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Le Sud n'a plus la tête à chanter

par Abdelkrim Zerzouri

Les habitants du Sud n'ont vraiment pas la tête à chanter. Quand on a la gorge serrée par l'angoisse d'un air irrespirable, on perd la voix pour parler, que dire alors pour chanter, ou fredonner des refrains avec les chanteurs ? Dans des moments de grandes tensions qui couvaient au sein des populations du Sud, à cause des conséquences brûlantes de la forte canicule qui sévit dans ces régions désertiques, les plus chaudes sur la planète, quelqu'un a eu la brillante idée d'envoyer des chanteurs pour animer les soirées des habitants de Ouargla, l'idée venait dans un esprit de détendre un peu l'atmosphère, histoire de montrer que les galas ce ne sont pas l'apanage du Nord. Mal lui en prit, car les gens du Sud ont refoulé les chanteurs, gentiment, leur disant qu'ils n'ont rien de particulier contre eux, en tant qu'artistes, mais ils ont une dent contre le gouvernement, qui n'a pas été d'un grand secours durant ces jours torrides où le thermomètre a grimpé jusqu'à plus de 50 °C à l'ombre.

Cette chaleur étouffante, qui n'est pas passée sur les régions du Sud algérien sans désagréments et dégâts, puisque plusieurs pertes en cultures et en bétails sont à déplorer à cause de la hausse de température. Et il y a des agriculteurs qui n'ont aucune souscription en assurance pour se protéger contre les catastrophes climatiques. Dans cette région qu'on voulait faire danser aux rythmes du raï, la chaleur et le manque d'eau composent avec de tristes jours incendiaires, faisant subir aux agriculteurs des pertes énormes, de vastes terres de céréales ravagées par les flammes, ainsi que les éleveurs qui ont perdu gros à cause de la canicule un nombre important de caprins et d'ovins. Des gens qui ont visité ces régions affirment que les agriculteurs ont raté leur saison pour cette année. Comment les faire chanter dans ces conditions ? Les habitants du Sud algérien ne se sentent pas bien chez eux, durant cet été 2018. Et ils n'ont ni le goût ni l'envie d'entendre quelqu'un chanter. Ce n'est pas l'expression d'intégristes endurcis qui ne veulent pas entendre parler de chanteurs, comme certains tentent de le faire croire, c'est seulement par lassitude, par dépit et par colère qu'ils tiennent à faire entendre leurs voix, la voix de la protestation et non celle des chanteurs. Et d'une manière civilisée, dans le calme et le silence qui accompagnent la prière. Bien sûr, la canicule n'est pas la faute au gouvernement, mais les solutions à apporter sont bien de ses responsabilités et prérogatives.

A commencer par ces coupures d'électricité qui compliquent la vie aux habitants du Sud. Pas d'électricité, pas de climatisation. C'est comme si on livrait quelqu'un à l'enfer. Un technicien de la Sonelgaz nous a confié que ce n'est pas un problème de manque d'équipement, mais il y a le fait que ces équipements sont devenus inopérants par cette chaleur torride, faisant fondre comme neige au soleil les composants des postes transformateurs. D'où la panne électrique.

D'où l'arrêt de la climatisation qui envenime davantage le malaise social. Naguère, les populations du Sud avaient d'autres moyens naturels en matière d'habitude vestimentaire et de construction des habitations pour échapper à la canicule, mais plus maintenant, c'est le prix du progrès. Un progrès qui doit atteindre tout le Sud, pas seulement les bases de vie des compagnies pétrolières étrangères, qui n'ont rien à envier au Nord, elles.