Où
aller lorsque l'Algérie sera officiellement en faillite et qu'un tribunal
international ordonnera la saisie de ses avoirs ? Alors que les réserves de
change fondent comme un nordiste dans la fournaise de In
Salah, l'économie du pays est plus underground que jamais. L'indice de
l'optimiste étant au plus bas, appelé à plonger avec la myopie générale qui
caractérise la gestion du pays, l'Algérien va se réveiller un jour avec ce
lourd sentiment que le temps qui lui était dévolu est écoulé. Que les banquiers
du FMI frappent à sa porte pour le chasser, lui, et cinquante ans de vie
commune, dans la rue. Obligé de sortir de son présent, il traîne le pas et les
enfants derrière un pays en ruines qui se désagrège. Choléra, peste, tirs sans
sommation, ministre en promotion, Constitution déchirée et portraits
présidentiels souriants. Où fuir quand la dictature de la rue remplace celle
d'en haut et que la jungle recouvre les consciences ? L'Europe a fermé les
portes de ses ambassades et avoir un visa de nos jours revient à un miracle
lourdais. Les frontières sont fermées à l'Ouest. A l'Est, tu as le choix entre
une guerre civile et un pays où la question de la femme prend le pas sur le
destin d'une Nation. Au Sud, tu as le désert, la famine et les groupes armés. Reste
le Nord, où la mer te sépare de la vie. Là aussi, il faut s'y prendre tôt et
réserver sa place sur le prochain boat-people qui prend le large. Connaître le
passeur et faire confiance au Diable, enfin s'il n'a pas déjà quitté le pays,
lui aussi. Mais alors aucune garantie au bout du voyage, pas de satisfait ou
remboursé et à tous les coups, c'est la banque qui gagne. Ou tu finis en
casse-croûte pour la poiscaille de la Méditerranée ou en statistique carcérale
en Italie ou en Espagne avant d'être réembarqué, retour garanti vers
l'expéditeur. Où aller lorsque le pays agonise, meurt de sa mort la plus laide
et pousse au suicide ses enfants les plus sages, les moins débrouillards. Nulle
part, tandis qu'un mur fait office de terminus et que le brouillard obstrue
l'horizon. L'avenir est à l'Algérie ce que sont les trois points de suspension
à la grammaire française, et nulle doute que si les
choses ne changent pas, en bien ou en pire, si elles n'évoluent pas, le mur se
rapproche à grande vitesse et la descente risque de faire mal. Très mal. Là, où
et quand.