situation était déjà fort encombrante, avec une faillite totale de l'ensemble du système, alors que maintenant on tente désespérément de culpabiliser l'incivisme du citoyen qui pollue son environnement.

C'est pour cette raison évidente que tous les raccourcis pour chercher des coupables à la réapparition du choléra ne sont que des tentatives politiciennes de dédouaner les vrais responsables, ceux qui sont payés pour protéger la santé des Algériens. Il est patent que cette alambiquée situation ne milite guère pour une émancipation de la société algérienne, maintenue de force dans une sorte de dépendance du ventre et de l'inculture qui ne dit pas son nom. Sinon pourquoi montrer du doigt de faux coupables et oublier les vrais fantômes dans cette déprimante ambiance préélectorale ?